l'angoisse du roi salomon

« L’angoisse du roi Salomon » de Romain Gary au théâtre du Petit Saint-Martin : savoureux

par Arielle Granat

L’angoisse du roi Salomon, l’avant dernier roman de Romain Gary, écrit sous son pseudonyme d’Émile Ajar  : un savoureux et tendre moment de théâtre .
Après son succès au printemps dernier, la pièce rejoue actuellement au Lucernaire jusqu’au 21 octobre.
 Bruno Abraham-Kremer avait  déjà admirablement adapté La promesse de l’aube de Romain Gary en 2012, sublimant l’art du seul-en-scène avec la complicité de Corine Juresco, metteur en scène et co-adaptatrice de ses créations. Le duo s’intéresse de nouveau à Romain  Gary avec L’angoisse du roi Salomon, publié en 1979. 
l'Angoisse du roi Salomon
Un roman teinté d’ironie mordante et d’humour juif, où le thème de la générosité se frotte à la figure divine et à la parfois triste réalité de l’humanité. Salomon est un Mensch, un homme bon en yiddish. Comme dans un film de Capra, Salomon est capable de signer un gros chèque à un inconnu, histoire de lui montrer que la vie est belle. Cet inconnu, c’est Jean, un jeune type débrouillard, chauffeur de taxi plutôt bricoleur, un « bogosse » un brin titi parigot qui séduit immédiatement Salomon, le « roi du pantalon ». Ce qu’il a gagné dans le prêt-à-porter, cet ashkénaze fringant octogénaire et grand seigneur le redistribue, faisant « pleuvoir ses bontés sur tous les cas humains qui lui étaient signalés » via l’association SOS Bénévoles qu’il a fondé et qui occupe une partie de son appartement.
Jean devient son chauffeur privé, son ami et confident. Au cours de l’une des ses « missions », il découvre la relation trouble qui unit Salomon et Cora Lamenaire, jadis chanteuse réaliste à succès et aujourd’hui coquette sexagénaire, qui vit difficilement sa solitude et sa gloire éphémère passée. Bruno Abraham-Kremer virevolte d’un personnage à l’autre avec une joie communicative et une aisance époustouflante, magnifiant un texte tout en verve et en émotion avec des répliques qui aurait pu être écrite pour un Gabin ou un Jouvet, et que Bruno Abraham-Kremer s’approprie avec son inimitable talent.

Dans L’angoisse du roi Salomon, Gary s’attaque avec malice aux cons racistes

comme lorsque Jean explique comment il va faire preuve de générosité avec le concierge cerbère raciste et réac de l’immeuble où réside Salomon : J’avais de la peine pour lui et je faisais des trucs exprès pour le motiver, j’arrachais une baguette métallique de la moquette, je cassais une vitre ou je laissais la porte de l’ascenseur ouverte pour lui donner satisfaction. C’était un mec qui avait besoin d’assistance […] Il avait besoin de moi, il lui fallait quelqu’un de personnel à détester, parce que sans ça c’était le monde entier et c’était trop grand. Il lui fallait quelqu’un et quelque chose de palpable […] Quand j’ai compris que je lui manquais, je me suis à l’aider. J’ai commencé par pisser contre le mur dans l’escalier, à côté de sa loge. Il n’était pas là mais il m’a tout de suite reconnu quand je suis redescendu. Il m’attendait […] Je lui ai fait un bras d’honneur et je suis parti. Depuis, il me considère avec satisfaction.
Porté par la mise en scène qu’il co-signe avec Corine Juresco et par une scénographie efficace de Jean Haas, le comédien réussit une fois de plus à embarquer les spectateurs dans son univers et à faire une jolie remontée dans le Paris des années 40 à 70. La belle bande-son de Mahdi Ahoudig participe aussi à la réussite du spectacle, qui nous laisse avec un parfum de tendresse, de bonheur et de nostalgie. 
 
L’Angoisse du Roi Salomon, d’après le roman de Romain Gary (Emile Ajar).
Adaptation et mise en scène Bruno Abraham-Kremer et Corine Juresco.
Théâtre Lucernaire 
53, rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris

Tél : 01.45.44.57.34
Du mardi au  samedi à 19h00, dimanche à 16h
 
 

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