Désirs croisés, nouvelle de Dominique Mallié. Intégralité

par Dominique Mallié

Après avoir croqué pendant un an notre société, l’amour, les hommes, le  couple, les enfants… avec beaucoup d’humour, Dominique Mallié passe à un autre genre,  la nouvelle.
A déguster d’un traite.
Chapitre 1, Place 83
Place assise 84, duplex haut, voiture 03, TGV 5323, départ à 10h15 Avignon TGV, arrivée Paris gare de Lyon à 12h45.
Le train allait partir à l’heure : la voix doucereuse de l’hôtesse  venait de l’annoncer.  Antoine se cala sur son siège, étendit ses jambes, regretta de n’avoir rien pris à lire en dehors de ce roman de Marc Dugain que Claire avait glissé dans sa valise avec pour consigne de lui faire un petit résumé. Rien de léger à se mettre sous les yeux : une revue par exemple, un truc people qui lui aurait vidé l’esprit.
Personne face à lui, à cette place isolée,  encore deux minutes et ce serait bon, il allait pouvoir garder ses jambes allongées, somnoler peut être sans se soucier de sa bouche qui s’ouvrirait, la mâchoire tombante, sans se soucier de baver un peu peut être, ronfler surement.
Claire n’avait posé aucune question quant à son emploi du temps exact de ces quelques jours parisiens. Elle était ainsi, une femme douce et aimante, souriante, apaisante . Il aimait penser à elle, faire jaillir son sourire et son regard dans ses pensées. Il aimait cette vie qu’ils s’étaient faite, leurs projets communs.
Le compartiment se remplissait lentement : des couples pour la plupart, excités à la perspective d’un week-end dans la capitale, peu d’enfants… Ce qu’il lui fallait : du calme. Le voyage promettait cela.
Le train allait partir, elle arriva.
Elle, une femme dont il sentit l’odeur avant même de voir le visage. Son billet à la main, elle passa près de lui, le dépassa en fait, cherchant sa place, un sac dans l’autre main, un grand sac qui lui heurta l’épaule, rouge assorti à la robe qu’elle portait et qui tranchait dans l’uniformité de couleurs sombres de cette fin d’après midi d’hiver. Ce fut cela qu’il vit et elle revint sur ses pas, un peu voutée du poids du sac,  s’assit et lui fit face. Il ne pourrait pas étendre ses jambes, il ne pourrait rien faire d’autre que la regarder en fait, il le sentit ainsi : fulgurance de cette femme que la SNCF lui mettait devant les yeux comme un livre à lire, celui que Claire avait glissé dans son sac, celui qu’il n’avait pas acheté.
Peu de maquillage, une cinquantaine d’années, peut-être, un peu plus, un peu moins. Il devient difficile de donner un âge aux femmes aujourd’hui. L’iris, c’était ça le parfum qu’il avait senti d’abord, il le reconnaissait à présent, le même que celui de Claire, drôle de coïncidence.
Commodité du voyage : le wagon restaurant était à côté. Antoine accueillit avec plaisir cette nouvelle. Il détestait par dessus-tout traverser les rames, la démarche branlante, s’appuyer çà et là sur les sièges, être observé dans sa déambulation. Elle avait sorti un livre.  Elle attrapa une pince dans son sac et attacha ses cheveux . Comme elle se baissait pour saisir son sac sous le siège, Antoine lut distinctement le tatouage qui ornait le bas de sa nuque :  »  l’amore ».
Le train partait, la voix de l’hôtesse se fit de nouveau entendre.
 

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Chapitre 2, Anna
Anna Bartoli est née en Italie, à Padova, le 15 août.
Née à la maison, entre une sage femme dépêchée d’urgence et une mère épuisée, au milieu de cette langue qu’elle comprendrait plus tard, née dans cette hystérie de la chaleur d’août. Antonietta avait poussé trois fois, sacrée femme, et la petite était arrivée… Une déception : une fille.
Des fils ils n’en auront pas, Antonietta et Vincenzo comme si la vie les punissait d’avoir accueilli leur fille avec ce mot cruel de la déception… Un a failli naitre, mais il s’est ravisé, mort in utero presque à terme.
Anna Bartoli est cette femme du train.
Anna s’est levée, elle aime les wagons restaurants, aussi, comme Antoine, mais ça il ne peut le savoir, ils ne se connaissent pas.
Beaucoup de monde dans ce compartiment : Pour la plupart des gens occupés de décoration, architectes d’intérieurs, brocanteurs, propriétaires de magasins de déco, tous dans le projet du salon  « Maisons et objets », c’est ce qu’elle comprend. Beaucoup de monde qui parle fort et finalement cela lui va bien.
Anna regarde par la vitre  le paysage qui fuit à tout allure. Il y a derrière elle le brouhaha des voix emmêlées ; devant, des champs à perte de vue, une ferme parfois, un paysage de silences, celui de la nature, qui lui correspond . Elle sort son portable de son sac, l’ouvre, pas de messages. Elle est partie d’Avignon comme on fuit, entassant à la va-vite quelques vêtements.

Elle regarde par la vitre et voit son image dans le reflet, se sourit comme on sourit à quelqu’un qu’on va quitter.

Cet été, elle ira à Rome, elle ressentira à nouveau cette sorte de débauche de la vie romaine, des voitures qui klaxonnent, de la  » mostra » comme dit sa mère : ce culte des apparences, du beau, elle se promènera le nez au vent, cherchant au détour des places les traces du Baroque avec toujours cet immense bonheur de parler la langue de ses origines et d’agiter les mains pour se faire comprendre. Elle peut le penser au futur, elle sait avec certitude que les choses se passeront ainsi.
Pour l’heure elle est dans le désir d’expositions : une petite liste des expos juste pour elle qu’elle s’est faite, le soir du réveillon,  avec toutes les résolutions pour l’année nouvelle. Le matin, visiter ; l’après-midi se balader, errer, découvrir voire redécouvrir. Partir seule, elle le fait depuis si longtemps : dix, douze années peut être. Réel plaisir de cette solitude au milieu de la foule. Les fêtes de fin d’année lui pèsent à présent que les enfants sont grands, qu’il est devenu si compliqué de les réunir tous les trois avec leurs compagnes et leurs enfants, qu’ils n’ont peut être plus ce désir aussi de se voir tous ensemble, comme avant. Elle aurait aimé ça pourtant une grande maison à la campagne et les enfants, les petits enfants, un homme rassurant, des images de cinéma qui défilent dans sa tête, de famille recomposée, de rires, de poursuites dans les prés, de jeux de société le soir. Des clichés. Elle a la nostalgie de ces images faciles. Il est rarement trop tard pourtant… C’est ce qu’elle se dit et puis aussi … qu’il y a cet homme qui la regardait avec tant d’insistance dans la voiture 3, qui la regardait tant qu’elle a eu ce geste de relever ses cheveux et de lui donner à voir sa nuque comme on s’offre. C’était doux ce regard, une caresse.
 

Chapitre 3, Un petit mot …

Cela fait longtemps qu’elle est partie, qu’elle a quitté sa place, la passagère à la robe rouge, longtemps, trop longtemps. Une passante comme dans la chanson. Une femme dont l’histoire restera étrangère, qui laisse  derrière elle le sillage de la nostalgie de la peau dont on n’aura pas connu le goût.
Un mot, lui écrire un mot qu’elle trouvera peut être dans ce livre qu’elle a abandonné sur la tablette. Il le fait, pour l’espoir fou, pour le temps qui passe et avale tout, pour la promesse d’un avenir à écrire, il écrit dans cette urgence qu’il s’est construite, quelques mots comme on lance une bouteille à la mer.
Anna est restée tout le voyage dans ce wagon restaurant. Elle est revenue prendre ses affaires : son sac sous le siège, le livre, a souri à cet homme qui ne cessait de la regarder, un peu gênée, souri comme une manière d’adieu et elle s’est mêlée aux passagers de l’allée.
Paris est gris comme à son habitude. L’hôtel de la Manufacture, c’est là qu’elle trouve refuge un peu plus tard, là qu’elle a réservé. Sobre et chic, comme elle aime ; elle range ses deux robes, se dit qu’elle fera les boutiques plus tard peut être, demain ou un autre jour, elle pose le livre sur la table de chevet alors elle voit ce mot d’Antoine, elle hésite un peu, quelques secondes, et puis elle appelle :
-« J’étais dans le train, tout à l’heure, vous m’avez laissé ce mot, je crois, enfin, je ne sais pas, il y a ce mot qui me dit d’appeler alors voilà… » Et le silence après. Elle tremble un peu. L’homme, de l’autre côté lui donne une adresse, c’est dans le Marais, oui, elle connait, dans une heure, d’accord. Il a la voix douce et grave. Il raccroche.
L’impression que tout peut arriver. Elle se regarde dans le miroir,  met du rouge sur ses lèvres, se pince les joues, ça ira. Il est long le trajet en métro, trois stations, un changement, quatre stations de nouveau, enfin l’air libre.
Ils  marchent longtemps dans les rues, sans trop bien savoir où aller. Se poser quelque part, ils n’en ressentent pas le besoin. Peut être que se voir de face comme ça leur semble prématuré, trop lourd  aussi car dans l’obligation de se faire la conversation. Là ils parlent de ce qu’ils voient, de Paris, des rues, de leurs étonnements encore devant cette ville qui ne cesse de se donner à voir. Il est à peine plus grand qu’elle, Antoine, quelques centimètres tout au plus. Elle garde ses mains dans les poches de son manteau. Plus brune qu’il ne l’a vue, plus mate aussi, elle est belle, voilà ce qu’il se dit, il est fier de marcher aux côtés de cette femme qu’il ne connait pas. Ils croisent des gens, ont l’air d’un couple, un peu dans la distance, mais un couple tout de même.
 
Chapitre 4, Mon histoire, c’est l’histoire d’un amour

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Aquarelle©PatrickPichon


On sort d’une histoire en entrant dans une autre, pense Anna en marchant au côté d’Antoine.
Les fenêtres en arrondi, quelques journaux sur une table. Les murs sont d’un vert bleuté, partout des photos de l’Afrique, dans cet hôtel Parisien. Ils sont entrés là comme on trouve refuge, à bout du silence entre eux, du désir aussi.
C’est Antoine qui a demandé une chambre. Il a mis sa main sur son cou dans l’ascenseur, il la tient comme ça avec ses doigts qui enserrent sa nuque. Là il sont devant le lit, ils s’embrassent. Anna s’étonne de cette bouche qui se fond dans la sienne.
Après il y a le désir, les vêtements épars sur le sol, les mains qui glissent sur la peau, l’avidité de l’autre. Les mêmes gestes cent fois faits et pourtant différents. Le plaisir de la découverte de la peau, de l’évidence, les mots dits, définitifs, les corps qui s’emboitent. C’est doux et violent à la fois. Le temps s’étire. Ils n’ont pas diné, même pas éprouvé cette faim là. La nuit tombe. Il sont allongés l’un près de l’autre. Ils se racontent.
Antoine et Anna se sont quittés en fin de matinée. Ils se sont quittés sans se retourner, se sont tournés le dos pour repartir chacun dans sa vie, happé par sa vie. Pouvaient-ils penser que l’espace d’une nuit, ils avaient construit ensemble les fondations d’un édifice  qui allait leur être commun?
 
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Claire est seule. Le silence de l’autre, elle ne l’a pas voulu comme elle n’a pas vraiment voulu sa vie avec Antoine, ça s’est imposé, comme dans la nature des choses. Le lieu, peut être, la maison, qui a créé le désir. Il y avait à 50 ans passés une urgence au bonheur, le devoir d’être heureux en quelque sorte, à partir de là elle avait cessé de se poser toutes ces questions qui encombraient, plus jeune, son esprit et à ne plus croire qu’aux évidences.
Maubec, la maison qu’ils ont trouvée ensemble, qu’ils ont voulue pour eux, pour tout recommencer. Longtemps ils ont parlé d’un lieu où habiter et finalement devant l’impossibilité de vivre chez l’un ou l’autre, dans un appartement qu’ils avaient conçu pour leur vie de célibataire, ils se sont lancés dans ce projet de la maison de Maubec. Un coup de foudre d’un dimanche au hasard de leurs pérégrinations : un vieux mas qui prendrait du temps à retaper, cela leur a paru bien, ce projet commun, les amis à venir communs aussi, les cris des enfants, dehors, la piscine qu’ils peindraient en gris foncé pour que la limpidité de l’eau soit plus perceptible encore et surtout le platane dans la cour. Antoine avait une passion pour ces arbres, menacés. Claire a fait du feu, mis un gros pull. Demain elle ira au marché de L’Isle, elle achètera des fleurs qu’elle arrangera au salon, elle travaillera un peu.
Elle éteint l’ordinateur : sa chronique est envoyée. Les livres remplissent toute sa vie depuis qu’elle a trouvé ce travail dans une revue littéraire. Elle était fière au début de voir sa signature et puis elle s’est habituée, comme elle s’est habituée à l’isolement de la vie à la campagne jusqu’à y trouver du plaisir, presque. Elle s’installe devant le feu, allume une cigarette. Antoine rentre lundi, c’est ce qu’il a dit… Elle repense à sa rencontre avec cet homme qui a rempli toute sa vie… Elle pourrait écrire là dessus quelque chose qui commencerait par : « Je marche dans la rue, c’est l’été, je viens de m’installer dans cette ville qui m’est encore étrangère, je croise un homme qui me dit que je suis lumineuse ».
Elle pourrait, mais jeter son histoire sur le papier se serait comme la donner à d’autres, une forme de dépossession. Aura-t-il seulement lu le roman de Marc Dugain qu’elle a déposé dans son sac, Antoine qu’elle sent parfois si loin d’elle?
Le Mistral n’a pas cessé de souffler de la nuit. Claire pousse les volets qui reviennent obstinément à elle. Belle contrepartie de ce vent obstiné : le ciel est d’un bleu limpide mais le froid s’est engouffré partout dans la maison. Pieds nus sur les dalles en ciment, elle grelotte, cherche du regard le pull qu’elle a dû laisser la veille près de la cheminée, se prépare un café bien noir. Le chat la suit, fidèle à ses habitudes, la précède dans la salle de bain, témoin distrait de ce rituel du matin. En haut, dans la chambre, le téléphone sonne, c’est Antoine ; ils échangent sur le temps, le déroulement de la nuit, l’heure du vernissage de cette nouvelle galerie d’Antoine, Villa  Santo Dumont, dans le  11ème arrondissement, rue minuscule et verdoyante qu’ils ont aimée d’emblée au point de décider d’ouvrir là la galerie d’Antoine en dépit du prix qui aurait pu être prohibitif. Ils se souhaitent une belle journée, et que vas-tu faire aujourd’hui ? Ils rient. Tout est simple, harmonieux. Ils peuvent raccrocher, ils ont vérifié en quelque sorte. Claire s’allonge sur le lit, s’étire de bien être pendant qu’Antoine, nu, dans une chambre d’hôtel parisienne, entoure Anna de ses bras.
 
Chapitre 5, Pressentiment

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Le marché du dimanche de L’Isle, même au coeur de l’hiver, reste bruyant et coloré. Les blouses volent au vent et avoisinent des culottes taille XXL. Son panier au bras, Claire progresse au milieu de la foule, choisit avec soin quelques légumes, le fromage qu’Antoine aime. Il sera là demain.
Elle s’installe confortablement en terrasse, commande un café au serveur qui s’étonne d’une « si jolie dame  dehors par ce froid » et « toute seule, peuchère, encore un fada ? » , elle rit : c’est ce sud qu’elle aime aussi. De la légèreté, des relations de surface, de l’accent qui rendrait dérisoires toutes les tragédies. Les grandes, celles de la littérature, mais aussi les plus quotidiennes.
Il lui faut s’habituer aux absences d’Antoine qui sont fréquentes : la galerie ouvre toutes les fins de semaines, du jeudi au dimanche pour l’instant, après, dans quelques mois,  ils verront, c’est ce qu’ils se sont dits quand ils ont eu ce nouveau projet, quand la maison de Maubec a été finie. Il leur avait fallu alors autre chose vers quoi aller ensemble : l’art, leur passion commune. Une galerie, c’était ça qui leur fallait. Ils ont pensé des soirées entières aux artistes qu’ils inviteraient, ils ont tissé un à un les fils de cette nouvelle toile qui les liait. La confiance, Claire avait fait à Antoine le cadeau de la confiance à mener à bien ce projet : le réseau d’artistes c’était lui qui l’avait patiemment construit dans une vie de collectionneur, elle apportait sa connaissance acquise dans ses lectures, sa curiosité sans cesse en éveil, son goût aussi, instinctif presque, de ce qu’il allait falloir montrer dans ce lieu Parisien qu’ils avaient élu.
Claire arrange les fleurs qu’elle a achetées. Elle aime par dessus tout ces après-midi oisifs, entre un livre, une émission à la radio, s’occuper d’elle. Vers 19h Antoine appellera, il racontera comment s’est passé ce vernissage, les amis là, les bavardages des uns et des autres, l’accueil fait à cet artiste par un public choisi, trié sur le volet dans la presse spécialisée pour qu’on parle de la galerie. Elle attend, se surprend à le faire avec comme une appréhension au creux du ventre, quelque chose qu’elle ne connait pas, de sourd qui monte en elle doucement, insidieusement. Alors elle appelle un de ces fils, le réveille semble-t-il, ils bavardent de la semaine, du travail à l’agence moins intéressant qu’il ne le pensait au début, ils ont fait la fête, oui, hier soir, une petite soirée jusqu’à 7 h du matin, et toi mamou, ça va ? Oui, tout va bien, petit week-end tranquille, Antoine est à Paris, il rentre demain, oui, ne t’inquiète pas, j’ai été au marché, je vais bien . Et puis voilà, il baille,  c’est fini, il retourne à sa vie, sa colocation, son amoureuse. Ses deux fils sont loin maintenant, pas tant dans la géographie. Ils vivent une vie qui lui serait presque étrangère s’ils n’étaient si présents dans leur tendre affection.
Dehors, le jour se finit. Antoine n’a pas appelé, il n’appellera pas.

Chapitre 6, La vie ?

Paris, le 4 janvier
Antoine,
Vous avez emmené avec vous le soleil parisien. Il pleut depuis deux jours.  Vous me manquez, vous que je connais si peu.
J’ai visité l’exposition du musée Marmottan-Monet, le jour où nous nous sommes quittés si vite, que appliquée à m’éloigner de vous, je  me suis retournée alors même que vous n’étiez plus visible. Paris vous a emporté. La vie est drôle tout de même qui nous a fait nous rencontrer dans ce train, alors même que nous sommes quasiment voisins . Vous m’avez dit venir du Luberon, mais de quel village
Vous devez me trouver bien légère de vous avoir cédé si rapidement. Et pourtant si vous saviez comme je suis « lourde », comme j’aimerais avoir cette légèreté que j’ai feinte… J’aimerais tant de choses…. Mais voilà, je ne sais plus faire, empêtrée que je suis dans ma propre histoire de vie. J’ai tant de questions qui se bousculent dans ma tête.
J’aimerais être tout contre vous. Je rentre  mercredi à 21H30, dites moi que vous m’attendrez sur le quai, que vous serez là ….
Je vous embrasse.
Anna
 
Maubec, le 4 Janvier
Ma chère Anna,
Je suis revenu de Paris dans une sorte d’ivresse : celle de vous avoir rencontrée, celle du vernissage qui s’est si bien passé. Il y a des moments où il semble que toutes les choses se joignent pour nous faire sentir le plaisir de vivre.
Anna, vous êtes une femme magnifique. Je m’endors avec votre prénom, je me réveille avec la douceur de votre peau sous mes mains.
Peut-on laisser passer un tel élan amoureux ? J’ai tourné cette question des dizaines de fois dans ma tête. Je ne peux me résoudre à ne plus vous voir.
Il me faut me défaire en douceur de ce que j’ai construit ici pour venir à vous.
Je vous attendrai mercredi.
Votre Antoine
 
Claire ferme l’ordinateur. Dans le silence de la nuit, ce mercredi soir, quelque chose en elle se déchire. 
 
 
© Aquarelle, Namur, Place du marché aux  légumes, de Patrick Pichon en  vente sur son site

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