En psychanalyse Lacanienne, « LaLalangue » est le nom donné au « dictionnaire familial », cet ensemble de mots qui ne veut dire quelque chose que pour une famille donnée, explique l’auteure et comédienne Frédérique Voruz dans la note d’intention de son fabuleux seule en scène, qui se joue actuellement au Théâtre du Rond Point à Paris.
Ce conte-règlement de comptes familial subtilement mis en scène par Simon Abkarian, avec lequel la comédienne a collaboré au sein de la troupe du Théâtre du Soleil, nous plonge au coeur d’une famille régentée par une mère-ogre, amputée d’une jambe à la suite d’un accident d’alpinisme alors qu’elle est enceinte de jumeaux, qu’elle perdra par la suite. De son lit d’hôpital, elle dit « Je me vengerai sur les enfants ». La fratrie en comptera sept.
Adepte d’aphorismes, cette mère qui se mure dans le catholicisme le plus puritain aurait bien pu énoncer « la vengeance est un plat qui se mange froid ». La petite Frédérique avalera tant de couleuvres dans son enfance, narrée avec une férocité sans bornes et un humour ravageur, qu’on se demande comment elle réussira à en sortir indemne.
La psychanalyse et le théâtre comme bouée de sauvetage
La psychanalyse et le théâtre seront ses bouées de sauvetage. La première, incarnée par le personnage hilarant de sa psy, figure récurrente du spectacle, ponctue chaque séance d’analyse en écrasant sa clope à la façon d’un marteau de commissaire-priseur en fin d’enchère. Le second, ce sont ces planches, de salut, la puissance de l’imaginaire et la magie du regard des autres, dont la comédienne se fait admirablement fait le miroir.
Frédérique Voruz envoûte littéralement le public, conquis par son jeu protéiforme, ses métamorphoses inouïes et son élégance sur les planches, incarnant avec maestria cette famille hors-norme et les personnages grotesques qui l’entoure. Contrairement aux apparences, ce n’est pas « Affreux, sales et méchants », mais une bouleversante déclaration d’amour à une mère dévorante, qui rêvait d’un autre monde, aux sommets des montagnes.
Enfin, saluons le talent de chanteuse de Frédérique Voruz (mention spéciale à sa tordante interprétation du thème de Titanic par Céline Dion !), qui nous a permis de découvrir Jean-Claude Gianadda, auteur de l’ineffable chanson chrétienne « Un ami pour inventer la route ». On ne la remerciera jamais assez pour cela.
Lalalangue, cette « confession héroïque » selon les termes d’Ariane Mnouchkine, vous fera rire aux larmes. Ne vous en privez surtout pas.
Lalalangue, Prenez et mangez en tous
Écriture et interprétation : Frédérique Voruz
Mise en scène : Simon Abkarian
Théâtre du Rond-Point
2bis avenue Franklin D. Roosevelt Paris 8e
Jusqu’au 27 novembre à 20h30