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Bruno Abraham-Kremer dans Parle, envole-toi ! Ou comment le théâtre m’a sauvé la vie, bouleversant et drôle

par Alain granat

Bruno Abraham-Kremer présente au Lucernaire sa nouvelle création, Parle, envole-toi ! Ou comment le théâtre m’a sauvé la vie, mise en scène avec sa complice de toujours Corine Juresco.

Pour la première fois, le comédien se livre en dévoilant sur scène son histoire, déclaration d’amour à la vie, à la transmission familiale, à ses compagnons de route et au théâtre. Une réussite absolue.

Le « Paradis » du Lucernaire  (la salle tout en haut du théâtre) est un peu la deuxième maison de Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco.  De  La vie est une géniale improvisation  à  La Promesse de l’aube, en passant par  L’angoisse du roi Salomon, leurs pièces ont ici conquis le public. Avec Parle, envole-toi ! Ou comment le théâtre m’a sauvé la vie, le comédien a écrit une partition intime, offrant aux spectateurs les clés de son univers familial et celles de son paradis théâtral, « qui rend visible l’invisible

Bruno Abraham-Kremer joue une partition intime

Pour tout décor, un simple banc. Le spectacle s’ouvre sur la visite de l’acteur à son père âgé, hospitalisé. Un père avocat, avec qui les échanges se sont toujours réduits au strict minimum, euphémisme… Retour en 1963, alors que le petit Bruno, âgé de 5 ans, découvre sa judéité au cours de « vacances à la découverte des pays de l’Est », le berceau familial. Une visite lors d’un office à la grande synagogue de Budapest, plus grande synagogue d’Europe, voit le bambin entouré de quelques rares rescapés hongrois de la Shoah, qui chérissent l’enfant en le couvrant de caresses et de baisers, telle une apparition miraculeuse. Freud aurait adoré.

bruno abraham-kremer dans PARLE, ENVOLE-TOI ! OU COMMENT LE THÉÂTRE M’A SAUVÉ LA VIE

La suite du parcours du jeune Bruno le verra atterrir à Nice, où la fac de droit, comme pis-aller, lui tend les bras, histoire de contenter momentanément son père. Malgré les récriminations de sa mère, divorcée de son père et qui en mère juive qui se respecte, ne manque pas de lui rappeler que quitter Paris pour Nice, c’est prendre la responsabilité de ne peut-être jamais revoir sa grand-mère vivante. Freud le retour. Tu aimeras ton père et ta mère, ainsi que ta grand-mère, et le poids de la culpabilité qui va inévitablement avec …

Cet épisode niçois nous vaut un grand moment d’hilarité, avec la narration audiardesque des turpitudes du jeune étudiant face à des congénères corses un tantinet fachos, qui se révéleront par la suite ses meilleurs alliés, au moyen d’un mensonge grandiose dont on ne vous dévoilera pas les détails.

 Bruno Abraham-Kremer, un vrai talent de conteur

Nice, c’est aussi pour l’étudiant le lieu des premières amitiés fondatrices et de sa passion pour le théâtre. La suite de son parcours est une master class sur le mode « C’est ton destin ! », ou comment le provoquer, mâtinée de philosophie breslevienne. Entendez Rabbi Nahman de Breslev, rabbin mythique dont les enseignements se perpétuent encore aujourd’hui, à l’image de la citation de ce dialogue entre ce dernier et l’un de ses disciples, qui a inspiré l’auteur :

« La parole est vie, la parole c’est la vie ! Parle, envole-toi.
– Mais je n’ai pas d’ailes lui dit le disciple !
– Les mots sont tes ailes, parle envole toi, traverse l’espace et le temps, brise les chaînes d’une histoire qui ne t’appartient pas et qui n’a pas le droit de t’alourdir et de te retenir. »

Au travers de l’odyssée théâtrale de Bruno Abraham-Kremer, qui nous narre dans un désopilant épisode comment il décida d’accoler, à la demande de son agent, le nom de jeune fille de sa mère (Abraham) à son nom d’artiste pour éviter toute confusion avec Bruno Cremer (l’acteur de « La 317ème section » et de « Paris brûle-t-il ? »), on croise aussi les immenses figures de quelques unes de ses bonnes fées, de Peter Brook à Ariane Mnouchkine.

Parle, envole-toi ! est également une magnifique déclaration d’amour à son alter ego Corine Juresco, et à son héritage familial. L’ultime réplique de la pièce, qu’on croirait sortie d’un scénario de Lubitsch, résume à merveille l’intention de l’auteur.

Le talent de conteur de Bruno Abraham-Kremer transporte le spectateur sur ses « ailes du désir » de théâtre. Une performance à la fois bouleversante, drôle et emplie d’humanité, vivement recommandée pour la rentrée !

Parle, envole-toi ! Ou comment le théâtre m’a sauvé la vie  de Bruno Abraham-Kremer
Mise en scène Corine Juresco et Bruno Abraham-Kremer


Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 ParisRéservations au :
01 45 44 57 34
Jusqu’au 15 octobre
Attention, la salle est difficile d’accès pour les personnes à mobilité réduite
Du mardi au samedi 21 et dimanche 17h30
Durée 1h30

A.Granat

Photos@Pascal Gély

 

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