Sur la scène du Théâtre des Bouffes Parisiens, Alain Françon met en scène l’unique pièce du Prix Nobel de littérature Claude Simon, portée par un casting de rêve, Catherine Hiegel et Léa Drucker en tête d’affiche.
La pièce, issue de son roman L’herbe (1958), fut créée en 1963 sur la petite scène du Théâtre de Lutèce, aujourd’hui disparu. Depuis, ce texte sublime, faussement boulevardier, n’avait plus été joué, et c’est un privilège de le découvrir aujourd’hui dans la très belle mise en scène d’Alain Françon, qui en révèle toutes les subtilités.
Sur la scène du Théâtre des Bouffes Parisiens – où Catherine Hiegel fit ses débuts voilà soixante ans – le décor est divisé en deux. Séparés par une cloison, deux cabinets de toilette. D’un côté, les parents, Sabine (Catherine Hiegel) et Pierre (Alain Libolt), de l’autre leurs fils et belle-fille, Georges (Pierre-François Garel) et Louise (Léa Drucker). Chacun attend la fin d’une vieille tante, la sœur de Pierre, que l’on ne verra jamais, veillée par une vieille infirmière bossue au visage d’une blancheur cadavérique (Catherine Ferran).
La séparation, une superbe mise en scène
La séparation, c’est d’un côté celle du jeune couple sur le point de rompre, de l’autre celle du vieux couple dont le mari, volage, veut faire chambre à part, tandis que sa femme, obsédée par la perte d’une émeraude, tâte allègrement de la bouteille. L’acte 1 se déroule dans la chambre de Georges et Louise, l’acte 2 dans celle de Sabine et Pierre.
La « Grande » Catherine Hiegel fascine ici encore, oscillant entre émotion et burlesque, coiffée d’une improbable perruque rousse, finissant sur scène en nuisette verte, la flasque de cognac à la main telle une Blanche DuBois délirante et pathétique. Léa Drucker, qui n’était pas montée sur scène depuis La Dame de chez Maxim en 2019, s’impose dans un registre subtil où tendresse, culpabilité et silences contrastent face à l’exubérance de Catherine Hiegel.
A leurs côtés, Pierre-François Garel compose un Georges intense, à la fois traumatisé par la guerre et par sa mère. Alain Libolt, méconnaissable et génial dans le rôle de Pierre, tout en rondeurs, et Catherine Ferran dont les apparitions glacent, sont au diapason d’une distribution magistrale.
Avec La séparation, Alain Françon nous offre, comme à son habitude, du très grand théâtre, exigeant et vertigineux, au service du texte, des comédiens, et du public.
La séparation
De Claude Simon
Mise en scène Alain Françon
Avec Catherine Hiegel, Léa Drucker, Pierre-François Garel, Alain Libolt et Catherine Ferran
Théâtre des Bouffes Parisiens
4 Rue Monsigny
75002 Paris
01 42 96 92 32
Jusqu’au 29 novembre
Du mercredi au vendredi 20h.
Samedi 20h30. Dimanche 16h.
De 13€ à 46€ (selon catégorie)
Photo@ Jean-Louis Fernandez
Arielle Granat
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