théâtre. les marchands d'étoiles

Les marchands d’étoiles au Théâtre du Splendid, du rire aux larmes

par Arielle Granat

« Les marchands détoiles » nous entraîne un soir d‘inventaire dans la boutique d‘un marchand de tissus, au sein de Paris sous l’Occupation. Admirablement ficelée et portée par six comédiens enthousiasmants, la pièce d‘Anthony Michineau qui a triomphé en 2023 à Avignon se joue au Théâtre du Splendid.

Le ton est donné d‘entrée lorsque le spectateur s’installe dans la mythique salle du Splendid, qui a vu sur ses planches la troupe éponyme et son « Papy fait de la résistance ». La voix de Maurice Chevalier entonne « Prosper », puis celle de Berthe Sylva « Frou-Frou », le décor est déjà planté tandis que les comédiens s’affairent sur scène, mesurant des rouleaux de tissus. Une voix de speaker façon Radio Paris annonce que tout auteur de captation sera livré à la Gestapo. On rit. Et ce n’est qu’un début, malgré la noirceur du sujet.

Pourquoi « Les marchands détoiles » ? Anthony Michineau s’est inspiré de l’histoire d‘une fabrique de tissus parisienne, Barbet-Massin-Popelin, qui fit fortune sous l’Occupation en produisant et découpant les étoiles jaunes que les Juifs français et étrangers avaient pour obligation de porter en public à partir de mai 1942, pour créer l’univers des Martineau, ce couple qui tient une affaire particulièrement prospère « grâce aux juifs », comme le dit Raymond Martineau.

Une pièce intelligente, sensible et drôle

L’inventaire débute alors que la nuit tombe, soudain des coups de feu retentissent dans la rue, des cris, des hurlements. Au sein de la boutique en entresol, c’est la panique. Le patron, son épouse, sa fille et leurs deux employés voient débarquer Marcel, un milicien veule et cruel, qui vient leur annoncer fièrement qu’il a abattu un juif.

On ne vous dévoilera pas la suite de l’intrigue, qui tient les spectateurs en haleine jusqu’à la fin de la pièce, admirablement interprétée par six comédiens qui se régalent sur scène.

les marchands d'étoiles

Mention spéciale d‘abord à Guillaume Bouchède, qu’on avait récemment admiré dans « Je m’appelle Asher Lev ». Originaire de Marseille, le comédien trouve ici un rôle en or avec le personnage pagnolesque de Raymond Martineau.
Patron de l’affaire, bourru à souhait et empli de tendresse pour son épouse (l’excellente Stéphanie Caillol) et sa fille Paulette (Axelle Dodier, parfaite en jeune première pétulante). A ses côtés, Anthony Michineau incarne subtilement Louis, l’employé qui se rêvait instituteur, tandis que Julien Crampon est Joseph, le second employé de la boutique, tout en charme (et absolument hilarant dans une scène mémorable, qui fait se tordre de rire le public). Enfin, dans le rôle du collabo Marcel, saluons la performance de Nicolas Martinez, parfaitement ignoble et glaçant.

Avec « Les marchands détoiles », Anthony Michineau réussit à captiver les spectateurs, à les émouvoir, les amuser et les faire réfléchir. Comment se serait-on comporté dans les circonstances dramatiques vécues par ses personnages ? Héros ou lâche, indifférent ou courageux…

L’ensemble est écrit avec intelligence et beaucoup de sensibilité, d‘humour aussi. La mise en scène subtile et efficace de Julien Alluguette contribue à la réussite du spectacle. Du vrai théâtre populaire, à ne pas manquer !

 

Les marchands d'étoiles
Théâtre du Splendid
48 rue du Faubourg Saint-Martin
75010 Paris
Du mercredi au samedi à 21h,
matinées le samedi à 16h30 et le dimanche à 17h.
Jusqu'au 5 janvier 2025

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