Ariane Grumbach est diététicienne et propose une approche de la diététique qui prône le plaisir et non la restriction. Une démarche qui ne peut que nous plaire ! C’est dans cet esprit qu’elle vient de publier « La gourmandise ne fait pas grossir « , un titre qui forcément nous interpelle.
Article initialement publié le 17 octobre 2016
Ce livre écrit comme un abécédaire dénonce les préjugés, et remet les choses à plat sur l’alimentation et les injonctions et inquiétudes qu’elle entend trop souvent dans son cabinet. Selon l’auteur, qui est farouchement contre tous les régimes, il faut arrêter de s’angoisser par rapport à son poids, mais prendre soin de soi en se faisant plaisir en mangeant. Pour elle, la vraie gourmandise ne fait pas grossir. «Être gourmand, c’est manger de tout, sans interdit, avec plaisir, en écoutant son appétit, et se sentir bien dans sa tête et son corps».
On a rencontré Ariane Grumbach le temps d’une interview, pour parler des femmes de 50 ans, de régimes, de plaisir et d’alimentation.
Ariane, pourquoi avoir écrit ce livre ?
Pour plusieurs raisons. La première, c’est que je trouve qu’il y a aujourd’hui énormément de stress autour de l’alimentation. On entend tout et son contraire, beaucoup de cacophonie sur tous les sujets nutritions.
J’ai voulu remettre les choses un peu à plat et réexpliquer simplement pour que les personnes retrouvent une relation avec la nourriture un peu plus tranquille, arrêtent de se prendre la tête. Après, il y a une autre raison, qui est que j’affirme que les régimes ne marchent pas, qu’ils font du mal, et c’était un autre moyen de le dire, parce que je vois beaucoup de personnes très malheureuses par rapport à ça dans mon cabinet. Et puis il y a autre chose, plus en filigrane, qui est d’inciter les personnes à essayer de prendre un peu de recul sur leur façon de manger, tenter de voir si elle est en cohérence avec leurs idées, leurs valeurs… Est-ce-que, si je bois du Coca light et que je mange bio, tout ça est très logique ?
Vous dites que la gourmandise ne fait pas grossir. On aimerait bien, mais c’est est-ce vraiment possible, surtout à partir de 50 ans ?
Alors d’abord, je lutte contre l’idée qu’on grossit à 50 ans. Il y a des personnes, même à 30 ans et encore plus à 50/55 ans, qui viennent me voir en disant «Je sais, j’ai pris du poids, c’est à cause de l’âge… Je sais que là maintenant, je ne vais pas pouvoir maigrir comme à 20 ans». Ce n’est pas vrai ! D’abord, il n’y a aucune fatalité à prendre du poids avec l’âge.
Qu’est-ce qui se passe avec l’âge ? Effectivement, notre métabolisme (la façon dont notre corps dépense l’énergie) a tendance à diminuer, et c’est vrai parce qu’on perd sa masse musculaire, même si on continue à faire du sport. Mais si on écoute sa faim, si vraiment on mange selon son appétit, et bien on va manger moins, et donc on ne va pas prendre de poids. Ça, c’est la première chose. Quand je dis, la gourmandise ne fait pas grossir, c’est ma définition de la gourmandise, c’est à dire de manger avec plaisir, de savourer ce qu’on mange, et du coup, si on savoure ce qu’on mange, on sait s’arrêter, et on se rend compte que le meilleur est dans les premières bouchées. C’est quelque chose que j’incite toujours les gens à expérimenter, s’ils ne veulent pas me croire. Du coup, la gourmandise, c’est manger des choses bonnes et les apprécier en fonction de son appétit. Et donc, on ne grossit pas. Même si on mange du chocolat et du fromage dans le cadre de sa faim, on ne grossit pas. Alors que les gens disent « j’ai continué par gourmandise »
Oui, mais pourtant à 50 ans, on ne peut quand même plus manger un gâteau comme avant sans prendre du poids.
A 50 ans, on a moins de besoins caloriques. Donc, si on mange la même quantité qu’avant, on grossit. On ne se rend pas compte que si on mange tous les jours juste un «tout» petit peu trop, on prend un kilo par an, au bout de 10 ans, on a pris 10 kilos. Mais si on écoute vraiment son corps qui est hyper bien régulé, on peut manger exactement la bonne quantité, et ne pas prendre de poids. Du coup, il faut manger quelque chose de léger avant le gâteau.
Donc, avec l’âge, on a moins faim ? Pourtant, j’ai l’impression qu’avec l’âge, mon appétit augmente.
Oui, tout à fait, avec l’âge on a moins faim. Si vous aviez vraiment plus faim et si c’était de la « vraie faim », vous ne grossiriez pas. La faim protège le poids. Quand on mange parce que l’on a faim, c’est de l’énergie dont le corps a besoin, et ça ne fait pas grossir. Ce n’est que « le trop » qui fait grossir. Parfois, à cause de l’environnement social, on s’habitue à manger un peu plus que sa faim. Si tout à coup on a une faim anormale, ou que l’on prend un peu de poids, c’est intéressant de ne pas se mettre au régime, mais de s’observer et de comprendre pourquoi on a faim. Il faut se demander, «est-ce que je mange parfois sans faim ?». Il faut faire des expériences, manger un tout petit peu moins, sans du tout s’affamer, mais expérimenter. Et du coup, quand on a envie de se resservir, réfléchir si cela en vaut vraiment la peine. Si c’est important de maintenir votre ligne, il faut se demander si ce n’est pas plus important de s’arrêter que de reprendre une assiette. C’est pour ça que je parle beaucoup de « l’attention à la première bouchée ». Si vous avez vraiment profité de la première assiette, il n’y a pas besoin de se resservir.
Si on est gourmande à 50 ans, comment fait-on pour ne pas grossir ?
Il faut vraiment écouter son appétit. Il faut vraiment essayer de comprendre pourquoi mon corps, là, dit stop et que ma tête, elle, a envie de continuer. Et être dans quelque chose de positif. Il faut se demander, est-ce que ça va vraiment m’apporter quelque chose, ou pour mon confort, mon bien-être, ce ne serait pas mieux de m’arrêter. Il faut être dans le recentrage sur soi et ses vrais besoins, vraiment bien se connaître. Soit on mange de plus petites quantités, soit on zappe un plat. Un écart de temps en temps, ce n’est pas grave, le corps sait réguler. Le lendemain, si on a pas faim, on saute le repas. On est tellement dans les discours nutritionnels qui disent « il ne faut pas sauter de repas, il faut manger 3 fois par jour ». Il ne faut pas être rigide par rapport à cette écoute de la faim. Après, il y a des dérèglements hormonaux au moment de la ménopause, qui peuvent faire qu’on prend du ventre, et là c’est vraiment une question d’équilibre entre oestrogène et progestérone. Et si ça se dérègle, on peut avoir une prise de poids anormale, et il faut prendre un traitement naturel qui réequilibre les choses.
A 50 ans on a beau se dire que la silhouette compte moins, prendre du poids, ça nous pèse quand même.
Si on prend du poids, on va le prendre différemment. Les changements hormonaux qui se passent à la ménopause font que les femmes, qui prennent d’habitude plutôt des fesses, des hanches et des cuisses, vont alors prendre du ventre. Mais si on ne prend pas de poids, ça va être vraiment minime. Par contre, il faut manger un peu moins et continuer à bouger pour maintenir sa masse musculaire autant que possible, parce que c’est important à cette période de la vie et surtout pour plus tard.
Vous êtes contre tous les régimes actuels à la mode ? Aucun selon vous n’est bien ?
Il y en a de moins pires que d’autres ! Je dirais que tous ceux qui sont très privatifs, qui suppriment des catégories d’aliments, ne sont bons ni pour la tête ni pour le corps. Parce que la tête n’aime pas les privations, et que le corps va se souvenir de la privation, et après, il va stocker. Après, je dirais que peut-être les moins pires, ce sont les régimes équilibrés comme Weight Watchers, mais ça ne me paraît pas adapté aux femmes de 50 ans. Ça conviendra à quelqu’un de jeune, qui n’a pas appris à manger varié, qui ne sait pas cuisiner. Ce que me racontent les personnes qui ont fait Weight Watchers, c’est que comme on est très incités à manger des légumes, parce que c’est gratuit en terme de points, du coup on se met à cuisiner. Donc, on peut avoir une certaine éducation culinaire. Après, je suis quand même totalement contre Weight Watchers, parce que je vois bien que c’est une façon de manger qui est complètement contrôlée par la tête. Par le fait de compter des points, je vois bien que les personnes, au bout d’un moment, me disent « j’en peux plus d’être dans le comptage de points ».
On peut trouver éventuellement une façon de manger qui va correspondre à son rythme, mais il ne faut pas qu’il y ait de privation. Il ne faut pas non plus s’oublier. Il y a des régimes qui disent, «vous pouvez mangez un carré de chocolat par jour», il y a pas non plus de raison de s’obliger à manger du chocolat si on en a pas envie. En fait, c’est toujours très important de garder de la souplesse dans sa façon de manger.
Et les fameuses détox en cures de jus ?
Je ne crois pas à la détox au sens de nettoyer l’organisme. Je pense que l’organisme peut le faire lui-même, ou si on a vraiment eu des périodes d’alimentation très riches et lourdes, très naturellement on va avoir envie de bouillons ou de choses légères. Je trouve que c’est une arnaque, parce que derrière, il y a tout de suite la promesse de mincir. Et ça c’est faux, puisque la cure de jus, c’est comme un régime express. On va perdre très vite, mais on reprend aussi vite.
Je ne suis pas contre le fait de mettre en pause son système digestif, mais ça, on peut le faire soi-même avec des bouillons, des compotes, des jus… On a pas besoin de s’acheter une cure de jus.
Oui mais si on a perdu avec cette cure, on ne peut pas stabiliser son poids avec ce que vous mettez en oeuvre ?
Si on a perdu de façon pas naturelle, on va forcément reprendre un petit peu. Je ne suis pas contre faire ça, si la personne se dit « après, je m’attaque vraiment à changer ma façon de manger ! »
Comment expliquez-vous cette mode du sans gluten ?
Je l’explique par plusieurs facteurs. En effet, il y a un excès de gluten dans beaucoup d’aliments industriels. Il y a du pain très raffiné, préparé rapidement avec des farines très blanches, qui est peu digeste. L’excès de gluten et le gluten trop difficile à digérer, font qu’effectivement, des personnes ont une sensibilité accrue du fait de cette consommation. Ce n’est pas une intolérance au gluten, mais ils le supportent moins bien. Aujourd’hui tout se mélange, cette hypersensibilité existe, mais comme c’est devenu une mode, il y a plein de gens qui arrêtent alors qu’ils n’ont pas d’inconfort. Du coup, ça énerve les médecins qui disent, «tout ça c’est n’importe quoi !» alors que c’est une réalité pour certains.
C’est vraiment la rencontre de 2 phénomènes. Je dirais du « mauvais gluten », c’est à dire trop de gluten, et du gluten beaucoup plus « résistant », donc beaucoup moins digeste, avec des intestins qui sont sûrement devenus plus sensibles, plus fragiles, par la mauvaise alimentation, les antibiotiques, le stress… La rencontre des 2 peut provoquer quelque chose de vraiment inconfortable.
Si on a un inconfort, il faut d’abord chercher si cela provient du gluten ou d’autres aliments, ou encore parce que l’on mange trop vite. Par contre, il ne faut jamais rester avec un inconfort, toujours essayer de comprendre pourquoi, mais ne pas accuser à tous les coups le gluten.
Le plus dur pour une femme qui a pris du poids et veut le perdre rapidement, n’est-ce pas d’entendre que cela va être long ? On est impatiente quand on souhaite maigrir !
Je ne dis pas forcément que cela va prendre du temps. Je ne sais pas. Si on mange 2 fois trop et qu’on diminue par 2, on va perdre du poids vite Mais souvent, ce n’est pas aussi simple que ça. Les personnes qui viennent me voir ont souvent des histoires compliquées… J’essaye de leur expliquer qu’il y a des choses à déconstruire, que lorsqu’il y a 20 ou 30 ans de régime, ça ne peut pas se résoudre en 3 mois. Que ce sont vraiment des idées et des habitudes installées qu’il faut revoir. Et que la réussite passe par la persévérance. La difficulté, c’est de trouver d’autres indicateurs que le poids. Est-ce que je me sens mieux, est-ce que je me sens plus légère, est-ce que je me sens plus tranquille, est-ce que l’alimentation est moins un souci… pour accepter que la perte de poids prenne un peu plus de temps.
C’est clair qu’il y a une « pensée magique » autour du régime, même si on en a fait plein, on se dit, « le prochain, ça va marcher ! ».
Que vous disent les femmes de 50 ans qui viennent vous voir ? Leur demande principale ?
Perdre du poids, mais en fait elles font une confusion entre l’ âge et l’histoire alimentaire. Une femme de 50 ans qui n’a jamais fait de régime mais qui mange trop, par habitude, parce qu’elle va beaucoup au restaurant… si elle revient à ses besoins, elle peut vraiment perdre très significativement du poids. Une femme de 50 ans qui a fait 30 ans de régime, elle, a détraqué son organisme, donc elle perdra moins de poids et ce sera plus difficile.
Parce que leur corps est devenu très économe. Si elles sont dans des alternances de restrictions et de « craquage », on va travailler là-dessus. Si elles arrivent à refaire du sport, à relancer un peu leur métabolisme, elles peuvent perdre du poids. J’en vois qui perdent du poids, d’autres un peu moins, car on ne peut pas non plus s’affamer. Parfois, le métabolisme s’est trop habitué à la privation.
Ce n’est pas un discours très optimiste ?
En fait, il faut déjà faire la paix avec la nourriture, ça libère la tête ! Et puis après, il faut essayer de trouver une activité dans laquelle on a plaisir à se dépenser. Parce que si on se dépense, on peut vraiment rebooster son organisme.
J’insiste beaucoup sur le message à faire passer aux Boomeuses : dites à vos filles de ne pas faire de régime. Ne commencez pas le premier régime. Parce qu’après, c’est un terrible engrenage.
Faire un régime, cela veut dire contrôler son alimentation et laisser la tête décider. Or, il faut faire confiance à son corps.
Propos recueillis par Arielle Granat
La gourmandise ne fait pas grossir, Ariane Grumbach
Editions carnetsnord, 13 €
3 commentaires
Nous suivons son blog depuis très longtemps. Elle a un « bon sens » par rapport à l’alimentation et ne tombe pas dans l’hystérie des régimes…
Oui, en effet, elle a un discours que je trouve vraiment intéressant par rapport à son appétit et pourquoi, parfois (ou souvent) on mange trop.
Je partage entièrement le constat d’Arielle Grumbach lorsque j’observe et écoute mes patientes. Mais comme elles sont nombreuses celles qui ont perdu la sensation naturelle de la faim et de la satiété !