Dans Bunker, Lettres de Magda Goebbels, incarnée par Julie Depardieu, Christian Siméon a imaginé une lecture de « lettre fictives » à deux voix, celle de la comédienne et de Stefan Druet Toukaïeff, avec pour ambition de démontrer comment une femme, amante, aimante, puis mère, a pu devenir un monstre.
La bonne idée de Bunker reste l’implacable décompte qui emporte le spectateur dans le destin inéluctable de Magda Goebbels. Dès l’entrée en scène de Julie Depardieu, impeccable dans sa robe noire et coiffée de tresses, une voix off annonce « X ans avant l’entrée des Russes dans le bunker », décompte macabre qui orchestre les lectures des deux acteurs.
Ce bunker de Berlin, dernier refuge des hauts dignitaires nazis qui donne son titre à la pièce, où Magda Goebbels empoisonnera ses cinq enfants avant de se donner la mort avec son époux, peu après le suicide d’Adolf Hitler et d’Eva Braun.
Des lettres fictives édifiantes dans la bouche de Julie Depardieu
Bunker nous fait découvrir la jeune Magda, éprise de Haïm Arlozoroff, étudiant juif allemand qui deviendra l’une des figures politiques de gauche emblématique de la Palestine d’avant la création de l’Etat d’Israël. Les deux vivent une histoire passionnelle, avant que l’un ne quitte l’Allemagne nazie pour la Palestine et que l’autre rejoigne les rangs du parti nazi.
Arlozoroff sera assassiné sur une plage de Tel-Aviv en 1933, six mois après l’accession d’Hitler au pouvoir, alors que ce militant sioniste oeuvrait pour l’émigration en Palestine des juifs allemands. Ce meurtre n’a jamais été élucidé, même si les soupçons se portent fortement sur des sbires de Goebbels, qui tenait à faire disparaître toute trace de la liaison de son épouse avec un juif.
Passé cet épisode troublant évoqué dans la pièce, nous voyons évoluer la jeune femme dans le monde nazi, usant de son pouvoir de séduction jusqu’à épouser Joseph Goebbels et devenir la « Première dame du IIIème Reich » (Eva Braun n’ayant jamais été reconnue à ce titre avant d’épouser Hitler avant leur suicide commun…).
Les lettres fictives de Christian Siméon sont édifiantes dans la bouche de Julie Depardieu, qui incarne pleinement cette femme fascinée par Goebbels, gravissant les marches du parti pour accéder au premier cercle nazi, tandis que Stefan Druet Toukaïeff joue à la fois Arlozoroff et le ministre de la Propagande avec intensité.
Une scène, toutefois, provoque le malaise. Lorsque sont prononcés, dans la bouche de Julie Depardieu de supposés propos de Magda Goebbels regrettant le mal fait aux enfants juifs pendant la Shoah.
Malgré cela, « Bunker » reste un spectacle impressionnant.
Bunker de Christian Siméon avec julie Depardieu et Stefan Druet Toukaïeff
Jusqu’au 22 décembre puis reprise à partir du 1 er février 2024
Théâtre Tristan Bernard
64 rue du rocher, 75008 Paris
Photos@Fabienne Rappeneeau
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