Quand on s’écrivait des lettres …
En ce moment, je remets mon nez, mes yeux, mon cerveau, ma sensibilité, ma curiosité dans la correspondance des écrivains, correspondances amoureuses célèbres : celle de Victor Hugo à Juliette Drouet, de Flaubert à Louise Colet, de Diderot à Sophie Volland, d’Anaïs Nin à Henry Miller ou encore de Cocteau à Jean Marais, d’Apollinaire à Lou et il me vient le regret de ces lettres qu’on recevait autrefois et qu’on ne reçoit plus, de ces enveloppes qui laissaient entrevoir, par l’écriture manuscrite reconnaissable, le nom de celui ou celle qui nous écrivait. On la tournait et retournait, il y avait là une promesse de plaisir à venir, de l’écriture, des mots alignés dans les phrases, des images…
On l’ouvrait et alors, il fallait se trouver un petit coin tranquille pour se rassasier du texte, un endroit où, à l’abri des regards, on pourrait se laisser aller aux émotions nées de la lecture.
Il y avait le décalage dans le temps, entre ce qui était écrit et le moment de la lecture, il y avait l’autre qui se racontait : parfois dans ses occupations quotidiennes, parfois dans l’expression de sentiments, de sensations, parfois des petits riens… Certaines suscitaient la colère : on y répondait rageusement sachant que le temps qu’elle parvienne à son destinataire, la colère serait retombée, d’autres appelaient les mots d’amour qui seraient reçus dans leur douceur ou leur folie, lus et relus, serrés contre soi. Il y avait un contact de la lettre, on les tenait, pour les plus précieuses, près de soi, contre son coeur, dans son sac, on les sortait de temps à autre pour les relire. On les conservait ces lettres dans des boites, comme les albums photos dont je parlais précédemment. C’était là la trace palpable de ce qui avait été vécu. On se permettait des mots crus, certaines qu’on était (à tort peut être) que seul le destinataire en prendrait connaissance. Des histoires d’amour sont nées de ces correspondances. L’écriture manuscrite qu’on peine aujourd’hui, à l’heure des ordinateurs, à retrouver, les doigts gourds souvent de ne plus savoir tenir le stylo, parlait elle aussi. Les ratures, les mots en suspens, tout faisait sens. On cherchait sous les traits qui biffaient le premier jet, on s’interrogeait sur les changements de termes, c’était du plaisir à n’en plus finir. Le papier lui-même était choisi, on s’en voyait même offrir ou on en offrait de ces « coffrets correspondances », les enveloppes assorties.
Et les cartes postales, en cette période estivale ?
Quelques mots alignés derrière une carte paysage, le texte dont on sentait l’obligation de la rédaction quand les enfants étaient en colo, les fautes d’orthographe qui devenaient attendrissantes, l’écriture grossie pour remplir vite l’espace et se débarrassait de la « corvée ». Bien sûr qu’il faut vivre avec son temps, il n’empêche que quand je vois seulement arriver des factures dans ma boite aux lettres, que j’ai toujours une appréhension à relever mon courrier de ce fait, il me vient le regret du temps où on recevait autre chose de plus personnel…
Seule ma mère persiste à m’envoyer des lettres malgré nos coups de fil quotidiens et je les garde précieusement dans ma « boite à secrets ».
[infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » Dominique Mallié, blogueuse nous livre chaque mercredi sa vision de cinquantenaire sur des sujets qui la touchent, l’émeuvent ou la font s’interroger sous la forme de chroniques au ton décapant. Elle tenait le blog «chic, j’ai cinquante ans » sur l’Express Styles avant de rejoindre Les Boomeuses. Prof de lettres, elle organise régulièrement des lectures de textes qu’elle écrit dans sa ville d’ Avignon. Passionnée d’art, elle court les expositions et nous fera également partager quelques-uns de ses coups de coeur pour les artistes. »][/infobox]