Dominique Mallié a lu La beauté des Jours, le dernier roman de Claudie Gallay, et elle n’a pas du tout aimé.
Neuf ans après » Les déferlantes », Claudie Gallay publie pour cette rentrée littéraire « La beauté des jours ».
Jeanne, son héroïne a une petite cinquantaine, deux filles étudiantes, une amie fidèle, Suzanne, un mari attentif, Rémy.
Elle aime :
– Regarder le train de 8H01 au bout du jardin et imaginer les vies de l’homme du premier wagon et de la femme en bleu du wagon suivant.
– Suivre des inconnus dans la rue, pas plus de vingt minutes.
– Déguster les macarons que Rémy lui offre le mercredi, dans un ordre bien précis : chocolat, caramel, framboise, cassis, violette, citron.
– Travailler à la poste et imaginer la vie des clients.
– Faire la course aux tampons avec son chef M.Nicolas (sans qu’il le sache).
– Discuter avec son amie Suzanne des choses qu’elles auraient du faire, qu’elles ont pas faites, qu’elles pourraient faire et qu’elles savent qu’elles ne feront pas.
– Aller chez ses parents le dimanche (vingt minutes (aussi) en voiture)
– Enlever la page du jour sur l’éphéméride (premier geste du matin) et écrire au dos la liste des courses à faire, puis ranger chaque page dans le tiroir de la commode.
Finalement Jeanne est une sorte d’Amélie Poulain vieille. Sauf que Jeanne, dans la part obscure de son être voue une admiration sans borne à l’artiste Marina Abramovic.
Marina Abramovic est l’artiste la plus gore de notre époque. Etre « artiste » pour Marina c’est :
– » Etre sensible et mal dans le monde. Ce n’est pas une question de don mais d’incapacité à vivre avec les autres. De cette incapacité à vivre avec les autres nait le don ».
Comprenne qui pourra, mais ça suinte le malheur.
Donc Marina s’offre en pâture à des inconnus, nue sur une table, entourée d’objets dont ils doivent se servir sur elle, contre elle, pour elle, bref dans le désir qu’ils ont de lui faire quelque chose, y compris du mal, surtout du mal d’ailleurs. C’est là la performance que Jeanne préfère. Autrement, elle brosse des os, assise sur un tas, des os sanguinolents, qui puent et ce pendant 4 jours. Autrement, elle joue au jeu des regards avec des inconnus, vous savez quand on se fixe jusqu’à ne plus pouvoir se fixer, jusqu’à fondre en larmes de préférence. Marina rigole assez peu. Jeanne, donc, avec sa vie faite de listes et tous ses rêves adore Marina au point de lui écrire des lettres, beaucoup de lettres qui restent sans réponse. Forcément on ne peut pas brosser des os et écrire dans le même temps.
Voilà, c’est ça le dernier roman de Claudie Gallay. Ah oui, aussi, Jeanne finit par rencontrer un ancien amoureux dans ses errances de vingt minutes, avec lequel elle va finir par coucher et là, enfin, elle a l’impression d’avoir fait un truc de « ouf » comme disent nos jeunes.
400 pages pour raconter tout ce malheur et cette morosité c’est long. Mais le mieux, la cerise sur le gâteau si vous voulez c’est le quatrième de couverture et « Le point de vue des éditeurs » : » Claudie Gallay compose un roman chaleureux et tendre sur la force libératrice de l’art, sur son pouvoir apaisant et révélateur. Et sur la beauté de l’imprévisible. »
Et bien voilà qui donne à penser.
Dominique Mallié
La beauté des jours, Actes Sud