Tu sais que tu es une boomeuse quand…

par Arielle Granat

Tu parles d’un séjour, ou d’une salle à manger, en sachant que c’est ringard, et qu’il faut absolument dire  « un espace à vivre » ou « une zone repas ».
—Tu parles de canette, en pensant à la femelle du canard, parce que tu as connu les bouteilles en verre consigné, avec leur capsule en métal dur que seuls les vrais mecs savaient arracher avec leurs dents.
— Tu sais dire « En fin de compte, j’ai gagné mon pari », ou bien « En définitive, c’est moi qui avais raison », au lieu de bégayer « Au final » tous les deux mots.
— Tu ne crains pas de dire « Pour commencer, il avait tort » ou bien « Fondamentalement, il se trompait », au lieu de ressasser : « À la base, c’est moi qui ai toujours raison ».
— Tu verses une larme en écoutant le discours d’adieu de Dany Cohn-Bendit, même si tu te souviens que tes parents avaient eu envie d’aller le fusiller sur sa barricade quand ils t’avaient trouvée en train de boire ses paroles.
— Tu comprends les ados qui disent : « Alors, il m’a fait, style, je te regarde pas, mais moi je savais que, style, il me kiffait. » même si pour toi le style, c’est plutôt associé au Grand Siècle ou, à la rigueur, à la haute couture.
— Tu as compris qu’il ne faut jamais, au grand jamais, faire des remarques sur un jean troué, parce que tu as intégré que le destroy, c’est toujours top branché.
— Tu connais la différence entre l’artiche et l’artichaut, le faf et le taf, et tu sais aussi qu’un joint peut servir à réparer une culasse, laquelle n’a rien de dégueulasse.
— Quand tu sais ce qu’était un Wimpy Bar, que t’adorais, même si tu interdis maintenant à tes djeuns de manger du MacDo.
_ Quand tu te souviens très bien que ton prof de physique répétait 50 fois par cours « n’-ce-pas ? » mais que tu ne relèves pas que toi-même tu dis « en fait » tous les cinq mots.
— Tu sais que vénère, c’est pas juste ce que tu dis quand t’as les boules que t’as pas, mais le verbe que tu utilisais précisément en parlant de Dany-le-Rouge.
—Tu te souviens que l’anglais et le français sont deux langues distinctes et donc tu ne dis pas forcément « c’est juste pas possible », ni « Trop cool ! » toutes les deux phrases. Seulement de temps à autre.
 
Et voilà. L’avantage d’être une boomeuse, c’est qu’on réapprend à parler sa langue plusieurs fois dans une seule vie.
C’est juste miraculeux !
 

[infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » »]Cathie Fidler est écrivain, auteur de romans et nouvelles. Découvrez son blog Gratitude[/infobox]

 
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