Mam gynéco et le frottis du col

par Odile Bagot

Vous n’avez probablement pas échappé à la campagne actuelle pour le dépistage du cancer du col. De mon point de vue, ces spots publicitaires font passer plus d’angoisse que d’info, voilà pourquoi je vous propose un petit décodage version Mam Gynéco, histoire de ne pas vous morfondre en attendant un résultat !

 

Le spéculum, ce petit instrument en forme de bec de canard permettait d’avoir une vue panoramique sur le fameux col de l’utérus

Le spéculum, ce petit instrument en forme de bec de canard permettait d’avoir une vue panoramique sur le fameux col de l’utérus

 Le cancer du col, responsable de 1100 morts annuelles touche environ 3000 femmes par an. C’est triste, mais bien loin des 55 000 cancers du sein … Il y a un moyen simple, sans danger et bon marché pour éviter ce cancer à 99 % : faire un frottis du col tous les trois ans de 25 à 65 ans. Alors d’accord, si ça fait plus de trois ans, faudrait voir à retrouver le numéro de téléphone de votre gynéco ! Dans la réclame à la radio (et oui, je n’ai pas la télé moi, et en plus j’ai la nostalgie des « réclames » de mon enfance), bref assez digressé, on vous propose d’aller chez « un médecin ou une sage-femme ». Si vous n’avez pas de gynécologue à proximité, allez-y, bien sûr ! Cependant, moi qui ai posé pas loin de 150 000 fois un spéculum (si, si j’ai bien compté) en plus de 30 ans de carrière, je peux vous dire que dans certains cas, il est difficile de faire un frottis de bonne qualité si l’on n’a pas un équipement spécialisé (table qui bascule, éclairage adapté, spéculums de tailles diverses) et surtout pas mal d’heures de vol.

Le frottis du col va déceler les anomalies induites par le virus HPV ou Papillomavirus, responsable du cancer du col certes, mais surtout de toutes les dysplasies  à partir desquelles le cancer pourrait se développer. Avec un frottis tous les trois ans, on arrive toujours avant la bataille, puisque entre les premières attaques du virus et le cancer, il y a en moyenne 10 ans. Dans cette période, les dysplasies peuvent s’aggraver certes, mais avec un geste chirurgical simple, la conisation, et une surveillance régulière, le problème est réglé.

Et d’ailleurs, connaissez-vous l’histoire de ces fameux papillomavirus ?

Il était une fois, une famille de petits virus qui étaient tellement nombreux, mais tellement nombreux, qu’on finît par leur donner des numéros comme 16 et 18 pour ceux qui nous concernent plus spécifiquement. Leur nom, Human Papilloma Virus était si compliqué, mais si compliqué, qu’on préféra les appeler HPV. Ils habitaient un peu partout dans le corps des humains et étaient universellement répandus. Tout être humain avait droit à son stock de squatteurs. Certains n’étaient pas bien méchants, même s’ils faisaient des verrues sur la peau ou des condylomes sur la vulve ou la verge. D’autres étaient plus pervers parce que, s’ils tombaient sur un individu qui se défendait mal, ils s’installaient tranquillement dans les cellules de la gorge, l’anus ou le col et au bout de plusieurs années, ma foi, ils étaient bien capables d’induire un cancer !

Alors, n’écoutant que leur courage, les médecins décidèrent de pourchasser les HPV, même s’il fallait les débusquer dans des endroits improbables. En tête, les gynécologues, armés qui d’un petit balai en plastique, qui d’une spatule en bois, partirent à l’assaut du col de l’utérus, jamais fermé l’hiver, quelle que soit la météo ! Ils arrivèrent sans trop d’encombres au but grâce à leur matériel de haute technicité, le spéculum. Ce petit instrument en forme de bec de canard permettait d’avoir une vue panoramique sur le fameux col de l’utérus situé, comme vous le savez toutes, juste au pied du Mont de Vénus ! C’est ainsi que ces vaillants explorateurs eurent l’idée de frotter le col, de ramasser les cellules ainsi décollées et d’envoyer leur butin à leurs confrères cytopathologistes pour examen au microscope.

Un peu de sérieux diantre, on est dans Les Boomeuses, pas le journal de Mickey !

D’accord, vous l’aurez voulu, mais c’est nettement moins poilant !

Or donc, dit la Faculté, les frottis, selon les régions de France et les laboratoires de cytopathologie, sont classés de 1 à 5 ou bien frottis normal, CIN I, II, III ou encore LIP I, II, III ASCUS etc… bref, une vache n’y retrouverait pas son veau ! En Alsace, on est plus romantiques, on a baptisé nos frottis du nom de la première femme EVE ! C’est pas chou de s’appeler EVE 1, 2, 3, 4 ou 5 ?

85 % des femmes sexuellement actives de 18 à 25 ans ont été au contact de l’HPV. Dans 90 % des cas, il s’agit d’un portage sain et transitoire. Grâce aux défenses immunitaires de l’hôte, le virus passe inaperçu et disparait spontanément. Dans les 10 % restants, les frottis sont classés 3, 4, 5 ou CIN ou LIP I, II, III. Il s’agit alors des dysplasies légères dont la guérison spontanée est fréquente, des dysplasies moyennes qui régressent plus rarement et des dysplasies sévères qu’il faut traiter. Chez une femme jeune, on peut souvent attendre et surveiller mais après 40 ans, il faut y regarder de plus près par un examen complémentaire, la colposcopie. Mais ce n’est jamais une urgence !

On résume !

Toute femme qui a eu des rapports sexuels, vous comme moi, a été obligatoirement en contact avec l’HPV. Le plus souvent le portage est transitoire n’engendrant aucune anomalie du col. Ce n’est qu’en cas d’infection persistante, à peine 10% des cas, que peut se développer une dysplasie du col, détectable au frottis, jamais cancéreuse, qui guérit seule parfois, et toujours avec une minime intervention ambulatoire, la conisation.

Et surtout, n’oubliez pas qu’il est quasi impossible de développer un cancer du col (au demeurant bien rare) entre deux frottis à trois ans d’intervalle. Alors, les filles, on flippe un peu moins ?

 [infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » »]Retrouvez aussi Odile Bagot sur son blog Mam Gynéco et sur sa page Facebook.[/infobox]

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6 commentaires

dominique mallié 11 février 2016 - 17h34

merci Odile, ça fait du bien les posts comme ça ! ça dédramatise un maximum ! merci

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Babeth 11 février 2016 - 20h21

Bel article clair et qui nous informe simplement .
J’adore la photo des spéculums et des brosses a frottis !!!

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mélanie 12 février 2016 - 14h42

dommage que l’on ne parle pas des auto test hpv qui évitent aux femmes l’examen gynécologique que je refuse.

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Odile BAGOT 13 février 2016 - 8h53

Le choix du dépistage par l’HPV à été fait par certains pays mais pas la France. Chaque méthode a des points forts et des faiblesses. Un test HPV positif nécessite au moins un frottis ou une colposcopie.La consultation gynécologique ne se résume heureusement pas au frottis, on y fait bien plus en dépistage, examen et surtout échange avec le praticien. Je suppose que cet auto-test ne se trouve que sur internet et l’écueil est alors la validité du test dont vous n’avez aucune garantie. En tout cas, mieux vaut un test HPV que rien du tout si de franchir la porte d’un cabinet de gynéco est vraiment mission impossible pour vous !

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mélanie 13 février 2016 - 10h43

non, l’auto test hpv fait partie du dépistage généralisé du col de l’utérus et est testé à marseille

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Odile Bagot 13 février 2016 - 17h50

Merci pour l’info ! Cette expérimentation à Marseille est très intéressante, elle permettra d’évaluer la validité de l’auto-test et de le comparer au frottis avant de proposer une généralisation. A partir du moment où une procédure de dépistage est évaluée, tout à fait d’accord pour la suivre et, si c’est possible, donner le choix aux femmes entre différents tests.

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