Celle que vous croyez de Camille Laurens
Les femmes, des boites de conserve avec une date de péremption ? Voilà l’interrogation, en substance, d’un des personnages du dernier roman de Camille Laurens.
C’est d’une même histoire dont il s’agit vue par différents personnages. Dans ce roman gigogne, Camille Laurens interroge sur la fin de la séduction et du désir pour les femmes qui atteignent la cinquantaine.
Claire est professeur de lettres, séparée de son mari. Pour espionner un amant plus jeune qu’elle, qui la délaisse, elle va se créer un faux profil Facebook, sous l’identité d’une jeune femme de 24 ans et approcher ainsi Chris, un ami de l’amant.
C’est d’abord Claire qui parle, dans un long monologue nerveux adressé au psychiatre dans la clinique duquel elle est depuis deux ans. On comprend donc que les choses ont mal tourné. C’est ensuite le médecin qui s’exprime afin de se justifier devant ses confrères d’une faute déontologique dans sa relation avec sa patiente. Le récit du psychiatre contient lui-même un roman composé dans un atelier d’écriture par Claire, sous la direction d’une certaine Camille, écrivaine, laquelle livre ensuite sa version dans un brouillon de lettre à son éditeur. C’est enfin le mari de Claire qui aura le dernier mot.
Qu’on ne se méprenne pas, le récit fait ici par Camille Laurens, n’est en rien un constat de renoncement au désir passé un certain âge, mais bien plutôt le refus de devoir renoncer
L’auteur montre ici une connaissance des réseaux sociaux, de Facebook en particulier, et joue avec les codes du virtuel et de la réalité. L’amour naît de la fiction, ainsi Claire dit-elle : » L’amour, c’est vivre dans l’imagination de quelqu’un d’autre » . Cette interrogation sur le rapport entre fiction et amour est une constante chez l’auteur (déjà dans Ni toi ni moi) et Claire a beau être une fine lettrée, professeur de lettres à la fac, elle se retrouve piégée dans une relation amoureuse née de la virtualité des échanges.
C’est drôle, parfois tendre, rageur souvent, intelligent et souvent dans la dérision. Décidément, les romans de Camille Laurens sont toujours un plaisir.
Dominique Mallié
Celle que vous croyez, Camile Laurens, éditions Gallimard, 17, 50 €
Lire aussi : Je n’ai jamais eu de petite robe noire de Roselyne Madelénat
4 commentaires
Merci pour cette chronique , je l’ai lu ce dernier roman de Camille Laurens et en effet il nous emmène vers cette question du renoncement …est-ce qu’il y a un moment où on DOIT renoncer à la séduction, au plaisir ? Elle répond que non, et pourtant je vois autour de moi, des femmes qui ont renoncé, s’investissent ailleurs ….question essentielle je trouve …
toujours un plaisir de vous lire .. sur ce type de sujets ou autres d’ailleurs
bonne journée !
Bonjour Anna, je crois avoir entendu dire que on devient vieux quand on n’est plus désirant …. désir qui peut prendre toutes sortes de formes …
cela me rappelle ma mère qui souvent se demande si elle va continuer de faire ses teintures de cheveux ou si elle arrête, si elle renonce au final à être dans cette séduction vis à vis d’elle même et de mon père … je l’encourage à continuer, lui disant que peut être un jour elle ne pourra plus, mais tant qu’elle peut ….
Voilà un auteur qui nous régale toujours ! Merci pour ce conseil de lecture !
Merci Sylvie, il faut partager ce qui est intéressant et nous fait avancer !