Une cour d’assises, un délibéré. Pendant l’attente du verdict, une femme nous raconte ce qui l’a conduite à être jugée. Parallèlement, on suit le délibéré avec le président, ses deux assesseurs et les six jurés.
La mise en scène inventive de Stéphane Hillel permet de passer de l’un à l’autre avec intelligence et nous tient en haleine jusqu’au bout. Et l’on est comme l’accusée, dans l’attente de ce verdict qui ne sera pas si simple à rendre.
Car Mathilde Collignon est coupable de s’être vengée après un viol. Lisa Martino, qui l’incarne, est particulièrement intense dans ce rôle puissant et beau de femme révoltée, qui ne veut ni subir ni être victime.
La question qui se pose alors aux jurés est complexe. Et permet d’aborder avec finesse la situation juridique des femmes violées en France, avec un chiffre qui fait froid dans le dos : une femme sur huit est violée.
Une pièce inspirée d’un fait divers
La pièce adaptée du roman à succès de Mathieu Menegaux montre aussi les préjugés qui existent encore sur la notion de viol et de consentement. Ne l’a t’elle pas cherché ? Est-ce si terrible d’être violée, au point de se faire vengeance soi-même ? Pourquoi la police et la justice sont elles si souvent incapables d’entendre la parole des femmes et de punir les violeurs ?
Pourquoi, encore aujourd’hui, trop de femmes préfèrent-elles garder le silence plutôt que de porter plainte ?
Peut-on se faire justice soi-même ?
Durant 1h30, on est plongé au cœur de cette salle de délibération (se demandant comment l’on voterait) et l’on se dit que la justice a encore bien du chemin à faire.
La galerie de portraits des jurés et des juges est très bien brossée. De l’homme macho qui pense qu’une femme qui aime le sexe l’a bien cherché, à celui qui au contraire la défend, de la femme coincée qui n’aime pas les femmes libres à celle de la génération #MeeToo, prête à défendre bec et ongles le droit des femmes.
Chez les juges, le président de la cour d’assises, admirablement joué par Gilles Kneusé, se définit raide comme la justice et fait prévaloir le droit sans laisser part à ses sentiments. Le jeune assesseur, tout juste sorti de l’Ecole de la magistrature, imbu de lui-même et foncièrement tête à claque, se présente comme incollable sur le droit mais ne fait preuve d’aucune empathie. Quant à la juge d’instruction, elle tente d’être la plus juste possible et balance entre son statut de femme et de juge.
Autour de dialogues ciselés, on navigue entre drame, suspense et comédie, certains échanges entre les jurés et le président déclenchant l’hilarité de la salle. Une pièce autour d’un sujet grave, qui fait réfléchir, mais surtout un très beau moment de théâtre porté par une magnifique troupe d’acteurs et d’actrices.
Courez-y !
Femmes en colère de Mathieu Menegaux et Pierre-Alain Leleu
Mise en scène, Stéphane Hillel
Avec Lisa Martino, Gilles Kneusé, Hugo Lebreton, Nathalie Boutefeu, Fabrice de la Villehervé, Sophie Artur, Clément Koch, Magali Lange , Aude Thirion et Béatrice Michel.
Théâtre de la Pépinière
7 Rue Louis le Grand 75002 Paris
Réservations au 01 42 61 44 16
Jusqu’au 1er avril
Du mardi au samedi à 21h, matinée samedi 16h.
Photos ©François Fonty