Charlotte de turckheim

Rencontre avec Charlotte de Turckheim
pour Mince alors 2

par Arielle Granat

Après l’énorme succès de son film Mince alors (2012), Charlotte de Turckheim revient près de 10 ans après avec Mince alors 2, qui sort aujourd’hui en salles avec une comédie qui parle d’amitié, de femmes, de silhouettes, d’injonction au régime et du temps qui passe.

L’occasion pour nous de rencontrer la pétillante réalisatrice pour lui poser des questions de Boomeuses, auxquelles elle répond avec une belle franchise et une jolie réflexion sur l’âge, les quotas, le pouvoir des femmes et la confiance en soi.

Charlotte, pourquoi avoir fait une suite à Mince alors ?

Charlotte de Turckheim : Avec Dominique Besnehard qui est le producteur du film, cela nous a semblé presque une évidence. Dès la sortie du 1, on s’est rendu compte, peut-être aussi grâce au succès du film et le fait que depuis 10 ans il passe 6 fois par an à la télé, que ce sujet de la confiance en soi, du poids, du corps, du regard qu’on pose sur sa propre apparence, était un sujet inépuisable. Je crois qu’on pourrait en faire 10 ! On avait même pensé un moment à en faire une série. Autant de gens, autant d’êtres humains, que de cas de gens qui ont du mal à s’accepter.

Pour vous le sujet du film c’est surtout l’acceptation de soi ?

Oui bien sûr, c’est l’acceptation de soi. On voit bien dans le film qu’au delà du poids, le personnage de Lio qui est toute mince, ne s’accepte pas.

Pourquoi avoir attendu dix ans pour la suite ?

Parce qu’entre temps j’ai fait pas mal de choses, réalisé un film, écrit une pièce, joué dans des films… j’étais très occupée.

Est-ce qu’en dix ans, votre vision sur les régimes, le poids et la confiance en soi a changé ?

Charlotte de Turckheim : Oui, bien sûr ! D’abord dans le 1, on était partis sur une idée de régime à Brides les bains, où l’on mettait tout le monde à 1200 calories et on passait son temps avec des jets dans la piscine. Maintenant, ce n’est plus possible. On adapte les cures aux gens, et puis on a compris aussi qu’il fallait mettre de l’activité physique, qu’il fallait personnaliser ces problèmes d’alimentation et qu’il fallait que ce soit dans la nature. C’est devenu très important. Moi, j’ai fait pas mal de cures comme ça, et c’est toujours dans une très très belle nature.

Quel message voulez-vous faire passer avec ce film ?

Et bien le message, c’est que j’en ai pas ! J’en ai aucun, je déteste les messages ! Ou peut-être un seul : foutons-nous la paix justement.

Charlotte de turckheim

Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la femme de 50 ans et plus ?

C’est mon cas. Donc je lui porte plutôt un regard sympathique. Je n’ai pas un regard particulier sur un âge plutôt qu’un autre. Je ne sais pas si ça compte vraiment pour moi. Je trouve que de toute façon, c’est compliqué de vieillir, mais il n’y a pas d’autres choix que de l’accepter. Si on souhaite utiliser la chirurgie esthétique, le botox, l’hypnose… chacun fait ce qu’il veut pour que cela soit le plus agréable possible. Mais de toute façon, on va être obligé de tous y passer. Autant ne pas trop reculer le truc, c’est comme aller dans l’eau froide. Mais j’ai peut-être eu aussi une chance énorme, comme je me donne à moi-même du boulot, je n’ai peut-être pas ces crises aussi violentes qu’ont eues certaines comédiennes, qui effectivement à 50 ou 60 ans n’ont plus de boulot.

Moi, j’ai l’impression que plus je vieillis, plus j’ai d’enfants, plus je fais le contraire de ce qu’on me dit tout le temps de faire. On m’avait toujours dit, quand on est comédienne, faut pas faire d’enfants, t’as pas de boulot ! J’ai fait des enfants, j’ai jamais eu autant de boulot ! On m’a dit à partir de 50 ans, plus de boulot ! Je n’ai jamais autant bossé, même cette année.

Mais c’est aussi parce que je me suis beaucoup occupée de moi-même, et j’invite les femmes à le faire. Le pouvoir, ça se prend, mesdames ! Il faut faire attention à ne pas être tout le temps dans le désir de l’autre . Si on est dans le désir de l’autre, il y a un moment où on se retrouve le bec dans l’eau.

Pensez-vous que le bien-être soit lié à son poids ?

Non, pas forcément. Je pense que c’est beaucoup plus complexe que ça. S’aimer, c’est aussi beaucoup lié à l’enfance, à votre vie amoureuse. Il y a beaucoup de paramètres. Et dans le film, chez les deux sœurs (une mince et une ronde), il y en a une qui s’aime parce que ses parents ont porté sur elle un regard bienveillant, et l’autre, alors qu’elle est ravissante et qu’elle est toute mince, ne s’aime pas parce que son père a posé un regard désagréable sur elle.

Ou alors il faut aussi passer par la case psy, pour comprendre pourquoi on est en surpoids et pourquoi on mange, pourquoi on se réfugie dans la bouffe.

Dans votre film, on a l’impression que ce sont les gens « gros » les plus sympas ou les mieux dans leur peau. Et pourtant, vous les incitez à maigrir pour leur santé. Vous ne trouvez pas cela finalement ambigu ?

Ah oui, je comprends ce que vous voulez dire ! En fait, ce que j’essaie de dire, et c’est vrai que cette limite est compliquée à trouver, c’est « faites ce que vous voulez, du moment que cela ne vous met pas dans la souffrance et que vous n’avez pas de problèmes de santé. Et soyez le plus honnête possible avec vous-même. » Parce que moi, le côté Big is beautiful, je n’y crois pas non plus ! Mais par exemple, Charlotte Gassio (qui joue la sœur ronde) est l’exemple du contraire de ça. Elle ne veut pas maigrir, se trouve vachement bien comme ça, elle a fait un documentaire sur la grossophobie.

J’ai vu suffisamment de filles dans mon métier, des comédiennes ravissantes, se faire entièrement tout refaire parce qu’elles ne s’aimaient pas. On ne peut pas dire « les gros sont malheureux, les minces sont heureuses ». C’est tellement plus complexe…

Mais ce qui est marrant, c’est que pour moi Lio, le personnage de la fille la plus mince dans le film, n’est pas méchante : elle est malheureuse et pas dans l’acceptation d’elle-même. Alors qu’elle est ravissante et a tout pour être heureuse. Pour moi, c’est presque le personnage le plus pathétique.

Oui, mais elle n’est pas bienveillante avec sa sœur

Ce n’est pas qu’elle n’est pas bienveillante, mais elle pense sincèrement que le monde appartient aux minces et aux jeunes. En fait, pour moi Lio, c’est la société d’aujourd’hui, elle représente le monde avec ses certitudes sur la jeunesse et la minceur.

Votre personnage aussi est ambigu

Oui tout à fait. Mon personnage aussi est dans l’ambigüité. Elle dit « acceptons, nous ! » et elle ne s’accepte pas du tout. Parce qu’on est tous ambigus, on est tous en contradiction avec nous-même, on dit quelque chose et on fait le contraire. On prend tous dans la vie des grandes décisions, on va tous prendre des résolutions le 31 décembre, et on en tiendra la moitié et c’est tant mieux ! Parce que justement, on est tous ambigus, contradictoires et surtout imparfaits, et c’est très bien comme ça !

Que pensez-vous des injonctions sur le poids et la beauté, notamment pour les femmes de 50 ans ?

En 10 ans, ce que je trouve qui n’a pas du tout avancé, ce sont les couvertures de la presse féminine. Ce sont les mêmes filles, on ne voit aucune évolution. Toujours les mêmes 15/20 actrices, super minces, un peu androgynes, super parisiennes. Et ça m’étonne beaucoup en fait. Nous les femmes, on continue à ne pas avoir envie de voir des corps différents.

Je crois que nous sommes encore notre pire ennemi ! Je crois qu’on a vraiment un gros boulot à faire avant d’accuser les autres et de dire « c’est la faute de la société, c’est la faute des hommes ». On est vraiment violentes avec nous-mêmes et avec les autres, on est vraiment peaux de vache. Et ça, ça n’a pas évolué, à mon grand étonnement d’ailleurs.

En tant que comédienne, réalisatrice, c’est plus difficile, passée la cinquantaine ?

Charlotte de Turckheim : Pour moi, non. Je sais que cela peut énerver quelques femmes que je dise ça, mais moi, je n’ai jamais autant travaillé ! J’ai surtout envie de dire aux femmes, prenez votre vie en main, ne soyez pas dans l’attente. On peut toujours faire des quotas, mais je ne vais pas prendre des femmes de 50 ans si j’en ai pas besoin dans mon film.

Ce qui me réjouis, c’est que lorsque j’ai démarré, on était très peu d’humoristes sur scène, on était 4 ou 5. il y avait Muriel Robin, Valérie Lemercier…. maintenant, il y en a des dizaines.

Des femmes réalisatrices, il y en a aussi beaucoup maintenant. Plus il y aura de femmes qui vont réaliser des films, plus il y aura de rôles pour les femmes. Bien sûr, ça va ensemble.

Charlotte, pour vous, être une Boomeuse, cela signifie quoi ?

Rien, je ne vois pas la différence avec ce que je faisais il y a dix ou vingt ans. Les chose sont ni plus simples, ni plus compliquées.

Avantages et inconvénients de la cinquantaine ?

Le gros avantage de l’âge, c’est l’expérience. C’est merveilleux quand même, ça ! Parce que quand je vois les jeunes qui s’angoissent pour des trucs qui n’ont pas lieu d’être, je me dis «  ah la la, si tu savais comme ça passera tout ça… »

On relativise quand même beaucoup plus, je trouve. Moi, je suis très contente d’avoir toute cette expérience là, je trouve que la vie est plus douce quand même. On remet les choses à leurs places.

L’idéal ce serait que je pense comme aujourd’hui et que j’aie 40 ans, mais ça c’est pareil, ça n’existera pas, donc il faut accepter. Mais l’un dans l’autre, je suis contente d’avoir l’âge que j’ai aujourd’hui.

 

Mince alors 2 réalisé par Charlotte de Turckheim
Avec Catherine Hosmalin, Lola Dewaere, Charlotte De Turckheim En salle le 22 décembre

Vous devriez aussi aimer

Laisser un commentaire