Nathalie Bader est la fondatrice de Maison Chandelier, une superbe marque de bougies inspirée du potager de son enfance. Je vous avais déjà parlé de cette pépite dénichée au Bon Marché, pour laquelle j’avais eu un véritable coup de cœur. Rencontre avec sa fondatrice, une Boomeuse au parcours impressionnant entre luxe, beauté et création parfumée.
Nathalie, racontez-nous comment est née Maison Chandelier ?
Nathalie Bader : Maison Chandelier est un tout jeune bébé, né en février 2025. Je l’ai fondée après une longue carrière au sein de grands groupes, sur de magnifiques marques portées par de vastes organisations. À un moment, l’envie s’est imposée : celle de me lancer dans un projet qui me ressemble, qui raconte quelque chose de personnel et qui reflète tout ce que j’ai appris au fil de ces nombreuses années d’expérience.
Et pourquoi une marque de bougies ?
Je me suis d’abord interrogée sur les cosmétiques, puisque j’ai passé une grande partie de ma carrière dans cet univers. Mais très vite, j’ai réalisé que le marché y était extrêmement encombré. Certes, on peut avoir l’impression que celui des bougies l’est aussi… Pourtant, quand on regarde de près, les marques de bougies véritablement fortes, identitaires, haut de gamme, ne sont pas si nombreuses. On y trouve quelques grands noms comme Diptyque, Trudon ou Baobab, puis beaucoup de bougies développées par des marques qui le font en complément sans que cela soit leur coeur de métier.
Mais au fond je ne me suis pas tant préoccupée de la taille ou de la saturation du marché. Je trouvais que la bougie était un support merveilleux pour raconter l’histoire de ce potager de mon enfance. Parce que tout le monde se retrouve avec ces fragrances. Soit on a grandi avec un potager, soit on n’a pas eu la chance d’en avoir un… mais on l’a rêvé.
Et comment avez-vous réussi à retranscrire si fidèlement les odeurs du potager ?
Nathalie Bader : J’ai eu la chance d’avoir accès à des parfumeurs travaillant dans l’univers du luxe. Sur les sept fragrances de la marque, six ont été imaginées en collaboration avec Domitille Michalon-Bertier, parfumeuse de renom. La bougie Tomate, elle, a été confiée à Vanina Manchion. J’avais une vision extrêmement précise des odeurs que je voulais créer — des parfums qui racontent réellement mon enfance, les petits pois qu’on écosse, la tarte à la rhubarbe de ma grand-mère…
Je voulais des notes relativement simples et courtes, surtout pas trop complexes. On sait qu’une bougie, lorsqu’elle brûle, peut devenir nocive si la composition parfumée est trop élaborée : cela signifie qu’une multitude de molécules se consument en même temps. La qualité du parfum est tout aussi déterminante. Si la fragrance est trop “cheap” ou, au contraire, trop complexe, elle peut libérer des émanations peu souhaitables en brûlant. La nocivité d’une bougie dépend directement de la qualité des ingrédients utilisés. Chez Maison Chandelier, nous travaillons avec une cire de très haute qualité, un mélange parfaitement maîtrisé de cires minérales et végétales. La mèche joue aussi un rôle essentiel : elle doit être en coton non traité, car le moindre traitement peut provoquer des émanations indésirables à la combustion. Je tenais vraiment à créer un produit de luxe, fabriqué en France, avec une exigence irréprochable. Mes bougies sont produites chez un cirier près de Toulouse, un artisan qui exerce depuis plus de trente ans et qui réalise également celles de grandes maisons comme Dior.
Depuis vous avez élargi votre potager avec un nouvelle fragrance, la noisette ?
Dans mon potager, qui se trouvait dans l’Est de la France — je suis franc‑comtoise née à Belfort — il y avait énormément de noisetiers. Ramasser les noisettes faisait partie de mon quotidien d’enfant, et c’était intimement lié à la terre autour de la maison. Avec Maison Chandelier, j’ai voulu créer quelque chose qui éveille des souvenirs et des émotions. Que les gens, en sentant mes bougies, se rappellent leur grand-mère préparant la compote ou le figuier du jardin de leur grand-père… Au fond, mon objectif était simple : faire renaître ces instants précieux, ces sensations enfouies dans la mémoire, à travers une fragrance.
Oui, il se dégage quelque chose de vos bougies, même pour ceux qui n’ont pas grandi avec un potager. Comment faites‑vous pour créer cette magie ?
Oui, il se passe vraiment quelque chose. Cela tient aussi à la qualité des senteurs et à leur concentration : je suis à 12 % de parfum, ce qui est très élevé. C’est d’ailleurs ce qui confère à mes bougies leur dimension luxe… et explique aussi leur prix. Et puis, il y a le packaging. Je ne voulais surtout pas d’une bougie emballée dans du cellophane, avec couches de carton, calages et brochures inutiles.
J’avais envie d’un objet qui continue à vivre : que le verre puisse être réutilisé en photophore ou en petit vase. Même la boîte en carton, je l’ai pensée pour qu’elle serve à quelque chose — dans une cuisine, par exemple, pour ranger les petites bougies d’anniversaire entamées, les bouchons, toutes ces bricoles auxquelles on ne sait jamais donner une place.
Vos projets pour Maison Chandelier ?
L’idée est de lancer une nouvelle fragrance au printemps et une autre à l’automne. Les bougies suivront ainsi leur petit bonhomme de chemin au rythme des saisons, car un potager, finalement, c’est avant tout une histoire de cycles. Mais je ne m’arrête pas là : j’ai également développé une gamme de produits parfumés pour la maison. J’ai récemment lancé un liquide vaisselle à la feuille de cassis ainsi qu’un savon pour les mains à la feuille de tomate, réalisés avec une très belle formule et fabriqués près de Marseille, chez l’un des trois derniers véritables producteurs de savon en France. Et également un soin parfumant à la figue, en grand format (500 ml), destiné au linge — à utiliser directement dans la machine, en alternative à l’adoucissant traditionnel et un spray d’intérieur à la rhubarbe est en préparation, pour parfumer délicatement les pièces de la maison d’une touche à la fois légère et gourmande.
Et au niveau de la distribution où êtes vous vendus ?
Nathalie Bader : Je suis vendue au Bon Marché, dans certains Printemps en France et à celui de New York, ainsi que sur mon site Internet.
Ouvrir ma distribution est un vrai défi. J’ai mis en place une logistique très professionnelle, car lancer une marque ne se résume pas à avoir des idées : c’est aussi un travail opérationnel intense. Je suis ravie d’avoir un nouveau partenaire, ce qui va m’aider à accompagner la croissance. Déjà, des grands magasins suisses et plusieurs chaînes françaises de décoration m’ont contactée…
Parlez-nous de votre parcours avant Maison Chandelier ?
J’ai passé 11 ans chez Chanel, d’abord à la beauté, en charge du maquillage, puis au marketing opérationnel pour l’Europe. Ensuite, j’ai rejoint LVMH, où j’ai piloté le repositionnement de Sephora.
Après cela, j’ai pris la direction de la France pour Prada, Miu Miu et Church. C’était un vrai travail de développement de réseaux et de retail, exigeant et extrêmement formateur dans l’univers de la mode.
Puis Clarins,une maison que j’adore, m’a recrutée pour revenir dans la beauté. Ce que j’aime par-dessus tout, et ce qui a guidé ma carrière, c’est travailler sur les marques.
En 2019, j’ai quitté Clarins avec l’idée de racheter une marque. J’ai eu “la chance” de rater ce rachat, trois mois avant le Covid. Mais ce hasard m’a ouvert une autre porte : un chasseur de tête m’a mise en contact avec le Ritz à Paris, où j’ai cumulé une double casquette — membre du conseil d’administration et responsable du développement de tous les nouveaux concepts : pâtisserie avec le chef François Perret, nouveau bar, restaurant gastronomique, spa… et même des produits, notamment des bougies.
J’ai adoré cette expérience, intense et rapide, même en pleine pandémie. Elle a duré un peu plus de trois ans, jusqu’à ce que ma mission se termine.
Après quelques missions de conseil marketing, j’ai compris que plutôt que de racheter une marque, je pouvais en créer une moi-même. C’est ainsi qu’est née Maison Chandelier.
Chandelier, c’est le nom du jardinier qui s’occupait du potager de mon enfance. Et je me suis dit que s’appeler Chandelier pour faire des bougies, c’était plutôt un signe.
En parallèle de Maison Chandelier, qui occupe aujourd’hui environ 80 % de mon temps, je continue à conseiller de très belles marques et à siéger dans certains conseils d’administration.
C’est une autre manière d’apprendre car la vie est trop courte et ce qui me motive, c’est l’apprentissage. En lançant Maison Chandelier, j’apprends chaque jour des choses que je n’avais jamais expérimentées auparavant. C’est également une manière de profiter pleinement de la vie et de ne pas rester enfermée dans une seule case — ce que je déteste profondément.
Avez-vous des conseils aux femmes qui veulent se lancer après une carrière de salariée dans l’entrepreneuriat ?
La question de savoir si l’on est fondamentalement un entrepreneur est une question clé, à laquelle il faut répondre honnêtement, car ce n’est absolument pas un jugement de valeur.
Lorsque l’on a travaillé longtemps dans de grandes entreprises, on s’est forgé de vraies compétences : on a piloté des équipes, pensé stratégie, mené des projets d’envergure. Mais entreprendre, c’est une autre aventure qui demande un état d’esprit différent, une capacité à naviguer dans l’incertitude et à porter un projet de bout en bout.
Il faut aussi ne pas avoir peur de mettre les mains à la pâte. Le premier conseil que je donnnerai est de se poser vraiment la question de l’entreprenariat.
On peut rêver de créer son entreprise pour être libre, mais le quotidien d’un entrepreneur c’est aussi d’aller livrer les colis, coller soi -même les étiquettes et en même temps, avoir la vision stratégique, surtout au début.
Le deuxième conseil, c’est de suivre votre instinct et votre cœur. Quand on quitte de grandes organisations où beaucoup de choses sont imposées, autant se diriger vers ce qui nous plaît vraiment. Il ne faut surtout pas se dire : « La tendance est aux objets connectés, donc je vais faire un objet connecté », si vous n’êtes pas passionné par ce sujet. C’est le meilleur moyen de se planter. Être entrepreneur, c’est y penser 24 heures sur 24. La nuit aussi, j’y pense — et je ne rêve pas uniquement de balades dans le potager, mais parfois de problèmes de codes-barres ! Alors autant consacrer cette énergie à un projet que vous aimez profondément, et que vous aurez plaisir à raconter.
Peut on parler d’une nouvelle vie ?
Non, je préfère parler d’évolution. La vie a beaucoup d’imagination et nous offre des opportunités, des portes qui s’ouvrent que vous avez envie de partir explorer ou pas. Ce n’est pas une nouvelle vie mais une autre façon de travailler.
Aujourd’hui avoir 50 ou 60 ans cela signifie quoi ?
Evidemment, il y a plein de trucs pas très agréables, mais cela signifie aussi avoir l’expérience, savoir ce qui vous va, ce qui vous plaît ou pas, savoir mieux décider de ses choix. Avoir 50 ans, c’est une formidable opportunité, surtout aujourd’hui !
Vous avez évolué dans le domaine de la beauté, avez-vous des conseils ?
Je me suis toujours beaucoup occupée de ma peau Quel que soient les produits utilisés, la régularité est essentielle : nettoyage tous les soirs, même si on rentre à 4 heures du matin (ce qui devient rare), sérum et crème de nuit et le matin, nettoyage, sérum, crème et maquillage, gommage et crème pour le corps. Je suis aussi une adepte des peelings chez le dermato pour une belle peau.
Et aussi, se bouger, se bouger les fesses, même quand on n’en a pas envie car c’est capital !
Nathalie, c’est quoi être une Boomeuse ?
Une Boomeuse, c’est quelqu’un qui connaît ses forces et ses faiblesses, et qui n’en fait pas un problème.
C’est une femme qui doit avoir l’opportunité de faire les bons choix, que ce soit rester dans son job ou oser en changer. C’est aussi celle qui assume ses décisions, prend des initiatives et veille à son bien-être physique. Car, en réalité, quand on se sent bien dans son corps et dans sa peau, on se sent déjà bien dans sa vie.
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Arielle Granat
Photo @Cécile Gabriel
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