Sandrine Catalan nous parle de son deuxième roman Rien n'est écrit

par Arielle Granat

On l’attendait avec impatience à la rédaction, ça y est, Rien n’est écrit, le second roman de Sandrine Catalan-Massé est enfin disponible. Après avoir raconté avec humour et bienveillance l’émancipation de son héroïne, Stella agoraphobe, l’auteur choisit, avec ce second livre, d’aborder les thèmes du lien mère-enfant, de la filiation et de la transmission des valeurs. Un registre plus sombre traité au travers d’un personnage féminin, Daisy, un peu tourmenté sur les bords mais toujours aussi attachant.

Sandrine Catalan-Massé l’auteur de Rien n'est écrit

Rencontre avec Sandrine Catalan-Massé qui nous parle de son deuxième roman Rien n’est écrit sorti chez Robert Laffont


 

Rencontre avec l’auteur de Rien n’est écrit

J’ai puisé dans certains évènements de ma vie. Mes romans partent souvent d’une bribe de ma propre histoire. Ici, c’est la maladie ou plus exactement l’incident médical que j’ai rencontré en 2016. Un petit pépin de santé qui m’a contrainte à passer sur la table d’opération très rapidement. Je n’ai pas eu le temps de m’y préparer pleinement. Il a fallu prendre des décisions très vite. Dans ce sentiment d’urgence, j’ai ressenti la peur de ne plus exister, et celle de ne pas avoir le temps de transmettre certaines valeurs à mon enfant âgé de 12 ans à l’époque.
L’imagination a ensuite fait le reste. Les personnages ont pris forme devant moi, sortis de mon imaginaire et de mes observations du genre humain. L’inspiration est sans fin lorsqu’on prend le temps de regarder les autres. Il est possible d’avoir une idée de livre toutes les 5 minutes tant l’Homme est fascinant et complexe.  Et c’est ainsi que sont nés Daisy cette actrice retournée vivre dans le sud de la France et son fils Joseph. Entre eux se joue une relation fusionnelle.

Lorsqu’on on est mère d’enfants encore jeunes, la peur d’être séparée d’eux est un sujet auquel on pense forcément… Traiter ce thème dans Rien n’est écrit c’est une façon de nous rassurer si jamais cela arrivait ?

Je comprends votre analyse mais ce n’est pas tout à fait la mienne. Je n’ai pas cherché à me rassurer sur mes peurs de séparation. Ni même tenté de tranquilliser les lectrices sur le fait que quelque chose leur survivra après elles. L’absence est même un sujet qui peut déranger à certains moments du roman. Je viens toucher à une peur profondément ancrée en chacune de nous.
De nombreuses lectrices me disent qu’elles ont été touchées soit en tant qu’orpheline, soit en tant que personne malade. Il y a plusieurs niveaux de lecture de ce roman. Effectivement, Rien n’est écrit peut ressembler à un roman Feelgood. J’aime dire qu’il s’agit plutôt d’un « Dark feelgood book » !
Il y a mon héroïne Daisy qui coûte que coûte veut réussir à transmettre à son fils Joseph, les valeurs qui lui semblent bonnes, il y a la faculté de résilience du petit garçon. Mais il y a aussi une réflexion plus profonde sur le lien mère-enfant. Un lien fusionnel dans le cas de Daisy et Joseph qui peut mener à l’asphyxie si les protagonistes ne fixent pas de limite. C’est aussi une formidable leçon sur la capacité de l’être à trouver sa propre voie tout seul, en se dégageant de ce lien, comme le fait Joseph. Parfois c’est en se mettant au bord du précipice que tout s’éclaircit. Joseph, devenu grand à la fin du livre, en fera la vertigineuse expérience.

Pourquoi écrivez-vous ?

Je ne me sens pas investie d’une mission particulière lorsque j’écris. Je garde toujours à l’esprit que j’écris pour les lecteurs, certes mais jamais pour les guider sur « le chemin du bonheur » ou vers « Une version meilleure d’eux-mêmes ». Je ne suis pas un chamane. Chacun a sa route et sa part de vérité en lui. Mais j’aime bien l’idée que je puisse pousser la lectrice à une humble réflexion, à s’interroger sur elle-même, sur ce qu’elle désire faire de sa vie, tout bouleverser ou au contraire accepter son existence telle qu’elle est… Je ne cherche pas à fabriquer des super-héroïnes, mais plutôt à parler du courage des femmes.
Je n’en suis qu’à mon second roman et j’espère qu’il y en aura d’autres. A chaque fois, je souhaite avant tout émouvoir. C’est ce qui m’anime. Avec mes mots, mon langage simple (très journalistique), ma vision de la vie mais en tout cas sincèrement.
Rien n'est écrit le nouveau livre de Sandrine catalan-Massé
Un livre qui aborde les thèmes du lien mère-enfant, de la filiation et de la transmission des valeurs.

Comment voyez-vous le lien parent-enfant ?

Je le sens essentiel. C’est un lien invisible et indéfectible, on peut le tordre dans tous les sens, il résiste à tout sans pour autant enchainer. C’est très rassurant pour l’enfant de se sentir en lien sans être retenu. Mais ce lien peut aussi parfois dans certaines familles être très toxique s’il ne connait pas de limite. La vraie limite c’est l’amour que l’on porte à son enfant. Pour le bien de son enfant il est nécessaire d’accepter, en tant que parent, que ce lien se tende et se distende sans en faire toute une histoire.
Je parle de « maman chewing-gum » dans Rien n’est écrit. C’est ma version imagée du lien mère-enfant. L’enfant doit pouvoir à certaines étapes de sa construction, tirer sur ce lien pour l’amener à lui puis le lancer très loin à d’autres moments pour essayer de s’en dégager. Il a le droit de tenter de le détruire et constater que quoi qu’il fasse, une part de ce lien est éternelle. C’est aussi ça la mission d’une maman : résister aux pires épreuves.  

Malgré le sujet du deuil, Rien n’est écrit est optimiste. C’est votre façon de voir la vie ?

Oui. Je vois toujours quelque chose de bon et de constructif dans ce qui est difficile et pénible à vivre de prime abord. Je puise mon énergie dans la difficulté… et l’estime de soi dans le courage d’outrepasser les obstacles. C’est ma force.

Vous avez choisi encore une fois la région de Montpellier comme toile de fond…

Je suis née à Toulouse, je vis à Montpellier depuis une dizaine d’années après avoir vécu 17 ans à Paris. Il y a des années, bien avant de descendre à Montpellier et de connaitre mon mari qui est originaire d’ici, j’avais visité cette ville. Je me souviens avoir dit que si je devais quitter Paris se serait pour vivre à Montpellier.

Les chansons sont encore une fois très présentes dans ce second roman…

Je n’écoute pas de musique au moment où j’écris. J’ai besoin d’être concentrée, de plonger dans un silence quasi monacal. La musique vient animer mes pauses dans la journée, c’est comme refaire le plein de carburant. Et là, mes envies sont très variées. Je peux passer le dernier morceau de Lady Gaga, enchainer sur un air de Fleetwood Mac, de Françoise Hardy ou une musique de film.

La chanson « Daisy » de Christophe m’a aidée à construire mon personnage principal. C’est un de mes grands regrets de ne pas avoir pu le rencontrer

Les héroïnes de vos romans apparaissent toutes fragiles mais dotées d’un courage hors norme

J’aime plus que tout, les personnages bordel-line. Il y a toujours un fêlé qui traine dans mes pages. Les personnes abimées, bousculées par la vie me touchent. Je les trouve pleine de reliefs. Lorsque je les transpose dans mes romans, elles sont alors la partie inconsciente de nous-mêmes, celle qui n’ose peut-être pas agir dans la réalité. Leur folie est notre manque d’audace, en quelque sorte.


 
Rien n’est écrit de Sandrine Catalan-Massé, la nouveauté de l’été sorti chezRobert Laffont.
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Copyright : Photos Christophe Catalan
 Propos recueillis par Arielle Granat

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