La rage suffit-elle à faire un écrivain ?
J’ai commencé à lire Virginie Despentes il y a pas mal d’années, c’était alors Baise-moi, titre provocateur s’il en est, et qui m’avait laissée perplexe. Il y avait là une rage dans la fabrication des personnages et leurs itinéraires qui glaçait plus qu’elle ne séduisait
Puis il y a eu (pour moi) Apocalypse Bébé, pour lequel l’auteur a été primée par le Renaudot, in-extremis comme le soulignait alors la presse spécialisée.
Aujourd’hui, je tombe sur Vernon Subutex 1. Despentes ne décolère pas. Si vous aimez les personnages « border line », les ambiances glauques, vous allez adorer ce roman. Qui sont ils ces « nous », puisque le livre se veut reflet de notre société et des ses maux ? : un transsexuel ex-star du porno épanoui, une jeune fille voilée en quête de valeurs, un réalisateur de télé looser, frustré bobo et plein de haine, un producteur cynique, un trader hystérique accro à la came, en passant par une passionaria de rue, fille d’un ouvrier communiste de Longwy…Et bien sûr Vernon : ex-disquaire qui de dégringolade en dégringolade se retrouve dans la rue, recherché car détenant un testament vidéo enregistré un soir de défonce par Bleach, chanteur Rock populaire mort d’une overdose dans sa baignoire, et qui accessoirement lui payait son loyer.
Vernon renoue alors avec ses ex-copains, via Facebook, tous issus de la période rock des années 90, et de ses corollaires : drogues, sexe…
Je ne vis pas dans un monde de Bisounours, loin s’en faut, mais j’en ai assez de ces romans, comme Soumission de Houellebecq sorti dans le même temps, assez du sordide, du glauque, du malheur.
J’en ai assez qu’on compare Despentes à Balzac au prétexte qu’il est question de « comédie humaine »; que certains journalistes dans la presse se gargarisent d’une suite annoncée : oui, « il va y avoir un Vernon 2, voire 3… quel bonheur! »…, assez de ces auteurs qui se fabriquent une image de désabusés et posent dans les journaux avec des mines déconfites, le cheveux gras et l’oeil torve. « Reflet de notre société »? quelle tristesse! On nous bassine assez avec la crise pour qu’on ait aujourd’hui le désir de lire plutôt des romans qui nous font rêver et nous sortent de cette morosité.
Quant au style… je ne vais pas la jouer » débile » pour utiliser un mot que l’auteur affectionne à son propos, mais je me souviens d’une interview de Despentes chez Pivot où elle se vantait de ne pas lire… et bien elle a tort, cela aurait peut être évité ces phrases, que j’éviterai de citer par décence pour la littérature classique, dont on se demande au final quel sens elles ont . On me taxera de bourgeoise, de coincée dans une littérature d’un autre siècle, peut être, mais peu me chaut.
Dominique Mallié
Vernon Subutex,Virginie Despentes, Grasset