A l’approche de la ménopause, le périnée, ce petit muscle aux multiples fonctions, comparé parfois au plancher d’une maison – c’est dire s’il est important – se manifeste jusqu’à assombrir notre vie intime, familiale et sociale. On l’avait oublié. Certaines femmes se résignent pensant que c’est la fatalité alors qu’il s’agit bien d’un problème médical. Il mérite qu’on le protège tout au long de notre vie. Osons en parler !
Questions à Sandrine Galliac-Alanbari, kinésithérapeute spécialisée en rééducation périnéale.
Rappelez-nous où se trouve notre périnée et sa fonction ?
Sandrine Galliac-Alanbari : Le périnée n’est pas si petit qu’on pense, c’est un muscle – assez épais – tendu depuis la symphyse pubienne jusqu‘au coccyx. C’est un peu un comme un « hamac ». Il soutient les viscères, la vessie, l’utérus, le rectum, il permet la continence au niveau urinaire et des selles. Il va permettre une bonne sexualité.
Quels sont les symptômes qui doivent alerter ?
A l’approche de la ménopause se produit un bouleversement hormonal dû à la chute des œstrogènes. C’est alors que le vieillissement des tissus se produit pouvant se traduire à la ménopause sur le plan urinaire par des envies fréquentes et irrépressibles d’uriner (c’est ce qu’on appelle « l’urgenturie » sur le plan de la statique pelvienne), par des sensations de pesanteur, de lourdeur dans le bas-ventre, de barre dans le dos à type de lumbago. On peut constater avec le temps une sécheresse vaginale qui va être non seulement source d’inconfort mais de facteurs de risque d’infection urinaires ou vaginales.
Quels sont les facteurs de risque qui pourraient aggraver cette situation ?
Une constipation terminale, des activités physiques et sportives générant des pressions abdominales ou des impacts (jogging, tennis, abdominaux…) un surpoids, mais a contrario une importante perte de poids, une mauvaise posture peuvent aggraver ces différents symptômes.
On sait que la grossesse et le traumatisme de l’accouchement, certaines professions où les femmes sont debout (infirmières, enseignants…) et portent (manutentions…) vont avoir plus de facteurs de risques que les autres.
Quelles sont les femmes les plus touchées par les problèmes de périnée ?
A la ménopause : 1 sur 3 souffre d’incontinence. 1 sur 5 présente un trouble de la statique pelvienne.
Comment protéger notre périnée tout au long de notre vie ?
Connaître ce muscle, savoir le contracter, l’entretenir en réalisant quotidiennement des exercices de contractions est un premier atout.
D’autant qu’aujourd’hui il existe des sondes connectées aux smartphones qui vont permettre d’entretenir son périnée de façon ludique (par exemple Perifit, Emy…).
Le deuxième point important est l’éducation thérapeutique : pas de constipation, des activités sportives raisonnées comme le yoga, le vélo, la marche , redresser sa posture, quand on pousse le caddie par exemple, se redresser et non s’avachir en dos rond, car on sait maintenant que lorsque on se redresse le muscle profond de l’abdomen (le transverse) se contracte et un réflexe entraîne une contraction du périnée, ce qui contribue à son entretien jour après jour. Il suffit d’y penser.
Adopter un comportement rationnel face à l’apport hydrique et la miction.
Quand on porte un lourd panier de courses, quand on tousse ou on éternue : il faut automatiser le verrouillage.
Vous parlez de prudence avec la gym Pilates : pourquoi ?
Cette gymnastique, censée tonifier les muscles en profondeur et assurer un ventre plat, demande un engagement de sa musculature profonde et un travail en pleine conscience. La reproduction du geste est très difficile.
Souvent mal réalisée par les femmes qui n’arrivent pas à maintenir la contraction du transverse de l’abdomen pendant les exercices risquent au contraire de générer de la pression sur leur périnée et donc d’aggraver leurs symptômes de prolapsus. Pilates peut devenir délétère ! Par contre une séance de Pilates correctement réalisée et souvent encadrée par un thérapeute sera une technique de bon choix.
Je tiens à préciser que Joseph Pilates, créateur de cette gym originaire des USA, n’a jamais évoqué la notion de contracter le périnée en faisant les exercices, c’est le fait de maintenir la contraction du transverse qui permet au périnée de rester engagé.
Cette contraction du périnée demandée au préalable de chaque mouvement est apparue en traversant l’Atlantique, parce qu’en Europe, on se préoccupe plus du périnée qu’aux USA sans doute.
Des femmes n’osent pas parler de ces désagréments de la ménopause : ce sujet est-il encore tabou ?
Ce sujet est extrêmement tabou, humiliant, infantilisant… Elles attribuent ces désagréments à l’avancée en âge et qu’il s’agit d’une fatalité. Il n’en est rien. Des traitements existent : la rééducation, des traitements comportementaux, des médicaments et en dernier recours de la chirurgie. Il faut en parler à son médecin ou à son gynécologue.
L’enjeu est intéressant sachant que nous les femmes pouvons prétendre passer au moins un tiers de notre vie en post-ménopause : autant le vivre bien en continuant à profiter des sports et activités qu’on aime partager, et continuer à nous épanouir !
Livre de Sandrine Galliac-Alanbari à paraître le 5 juin 2019 : « Rééducation périnéale féminine » aux Editions Dunod.
Marie-Françoise Souchet