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Jean-Jacques Vanier, virtuose de La Contrebasse de Patrick Süskind, au Lucernaire

par Arielle Granat

Vous avez sans doute, comme plus de vingt millions de lecteurs découvert l’écrivain allemand Patrick Süskind avec son premier roman Le Parfum, publié en 1986. Auteur rare, dans tous les sens du terme, il écrivit une unique pièce, La Contrebasse, créée en France par Jacques Villeret en 1991, puis reprise en 2015 par Clovis Cornillac.

Place aujourd’hui à l’extraordinaire et également trop rare Jean-Jacques Vanier, que l’on retrouve avec un plaisir infini sur la scène du Lucernaire face à l’imposant instrument, dans ce superbe texte, grinçant, émouvant et hilarant.

Nul besoin d’être mélomane pour être touché par La Contrebasse, même si les fans de musique classique s’esclafferont sur les saillies à l’encontre de Wagner et Mozart, qui en prennent ici pour leur grade. L’instrument – et la musique – reste un prétexte, accessoire parabole de toutes les frustrations d’une vie. Celle de ce musicien membre de « L’orchestre national », dont la relation avec son embarrassant instrument exprime toutes les souffrances d’une existence aigrie, emplie de solitude. Qu’il noie, sous prétexte de « déshydratation », à coups de canettes de bière, dont son frigo est rempli.

La Contrebasse,  un texte grinçant, émouvant et hilarant

Jean-Jacques Vanier offre ici une véritable performance, bouleversante et burlesque, profondément humaine, dans une parfaite mise en scène de Gil Galliot.

Au sein de son petit salon suranné – et insonorisé – où trône l’instrument, le comédien installe son monologue entre bières sifflées dans son vieux fauteuil, démonstration de sa technique musicale à l’archet et écoutes sur un antique tourne-disques de ses vinyles de prédilection (Mendelssohn, ou encore le quintette La Truite, de Schubert, l’oeuvre qu’il rêve d’interpréter) et de ceux des compositeurs qu’il méprise, dont les pochettes parsèment la scène.

Allégorie de la solitude face au collectif, incarné par l’orchestre symphonique et sa hiérarchie entre stars (le chef, le premier violon…) et « petites mains », ce « fonctionnaire » de la musique pourrait tout aussi bien être un modeste employé de bureau, méprisé par ses pairs.

Jean-Jacques Vanier apporte toute sa folie au personnage, magnifiant ses fantasmes amoureux avec une jeune soprano, alternant moments d’intense comique, de délires et de cruauté.

Ici, contrairement à l’adage, la musique n’adoucit pas les mœurs. Mais elle nous offre un moment de théâtre jubilatoire.

 

 La Contrebasse de Patrick Süskind
Lucernaire
53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris
Du mardi au samedi à 19h  et le dimanche à 16h
jusqu’au 5 novembre

 

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