« Retour à Séfarad » de Pierre Assouline

par Valérie Rodrigue

Retour à Séfarad» de Pierre Assouline raconte le parcours semé d’embûches de l’écrivain pour retrouver la nationalité espagnole, offerte par Madrid à ceux qui apportent la preuve de leur origine juive sépharade, par  le nom, la langue, la généalogie et les liens avec la culture ibérique.

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©Francesca Mantovani

Espagne, 1492 : Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon ordonnent l’expulsion des juifs refusant de se convertir au catholicisme. 80 0000 juifs espagnols partent sur les routes de l’exil, 50 000 se font baptiser. Mais les «conversos», de toute façon rejetés, seront persécutés. 1982 : le gouvernement espagnol attribue la nationalité aux juifs séfarades de culture espagnole, s’ils résident dans le pays aux moins deux ans. 2012 : Madrid simplifie le processus, sans autre condition que la preuve des origines par le nom, la langue, la généalogie et les liens avec la culture ibérique.
La raison ? : «une démarche du coeur», «une procédure pour les retrouvailles », et aussi «restaurer une mémoire, un pan de l’Histoire espagnole ».

Le roman Retour à Séfarad de Pierre Assouline

C’est le parcours d’une demande de naturalisation, de la réflexion à la constitution du dossier en passant par toutes les étapes qui mènent à la cérémonie de remise du passeport. Mais qu’est-ce qui peut motiver quelqu’un qui a déjà un passeport français, européen, à se lancer dans une demande de passeport espagnol ? Après cinq siècles d’absence ? Rien de raisonnable, là aussi, un désir de retrouvailles, de compléter un arbre généalogique difficile à reconstituer du fait de l’exil, de l’errance forcée. Quelle famille de «conversos » peut prétendre retrouver le nom d’origine, araméen ou hébraïque, qui lui a été confisqué ?

Quelle famille séfarade peut reconstituer le périple de ses ancêtres depuis l’exil en 1492 ? Cette offre de naturalisation de la part de Madrid permet au moins de s’interroger, de récupérer des documents auprès des anciens, des institutions en France, en Espagne, en Afrique du nord. Ce livre a le mérite de reconstituer l’Histoire des séfarades à travers une quête personnelle, via des rencontres, un voyage sur place, de Grenade à Gijon en passant par Barcelone, chemin individuel qui donne de la chair à ce projet irrationnel.
Enfin, pourquoi vouloir retourner dans un pays qui n’a donné que ce choix : «la valise, le cercueil ou le Christ».

Le dossier de naturalisation en lui-même s’avère être un vrai chemin de croix, pardonnez l’expression !

Comme le dit l’un des personnages : « quand on nous a expulsés, il n’y a pas eu d’enquête pour vérifier qu’on était bien juifs ! (…) Pourquoi tant de difficultés pour revenir » ?
Alors pourquoi, malgré les embûches, ce désir fondamental d’Espagne ?

Parce qu’il y a l’attachement à la langue, le ladino, judéo espagnol qui a survécu à cinq siècles d’exil, l’attachement à la terre des ancêtres transmis dans les traditions, avec le lait de la mère.

« Si l’on revient quelque part, c’est bien qu’il y a du revenant en nous » écrit l’auteur.

Et cette dernière question, cruciale : pourquoi l’édit royal d’expulsion n’a-t-il jamais été abrogé ? En 2017, pas plus de quatre mille juifs sont redevenus espagnols, des Vénézueliens, des Israéliens, des Argentins, des Français, des Marocains, des Québecois. C’est peu. A la fin du roman, après environ deux ans de démarches, l’auteur attend toujours son passeport !

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Retour à Séfarad, Pierre Assouline, Gallimard

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