Il y a quelques mois, j’ai entendu parler d’un stage Souffle-Voix (appelé aussi Pneumaphonie) dont l’intitulé m’a interpellé. L’idée de ce stage de deux jours étant de réapprendre à respirer, de réajuster sa voix parlée et chantée pour aller vers une meilleure respiration, plus profonde, conduisant vers un mieux-être général.
N’ayant jamais participé à ce genre de stage et ne sachant pas trop à quoi m’attendre, c’est très curieuse que je suis arrivée un samedi d’hiver au stage Souffle-Voix donné par Benjamin Grenard, praticien, agrégé de musique et pneumaphoniste certifié de la méthode mise au point par Serge Wilfart. Serge Wilfart est un artiste lyrique et pédagogue de la voix qui a créé cette méthode il y a plus de 43 ans, et dont l’objectif n’est pas uniquement un travail sur la voix, mais un travail par la voix, en tenant compte de la globalité de l’être.
Le jour J, on est accueilli par Benjamin qui nous met immédiatement en confiance et montre une grande bienveillance.
Le stage Souffle-Voix
On s’assied en rond dans la salle. Benjamin se met à son clavier. Après une introduction à la méthode et au déroulé des deux jours, il demande à un « volontaire » de passer.
Nous sommes 4 femmes de plus de 50 ans et un jeune homme. Béatrice, qui a déjà participé à deux stages Souffle-Voix avec Benjamin, se lance. Pendant 5 minutes, il va lui faire répéter, accompagné de son clavier, un son formé par des voyelles, de plus en plus fort et sur des octaves de plus en plus larges. Les autres stagiaires se regardent un peu éberlués, car Béatrice qui chante depuis plus de 15 ans a une voix puissante. Elle n’est pas venue pour sa voix, mais plutôt pour mettre en pratique cette méthode dans son travail, et notamment apprendre à lâcher son diaphragme. Après elle, personne n’ose passer… Comme il faut se lancer, j’y vais !
Moi qui ne suis pas forcément à l’aise avec le chant en public, je me demande ce qui va se passer et si je vais arriver à sortir des sons aussi puissants.
Benjamin commence avec une note que je dois répéter, puis le son entier, puis de plus en plus fort. J’ai l’impression de m’entendre presque crier ! Pendant l’exercice, on ne pense pas aux autres, juste à ce son, presque primal, qui sort de nous. L’idée est de le faire sortir non pas de notre gorge mais de notre corps.
Après ce premier exercice, je sens le potentiel qui existe dans ma « vraie » voix et ce que signifie se lâcher
Apprendre à lâcher-prise
Nous referons chacun plusieurs fois cet exercice au cours du stage, et la dernière fois, j’aurai gagné presque 3 octaves, mais surtout, je sens de plus en plus le potentiel de ma voix et le bien-être que procure cet exercice. Et je m’entends parler autrement.
Entre ces exercices, on fait de la méditation et l’apprentissage de l’auto-hypnose pour se détendre et apprendre à lâcher-prise.
Pour la plupart des gens présents lors de ce stage, il s’est effectivement passé quelque chose, même si ce n’est qu’un début et que chacun est venu pour des raisons très différentes.
Il y a par exemple Geoffrey, jeune prof de yoga, qui veut trouver comment poser sa voix sur le souffle, apprendre à mieux s’ancrer et mettre en pratique ses acquis lors des cours de yoga qu’il donne, et qui ressortira de son stage plus « ancré ».
Martine, qui ressent depuis longtemps un problème au niveau de sa voix et des difficultés à s’exprimer en public. Elle pense que le chant pourrait l’aider à résoudre ce problème, ainsi que des difficultés respiratoires qu’elle ressent.
Et Sophie, qui est venue pour enfin apprendre à lâcher-prise. Depuis longtemps, elle avait envie de travailler sa voix, se sentant complètement bloquée à ce niveau. Après deux jours de stage, elle repartira émerveillée et étonnée de ce qu’elle a réussi à lâcher après tant d’années. Pour elle, ce stage va bien au delà de la voix puisqu’elle a réussi à supprimer toutes les barrières qu’elle avait mis en place pour se protéger. Et moi, plutôt rationnelle, assez loin du lâcher-prise, qui suis venue comprendre ce que signifiait retrouver sa voix intérieure, et qui a beaucoup aimé cette expérience de travail sur et par la voix, avec un groupe bienveillant où personne ne se juge.
A la fin de ce stage Souffle-Voix, c’est étonnant de voir comment certaines personnes, arrivées coincées et timides, ont pu se libérer grâce à leur voix et retrouver une force intérieure qu’elles n’arrivaient pas à exprimer. Cela fait un bien fou de se dire que le potentiel est en nous. Il s’agit d’une vraie démarche de remise en question, passionnante et bienveillante, grâce à Benjamin, très à l’écoute.
Avant de quitter le stage, j’ai demandé à Benjamin Grenard de nous parler de cette méthode Souffle-Voix et de la voix en particulier.
Comment décrire ce stage Souffle-Voix ?
Acceptation, démission et lâcher-prise.
Déjà, quand les personnes viennent au stage, elles ont accepté qu’il y ait un changement. Après, on fait en sorte que les conditions soient réunies pour que la personne lâche-prise et que la voix émerge. La voix, mais aussi le souffle ou le corps.
Mais tout le monde ne vient pas pour la voix ? D’ailleurs, la voix c’est quoi ?
Non, tout le mode ne vient pas pour la voix. Pour résumer en une phrase cette approche, qui d’ailleurs correspond très bien aux femmes de 50 ans, il s’agit d’un travail qui accompagne les mues intérieures La voix, c’est un témoignage de la manière dont la personne respire, et c’est aussi un témoignage de son être. La voix, c’est d’ailleurs quelque chose de très intime.
Ca veut dire quoi avoir une belle voix ?
Il y a des gens qui ont de belles voix, dans le sens ou elles plaisent et séduisent. Pour autant, ce n’est pas forcément la voix naturelle des gens.
Je dirais qu’une belle et grande voix naturelle emporte toujours l’adhésion. Parce que les gens ressentent l’harmonie de cette voix à l’intérieur d’eux. Mais parfois, il existe, notamment chez les chanteurs, des voix qui sont belles, esthétiques, mais qui ne sont pas nécessairement des voix enracinées et profondes. Elles peuvent être justes belles à la surface.
Ici, ce qui nous intéresse, c’est l’être.
En général, les gens ont-ils des voix enracinées ?
Non, l’homme est souvent construit à l’envers, et on voit que la plupart des gens ont une voix qui résonne dans leur tête, un peu dans le thorax, mais qu’elle descend très rarement dans l’ensemble du corps.
Or avec ce stage, c’est vraiment ce que l’on cherche à faire. A ce que la voix vienne de l’ensemble du corps. On ne chante pas avec ses cordes vocales, mais avec l’ensemble de son corps. Comme on ne respire pas avec ses poumons, mais avec tout son corps.
Il faut être en recherche d’autre chose pour venir au stage Souffle-Voix ?
Oui. Mais il y a aussi des gens qui viennent au stage pour la première fois et qui n’ont jamais exploré de disciplines énergétiques. Et puis il y a des gens qui sont déjà allés voir ailleurs. C’est souvent le profil des femmes de plus de 50 ans, mais il y a de plus en plus de jeunes qui viennent aussi.
Les gens ressentent le besoin de revenir aux sources.
Et ce travail, c’est vraiment ça, revenir aux sources
Ce n’est pas une thérapie ?
Il y a des aspects thérapeutiques, mais on ne se considère pas comme des thérapeutes.
Une séance peut-être à la fois technique et également avoir des aspects thérapeutiques. Je dirais que c’est de l’accompagnement bien-être. J’insiste sur cet aspect car dans la vogue du « développement personnel », il y a souvent la tentation de proposer des approches qui permettent de devenir qui l’on a envie d’être, pour toujours mieux faire, avec plus d’efficacité. Ce n’est pas la priorité ici, où on laisse émerger la personne et sa voix qui viennent de l’intérieur.
Même si cela peut être initiatique pour certains.
Et après le stage Souffle-Voix, comment peut-on continuer dans ce lâcher-prise ?
Il y a des portes qui se sont ouvertes. La personne donne sa voix avec parfois des tensions, parfois des sons chaotiques.
Le lâcher-prise se fait pendant la séance, tout à coup, elle est dans un mouvement de spontanéité qui est accueilli avec bienveillance. Le cerveau et le corps de la personne se rendent compte que c’est ok d’être spontané, même avec ses maladresses. D’ailleurs c’est ce que tu as vécu, non ?
Après il faut que la personne qui anime le stage soit aussi bienveillant.
Ça signifie quoi libérer sa voix ?
Libérer sa voix, c’est vraiment accéder à son énergie profonde. C’est vraiment l’entièreté de l’être. Ce n’est pas seulement un humain intellectualisé ou avec son émotionnel. Mais un humain avec son bassin, son animalité, mais pas au sens négatif du terme : un humain entier !
Et une fois qu’on a une voix libérée ?
Ici, les gens vont toucher des espaces où, à un moment donné, ça se libère. Il y a des gens qui récupèrent leur voix assez rapidement après le stage, en se concentrant. Pour peu qu’ils aient compris la technique, ils peuvent le refaire. Cela va leur demander de l’attention, mais c’est accessible.
Pour d’autres personnes, il y a des blocages physiques et ce sera un peu plus long. Mais les espaces qu’ils ont touchés vont constituer des repères respiratoires, physiques et vocaux. Du coup, s’ils continuent en conscience à investir ce qu’ils ont découvert, ils vont progresser, soit avec des acquis vocaux, soit respiratoires, soit sur le corps.
On n’est pas du tout dans le chanté juste ou chanté faux. Cela n’a rien à voir ?
Non, on est vraiment dans chercher un son vrai plus que chercher un son juste.
Parce que selon toi, en grandissant, on perd sa vraie voix ?
La plupart des gens ont la voix de leur personnage, et pas la voix de leur personne profonde.
Beaucoup de femmes se construisent avec une image de la féminité. Il faut avoir une voix aigüe, suave, gentille… et beaucoup de femmes sont coincées dans ce schéma où le bassin a été coupé avec le patriarcat, etc… Là, il s’agit vraiment de remettre les femmes dans leurs racines.
Etonnamment, lorsqu’elles sont enceintes, elles sont plus enracinées. Leur hara (centre énergétique vital dans les arts martiaux japonais) est là. J’ai juste à faire chanter la personne.
Il s’agit vraiment de retrouver la voix d’une femme entière. Parfois, pour rigoler, je dis retrouver sa voix de sorcière. Mais en fait la sorcière, c’est quoi ? C’est la Baba Yaga, une femme enracinée. Elle est effrayante dans les contes, mais elle a aussi énormément de pouvoir.
Quand on regarde la Bible et l’histoire d’Eve et de Lilith, on voit que beaucoup de femmes restent avec la voix d’Eve. Alors qu’elles sont entières quand elles ont leur voix pleine et la voix de Lilith, qui n’est pas qu’un personnage négatif.
Mais on peut avoir une voix aigüe de femme « normale » sans être petite fille ?
Tout a fait, c’est une question de mélange harmonique en fait.
Pour conclure, la voix est souvent le témoignage de notre histoire. Les histoires sont différentes, il y des raisons diverses pour lesquelles les gens ne parlent pas fort, c’est fondamentalement intime, la voix. Je suis sûr que pour certaines personnes, c’est plus intime de chanter que de faire un strip-tease. Parce qu’avec la voix, on ne peut pas tricher, tout de suite, l’émotion s’entend.
En pratique
Benjamin Grenard habite à Lyon et propose des stages de 2 jours à Lyon et en France et des ateliers d’une journée.
Prochains stages Souffle-Voix de 2 jours : Paris le 1 et 2 juin. Lyon, le 8 au 10 juin. Toulouse du 19 au 21 juillet et à Quimper du 10 au 21 août.
Pour en savoir plus sur la méthode Souffle-Voix les dates des stages et les tarifs, aller sur le site Du Souffle à la Voix.
Merci aux participants du stage pour les photos.
Arielle Granat