Rien de tel qu’un voyage immobile pour rêver et faire un tour du monde, sans quitter son canapé. Telle est la proposition du livre de Jean-Luc Grzeskowiak et Pascal Delannoy, tout en couleurs et en écrits, qui nous balade de Singapour à Marseille, en passant par New York, Londres, Mexico, Samarcande…
On croit tout connaître de ces villes pour y être allé, pour avoir vu un reportage à la télévision, ou s’y rendre un jour, peut-être, en consultant un dépliant ou un site. Et pourtant les deux complices, Pascal Delannoy, correspondant à l’étranger pour Radio France et ex-directeur de France Info, et Jean-Luc Grzeskowiak, photographe et producteur radio, y trouvent encore des pépites.
Hors des clichés baignés de soleil, bénis par la Méditerranée, l’Atlantique ou le Pacifique, on apprend que Marseille compte 111 quartiers, des sources d’eau chaude au Roucas blanc et des dizaines d’accents chantants. Que des tremblements sismiques ou culturels agitent Mexico depuis des décennies. Et que Lisbonne, mère tranquille, nous charme encore en douceur au son du fado.
L’Oscar du meilleur rêve est attribué à Los Angeles, qui nous offre son cinéma permanent, ses corps bodybuildés, ses étoiles d’Hollywood, ou celles qui clignotent dans la nuit au-dessus de la mer ou des interminables boulevards.
Si loin de Samarcande « l’éblouissante », au cœur de l’Ouzbékistan. Une sorte de ville éternelle, labellisée par l’Unesco pour incarner « le carrefour des cultures du monde entier ». Justement les écrits de Marco Polo nous y attirent. Mais savez-vous que ce grand voyageur n’y a jamais mis les pieds ? Il n’a fait que reproduire les récits de son père qui vacillait d’étonnement en arpentant ses rues et ses quartiers de mosaïques, la place du Registan ou le marché Siyob du nom de la rivière qui le traverse. Une histoire « monumentale », une route de la soie où sont passés des Grecs, des Arabes, des Turcs, des Chinois et des Russes.
Dans ce dédale de photos, de lumières et de mots, le livre nous offre aussi la « coolitude » d’Oslo la norvégienne, où l’on peut déambuler dans des parcs avec un petit réchaud pour faire griller quelques saucisses, et admirer les 17 kilomètres de son fjord. « Le cri » de Munch installé dans son musée du même nom et la « maison » du Prix Nobel de la Paix sont des petites haltes qui valent le détour.
Dubaï est ouverte au ciel, ses buildings sont impressionnants, tandis que Shangaï est « ouverte au monde » et à la jeunesse chinoise.
Et l’éternelle Venise, ruine somptueuse, qui croule et suffoque avec la pollution du surtourisme, tout en gardant sa puissance évocatrice.
Mais…Surprise ! Emplis des beautés récoltées lors de leurs voyages, les deux journalistes reviennent « à la maison ». Ils regardent vers le Grand Paris, sous la férule de ses architectes Jacques Ferrier et Pauline Marchetti. Eux, inspirés par Shangaï, veulent nous entraîner de l’autre côté du périphérique, créer de nouveaux territoires et bâtir d’autres centres de vie. Promis c’est pour bientôt !
Autrement dit le voyage est autorisé et même recommandé dans ce monde de brutes en folie. Courage, fuyons !
Oui, ce livre est un cadeau raisonnable pour les fêtes qui exhibent leurs guirlandes et leurs cotillons. Comme des petites touches de beauté à picorer ou à savourer tranquillement. Ou, qui sait, à ranger dans la valise, la veille d’un départ vers ailleurs.
De Venise à Shangai
De Jean-Luc Grzeskowiak et Pascal Delannoy
Editions du Puits Fleuri, 25 €.
Minou Azoulai