Minou Azoulai est journaliste, productrice et réalisatrice de documentaires
Elle a écrit plusieurs essais sur des sujets de société, avant de s’intéresser aux femmes de 50 ans et à leur sexualité avec Mille nuances de femmes.
Elle répond aux questions des Boomeuses sur la sexualité des femmes de 50 ans
Mille nuances de femmes est un livre document qui parle de la sexualité des plus de 50 ans.
Pourquoi écrire sur un tel sujet ?
Parce que j’entends les confidences de mes amies, et je vois la différence qui se fait entre ces confidences, ou on pleure d’être seule, et ces injonctions de la presse magazine ou féminine qui nous disent « à 50 ans, il faut être belle, performantes, désirantes ». Oui on est tout ça, mais on a aussi le droit aussi de pleurer parce qu’un homme s’en va, de se dire qu’on a plus envie de sexe, qu’on a envie d’une sexualité différente ou d’une sexualité à notre rythme, qui ne soit imposée ni par l’homme ni par la société.
Et puis de l’autre côté, les femmes sont complètement libérées aujourd’hui dans la parole. Elles créent des sites Internet où on parle de sexe, elles achètent des sex toys, elles peuvent rencontrer une autre femmes à 50 ans, sans complexe, comme je le montre dans mon livre. Il y a ces deux facettes, et la libération sexuelle du baby boom aboutit à ça. Trop de liberté et on se sent un petit peu seul ; pas assez de liberté et on a envie de conquérir ce qui reste. C’est un peu cela, ce livre. Et puis, j’ai été épatée par le succès de 50 nuances de grey, parce que ma mère de 87ans le lit, mes copines de 30 ou 50 le lisent aussi. Je me suis demandée ce qui réunissait ces femmes.
Je pense que quelque soit le mode de vie des femmes, les fantasmes restent les mêmes, et ce succès planétaire est fait de ces fantasmes. Même si le sado-masochisme a toujours quelques chose de violent pour certaines, en tout cas, romance plus sexe, ça marche !
C’est un peu tout cela qui m’a amenée à écrire ce livre. Et aussi après mon précédent livre « Petits arrangements avec la cinquantaine« , je me suis dit que je n’avais pas tout dit sur la cinquantaine, notamment sur la partie sexuelle.
Que pouvez nous dire sur la sexualité des femmes de 50 ans ?
Il y a quand même une diversité de la sexualité. A 50 ans on est encore jeune, on devient libre car les enfants ont grandi. A 50 ans, on a peut-être subi une partie de vie pas très droite, et on a envie de se libérer. Mais le jour où on est libre, le corps est là qui se rappelle à nous à cause de la pré-ménopause, même si on se dit qu’on a encore des choses à vivre. Je crois que chacune choisit sa voie. J’avais aussi envie d’aborder un phénomène actuel triste : le nombre de femmes autour de moi touchées par un cancer du sein. Je me suis demandée comment ces femmes qui souffrent déjà au travail le vivaient chez elles?
C’est la partie un peu tristounette du livre, mais c’est aussi la partie vraie du bouquin.
Je me suis aperçue que ces femmes avaient plus besoin d’amour et de tendresse que de sexe. Elles peuvent très bien se passer de sexe, si on les rassure sur leur image, alors tout s’apaise.
Quel constat tirez-vous de votre enquête ?
Que l’important est de se laissez aller à son désir. Plus rien ne peut vous en empêcher. Vous avez peut-être accompli une vie qui ne vous plait pas, il est temps d’en accomplir une autre. il faut s’écouter, c’est la dernière chance pour le faire. Après c’est un peu tard, le corps ne répond pas toujours, les hommes non plus. Je parle de sexualité parce que la sexualité enrobe plein de choses, pas seulement l’acte. Il faut s’écouter, et si on a envie de tenter des expériences, comme certaines femmes dans le livre, il faut y aller. Le corps n’est qu’un corps, ce n’est pas sacré. Il faut jouer avec son corps plutôt que d’en avoir peur.
Pensez vous que la sexualité d’une femme de 50 ans est différente de celle d’une femme de 40 ans ?
Oui, c’est clair. Parce que la pré ou la ménopause, parce que le corps qui change, les changements physiologiques… C’est donc différent et cela interfère sur la sexualité, parce que l’on commence à avoir peur de son corps. Alors qu’à 40 ans on n’en a pas conscience, à 50 ans, on s’évalue, notre corps est là, qui se rappelle à nous. Et puis on commence à avoir un petit enveloppement, des insomnies, des règles qui ne viennent plus. On perd alors un peu de la jeunesse, de la maternité, un peu de tout, mais on ne sait pas ce qu’on gagne, donc on a peur. Oui c’est complètement différent à 50 ans, donc forcément le rapport avec les hommes ou les femmes changent.
Les femmes de 50 ans vous intéressent, puisque vous aviez déjà écrit « Petits arrangements avec la cinquantaine »
En effet. On est vraiment à un carrefour de notre vie, avec des choix à faire à ce moment là. On n’est plus sur la même lancée qu’à 30 ou 40 ans. Ni entraînée par la dynamique de la société ; là, on est au coeur d’une pause. Et il faut essayer de ne pas se tromper, donc s’écouter.
Pensez-vous que le regard de la société sur les femmes de 50 ans est en train de changer ?
Oui, il est en train de changer, mais tellement doucement. Je le raconte aussi dans le livre : quand on tape « femme mûre » sur Internet, ce sont les sites pornos qui vous éclatent à la figure.
Evidemment, on est belle à 50 ans, on est encore dans le boulot, encore séduisante, mais que de préjugés ! Même les femmes participent de cela. Quand on entend Eva Joly dire » je suis une norvégienne, ménopausée« , ce n’est pas possible qu’un femme nous donne le bâton pour nous faire battre. Il faut que les femmes aient un autre regard sur elles-mêmes.
Mais grâce à leur dynamisme, les femmes vont aider à faire changer ce regard.
Pour vous, avoir 50 ans en 2014, cela signifie quoi ?
Sexuellement, cela signifie, se libérer, s’écouter, ne pas se sentir coupable de désir ou de non-désir.
Il y a aussi des femmes qui m’ont parlée et m’ont dit « non je n’ai plus envie de faire l’amour« . Ce n’est ni une tare ni une faute, juste un moment. Je pense qu’il ne faut ni sacraliser le corps, ni se culpabiliser par rapport à son désir. Le désir, c’est volatile, le désir, ça va, ça vient. Il faut le prendre quand il est là et quand il n’est pas là, ma foi, ça revient !
Sinon, avoir 50 ans, cela signifie aussi avoir tous les droits et tous les espoirs. Il y a encore du travail pour se faire accepter par les autres, qu’ils nous regardent avec plus d’indulgence, à commencer par soi-même d’ailleurs On a déjà le regard de nos enfants. Il faut que les autres arrêtent aussi de nous dire qu’on peut être performantes jusqu’à 80 ans. Ce n’est pas vrai. Certes, ça existe, mais ce n’est pas une norme.
Avoir 50 ans en 2014 c’est s’écouter, aller vers son vrai désir.
Le livre
Mille nuances de femmes parle des femmes de 50 ans, souvent belles actives et séduisantes qui ne veulent pas renoncer. Minou Azoulai est partie enquêter auprès de femmes qui lui ont parlé sans tabou de leur sexualité, ou de leur abstinence. Malgré la ménopause, elles veulent continuer à aimer et fantasmer. Minou Azoulai a rencontré des femmes de tous horizons, ayant une histoire différente et vivant leur sexualité à leur façon. Des confidences recueillies sans voyeurisme, qui montrent la diversité des femmes et de leur vie sexuelle : de la puritaine à la cougar, en passant par la femme quittée qui recherche l’amour via Internet, on découvre de beaux portraits de femmes. Chacune pourra se reconnaître dans certaines histoires, d’autres seront très loin de nous. Mais surtout, on s’aperçoit qu’il n’y a pas, contrairement à ce que l’on peut lire parfois dans les magazines, un «mode d’emploi» de la sexualité. Mille nuances de femmes permet d’avoir une vision différente de la sexualité, et peut-être aussi, se rassurer.
Milles nuances de femmes, Minou Azoulai
Editions du moment, 17,95 €
Arielle Granat