Je l’ai fermé hier soir ce dernier roman de Grégoire Delacourt. Il a fallu le temps d’une journée pour que descende en moi cette histoire que nous raconte l’auteur, pour que s’éloigne l’émotion et que les mots fassent leur place dans cet espace de « l’après » des livres qui ont eu une résonance en nous.
La vie d’Emma bascule un jour pour un homme aperçu dans un restaurant, pour l’évidence de cet homme qui vient d’essuyer sa bouche avec une serviette blanche. Delacourt a le souci du détail, de l’infime qui touche au coeur, de l’impression première et de la fulgurance du désir. Le désir qui emporte tout, qui fait s’écrouler une vie entière, tourner le dos aux habitudes, au confort, à la vie de famille, au passé, aux promesses, à tout ce qui semblait devoir toujours être. Emma croise Alexandre et ses mains fines et elle n’a plus qu’un désir, être à lui, en lui, par lui. Elle trace alors sa route de l’éloignement, pas à pas, déconstruit, tire sur sa corde comme la chèvre de Monsieur Seguin qu’elle a en tête. Oui, elle était bien là, attachée au piquet des certitudes, dans cette vie confortable que lui faisait Olivier, attentif, dans ce bonheur des trois enfants nés de leur mariage, mais il y avait en elle, depuis longtemps, cette faille pour que s’immisce le désir d’ailleurs, la promesse d’un ailleurs et là la raison n’a plus cours.
On le sait, une fois suffit. Il ne faut pas raconter les romans de Delacourt car il y a toujours un moment où tout bascule et trop s’avancer dans la narration ce serait anticiper sur ce moment. Un itinéraire, voilà ce qu’il raconte et les tours que la vie nous joue, bons ou mauvais, et le devoir de faire face, et toujours l’évidence. Il y va aussi là de l’errance et j’ai pour ma part un faible pour les personnages qui se laissent porter par la vie qui a un moment les embarque si loin de là où ils pensaient aller. On croit pouvoir avancer, on se libère, on casse sa corde, ses cordes une à une et puis dans la forêt de la vie, il y a plus d’un danger derrière chaque arbre, plus d’une surprise, plus d’un bonheur à saisir, on croit le passé derrière soi et il refait surface ….
[infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » Dominique Mallié, blogueuse nous livre chaque mercredi sa vision de cinquantenaire sur des sujets qui la touchent, l’émeuvent ou la font s’interroger sous la forme de chroniques au ton décapant. Elle tenait le blog «chic, j’ai cinquante ans » sur l’Express Styles avant de rejoindre Les Boomeuses. Prof de lettres, elle organise régulièrement des lectures de textes qu’elle écrit dans sa ville d’ Avignon. Passionnée d’art, elle court les expositions et nous fera également partager quelques-uns de ses coups de coeur pour les artistes. »][/infobox]