Le temps des femmes le temps des hommes

par Odile Bagot

La femme a une horloge interne, un temps cyclique et linéaire, le temps d’avant, le temps d’après, du jamais plus ou du peut-être encore … La ménopause s’y inscrit de manière parfois brutale, bouleversant le temps personnel et intime, mais aussi conjugal et social dont les hommes sont partie prenante.

Le temps des hommes le temps des femmes-Les boomeuses-50 ans

Le temps de la femme

Le temps de la femme est sexuel et les règles vont lui signifier son féminin.
« De la pousse des seins à la ménopause, au travers des règles, grossesses et accouchements, le temps de la femme est sexuel, non pas linéaire, statique, mais évolutif par les retours et les transformations. L’image de soi-même est rectifiée, corrigée, modifiée au décours d’expériences émotionnelles que procure la structure sexuée du corps. »1

Laquelle d’entre nous n’en a-t-elle pas fait un jour l’expérience ?

Je m’étonne de constater que la psychanalyse se soit si peu intéressée à la ménopause, à commencer par Freud. Pour le père de la psychanalyse, l’enfant porté pendant la grossesse est un équivalent phallique, et la ménopause n’est alors que pure perte, c’est la castration ultime … Un peu rude, tout de même, ce que nous dit là mon pote Sigmund ! Et pourtant, cela corrobore les analyses actuelles du discours des femmes.

La ménopause y apparaît davantage comme le marqueur de la perte de la maternité que celui de la féminité, y compris pour celles dont la perspective d’une grossesse est une folie et ce, quel que soit le nombre des enfants qu’elles aient eu ou pas !

Il faut lire une femme, psychanalyste, Hélène Deutsch2, pour entrevoir les perspectives positives qu’ouvre cet événement du demi-siècle de vie.
« Nous pouvons comparer cette période à la puberté : il y a exactement comme alors, un à-coup d’activités, cette fois encore, toutes les forces du Moi sont mobilisées pour obtenir une meilleure adaptation à la réalité, les anciennes valeurs s’effondrent, et un désir de vivre quelque chose de nouveau, d’excitant, se fait sentir. » 

C’est déjà plus réjouissant comme programme, non ? A la ménopause, certaines femmes s’investissent effectivement dans une activité nouvelle, qu’elle soit professionnelle, associative, artistique ou littéraire. Ce que nous ne créons plus dans notre chair, nous sommes capable de le mettre au jour autrement. Tous ces beaux portraits de femmes qui ont su rebondir à 50 ans et qu’on découvre dans Portrait de Boomeuse en sont bien la preuve ! Mais nombreuses sont aussi celles qui, dans un processus d’enfermement, de retrait social, glissent vers les conduites addictives, la dépression, avec parfois, une rupture conjugale à la clef.

Si la femme, qu’elle le veuille ou non, vit dans l’avant et dans l’après, l’homme, quant à lui, a une perception tout à fait différente du temps. Elle est plus linéaire et son étayage n’est pas interne comme pour la femme, mais externe, s’appuyant sur les évènements successifs de la vie. Les hommes font comme s’ils étaient éternels et que le temps avait moins de prise sur eux car leurs références temporelles essentielles sont extérieures à leur corps.

Pas de retours en arrière, pas de règles qui vont puis viennent pour un jour vous dire adieu, pas d’utérus gravide puis de retour de couches, pas de sein un temps nourricier et l’autre érotique. Bref, tout ce qu’exprime notre anatomie sexuée,parfois à notre corps défendant.

Le temps des hommes

Le temps des hommes est plus un temps socialponctué par les étapes de la vie comme jadis le service militaire et aujourd’hui les évolutions professionnelles. S’ils vivent aussi le temps des femmes – au fil de grossesses de la mère de leurs enfants par exemple – on pourrait dire que c’est un temps « par procuration », sans avoir le privilège – ou l’angoisse – de le vivre dans leur propre corps. Et puis, n’oublions pas cette nouvelle temporalité, vécue par maints couples, des unions successives. Il s’agit là d’une véritable mutation sociologique survenue en une génération. Ce temps-là oui, nous le partageons à 100 % avec nos compagnons car, nous aussi, avons choisi – ou subi – plusieurs vies. C’est souvent vers la ménopause de leur femme que les hommes prennent conscience du temps qui passe. Dans une étude3 menée à Genève sur les périodes de vie difficile des hommes et des femmes, on est surpris de voir que pour les femmes, les moments difficiles diminuent à partir de 46 ans, alors que les hommes font face à une crise de vie très importante entre 43 et 52 ans qui correspond d’ailleurs à la fin de la période d’ascension sociale et la prise de conscience de cette fin. Pourtant, à cet âge, la survalorisation de la jeunesse porte plus préjudice à la femme qu’à l’homme, et l’image du beau séducteur aux tempes grisonnantes est bien plus valorisée que celle de la femme quinquagénaire, hâtivement et injustement cataloguée en cougar ou Mamie Nova !

Et nous, dans tout cela ? J’ai le sentiment que nous sommes des femmes bien dans leur corps et bien dans leur tête, ou du moins que nous y travaillons. Nombreux sont les outils à notre disposition : exercice physique, alimentation saine, méditation et vie spirituelle, soins médicaux et esthétiques, choix vestimentaires adaptés et … lecture assidue des « Boomeuses » !

A bonne entendeuse, salut !

Odile Bagot est gynécologue et auteure du Dico des Nanas. Suivez la sur sa page Facebook

1A.Anzieu La femme sans qualité. Esquisse psychanalytique de la féminité 2004 DUNOD Ed.
2 H. Deutsch La psychologie des femmes 1997 PUF Ed.
3 Perrin E., de Senarclens M., Perspectives socio- psychosomatiques : femmes et ménopause, homme et crise de la cinquantaine. MEd.Psychosom. 1988, 16:2
2 commentaires
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2 commentaires

matchingpoints 24 février 2017 - 13h37

Vous avez raison, nous préférons cette nouvelle interprétation de la ménopause – un nouvel élan, une nouvelle liberté parce que libérée de la maternité et l’éducation et…Reste le physique qu’il va falloir aussi reconsidérer, trouver la beauté dans la maturité pour retrouver un équilibre et profiter de quelques belles années encore !

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Les Boomeuses 27 février 2017 - 11h58

Oui, il nous reste encore de belles années !

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