Théâtre Les gémeaux parisiens-Richard III-William Mesguich

Richard III : William Mesguich dans la peau du monstre shakespearien

par Anne Bourgeois

Richard III est l’un des monuments de Shakespeare, un rôle démesuré, presque inhumain. Avec cette mise en scène signée William Mesguich, qui endosse aussi le rôle du roi maudit, la pièce retrouve sa force première : cracher la violence, sonder les entrailles du pouvoir et nous tendre un miroir troublant de notre époque.

Un Richard III cabossé et hypnotique

William Mesguich a choisi d’habiter Richard III par la fêlure et la difformité. Sa voix, rugueuse et éraillée, traduit cette cassure qui, tour à tour, charme ou tue. Son visage blême, ses yeux bleus qui transpercent, son corps difforme et jusqu’aux détails de son costume gothique : tout contribue à en faire un être à la fois dérangeant et hypnotique. On pense à un personnage de Tim Burton, Sweeney Todd, inquiétant et tragique, capable d’arracher un rire grinçant avant de nous plonger dans l’effroi.
Son Richard III condense les frustrations des humiliés et des rejetés qui basculent dans la cruauté et la destruction, reflet de notre époque où la haine se répand sur la toile et dans la rue. La mise en scène, d’une esthétique baroque et obscure, nous  entraîne dans une fresque violente, peuplée de fantômes, de trahisons et de cadavres.

La prouesse est aussi collective : huit comédiens incarnent vingt-cinq figures sans jamais nous perdre. Ils composent une troupe soudée, habitée, entièrement dédiée au texte.
Les femmes y sont remarquables : Lady Anne, toute en rage contenue, contrainte d’épouser l’assassin de son mari et de son beau-père ; Lady Élisabeth, figure de dignité tragique, réduite à marchander l’avenir de ses enfants avec un monstre cynique. Elles incarnent toutes ces héroïnes shakespeariennes : victimes, humiliées, sacrifiées sur l’autel du pouvoir masculin. Et pourtant, elles tiennent tête, elles résistent, elles existent pleinement sur scène.

Une mise en scène crépusculaire

La sobriété est ici une arme. Pas de grands décors, mais une atmosphère d’ombres. Les costumes noirs dessinent des silhouettes fantomatiques. Les lumières sculptent des clairs-obscurs qui rappellent les toiles de Soulages : l’outre-noir comme écho de la psyché humaine. Chaque tableau plonge dans un univers de désolation.

La musique, lancinante, enveloppe le plateau d’une tension continue. Quelques images vidéo prolongent cette plongée dans l’abîme. Tout concourt à donner l’impression d’assister au crépuscule des hommes – plus que des dieux.

Théâtre Les gémeaux parisiens-Richard III

Théâtre Les gémeaux parisiens-Richard III

Shakespeare, prophète de notre temps

Au-delà de la guerre des Deux-Roses, Richard III résonne étrangement avec notre époque. Cet être humilié, difforme, qui prend sa revanche en écrasant tout sur son passage, fait écho à certains leaders contemporains. Comment ne pas voir en lui un reflet de figures grimaçantes, de Trump à Poutine, prêtes à tout pour régner, quitte à sacrifier leur peuple ?

Mais c’est aussi une pièce sur la violence faite aux femmes : veuves contraintes, mères brisées, princesses offertes comme monnaie d’échange. Shakespeare montre
à quel point elles paient le prix du pouvoir masculin. Et cette résonance, en 2025, nous interpelle toujours.

Pourquoi il faut aller voir ce Richard III

Parce qu’on n’en ressort pas indemne. Parce qu’on croit connaître Shakespeare, mais qu’on redécouvre toujours son génie, sa langue, sa lucidité.
« Ô miracle, entendre les démons dire la vérité ! Plus grand miracle encore, voir les anges si furieux ! » Une expérience rare, sombre et puissante, qui nous renvoie à nos propres zones d’ombre.

 

Mise en scène et création lumières : William Mesguich
Avec : Oscar Clark, Xavier Clion, Madeline Fortumeau, Alain Guillo ou Xavier Girard,
William Mesguich, Betty Pelissou, Nadège Perrier, Thibault Pinson ou Jean-Matthieu
Hulin.

​Théâtre des Gémeaux Parisiens
15 rue du Retrait 
75020 Paris
Tél: 01 87 446 111
Jusqu'au 23 décembre,le mardi à 20h30​

Anne Bourgeois

Crédit photos@Christophe Crénel

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