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Elliott Erwitt, l’expo photo de l’année au musée Maillol

par Arielle Granat

La rétrospective Elliot Erwitt au musée Maillol de Paris est sans aucun doute l’événement majeur de l’année pour tous les amateurs de photo. Si l’on connaît ses clichés les plus célèbres, cette exposition très exhaustive offre au visiteur une vision remarquable de l’oeuvre de ce maître du photojournalisme, bientôt 95 ans et près de 600 000 négatifs au compteur, qui ne s’est jamais vraiment pris au sérieux.

On aurait pu titrer cet article « une expo qui a du chien ! », auxquels Elliott Erwitt a consacré deux extraordinaires livres, illustrant admirablement l’adage « tel maître, tel chien », voire l’inverse. L’humour acéré du photographe s’exprime à merveille lorsqu’il photographie ces animaux, lors de concours canins ou aux côtés de modèles pour des publicités, notant avec malice lorsqu’on lui posait la question de son appétence pour la gent canine devant son objectif, que les chiens, eux, « ne se plaignent pas et ne demandent pas de tirages ».

Mais Erwitt aime aussi profondément les humains. Comme ses confrères Doisneau et autres géants de l’agence Magnum, dont il fut l’un des piliers, Elliott Erwitt est l’un des grands de la photo « humaniste », à l’image des tirages en noir et blanc, son mode d’expression favori, que l’on découvre ou redécouvre au cours de l’exposition.

Fils unique de juifs russes, il naît à Paris en 1928 avant que la famille ne s’installe à Milan, puis revienne dans la capitale française en 1938, pensant échapper aux lois raciales qui sévissent alors sous le régime mussolinien. Pressentant l’imminence de la guerre en Europe, ils embarquent pour New York en 1939, avant de se rendre à Los Angeles. Le couple divorcera quelques années plus tard, laissant Elliot, adolescent, seul à L.A.

Il trouve un emploi de tireur dans un laboratoire, termine ses études secondaires puis retourne à New York en 1948. Il y fera une rencontre déterminante avec Robert Capa, qui le prend sous son aile et l’intègre à la coopérative Magnum qu’il vient de fonder avec Cartier-Bresson, et qui va très vite devenir la Mecque du photojournalisme. Capa meurt en reportage en Indochine, en 1954. On retrouve au musée Maillol la photo poignante de la mère de Capa effondrée sur la tombe de son fils, qu’Erwitt prît lors de l’enterrement de son ami.

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Exposition Eliott Erwitt au Musée Maillol. Photos@Magnum

 

Eliott Erwitt l’expo photo à ne pas manquer

Du début des années Magnum jusqu’aux années 2000, Erwitt a parcouru les Etats-Unis et le monde, équipé des ses deux appareils favoris, un Leica M4-2 et un Rolleiflex. Des dizaines de milliers de photos réalisées par Erwitt, entre commandes, reportages et travaux personnels, les curateurs de l’exposition en ont retenu 220, souvent emplies d’humour, toujours empathiques, parfois bouleversantes. Telle celle, célèbre, de ce petit garçon noir pointant le canon de son pistolet en plastique sur sa tempe, avec le sourire. Prise lors d’un reportage à Pittsburgh en 1950, elle vaut tous les discours politiques sur la ségrégation raciale qui sévit alors aux USA, et la désespérance des afro-américains.

D’autres photos iconiques d’Erwitt figurent évidemment au musée Maillol, de celle du couple d’amoureux face à une plage de Californie, dont le baiser se reflète dans le rétroviseur de leur voiture, au célèbre « ballet » devant la Tour Eiffel, en passant par les photos de Marilyn prises lors du tournage du film The Misfits.

Chaque salle est un pur régal, en particulier celle consacrée à sa vision du couple, particulièrement malicieuse, voire dissuasive ! On rit souvent (jaune aussi…) devant certains clichés, mais comme le rappelle Erwitt, il prend « des photos sérieuses, de temps en temps… ».

Photographe d’un siècle, aussi talentueux avec la couleur qu’il n’utilisait que pour des commandes, qu’avec son noir et blanc fétiche, selon lui « l’essence véritable de la photo », Elliott Erwitt a tout fait, entre portraits (ceux du Che et de Fidel Castro, extraordinaires !), architecture, mode, publicité, reportages et photos plus intimes. Avec toujours ce sens de l’auto-dérision qui le caractérise.

Ainsi, alors que l’on découvre parmi ses photos de reportages un cliché qui semble emblématique de la guerre froide, figurant Nixon lors d’un voyage en URSS pointant son doigt sur le torse de Kroutchev avec animosité, on découvre la planche contact de cette série de photos, où les deux dirigeants, souriants, semblent tout le temps plaisanter, à l’exception de cette photo qui sera publiée par Life magazine…

Dans un film projeté au musée Maillol au cours de l’exposition, Erwitt explique que les planches contacts des photographes doivent rester « aussi confidentielles que les paroles échangées chez le psychanalyste ou au confessionnal ».

Il n’aime pas les explications, encore moins les cartels, ces notices qui figurent aux côtés des œuvres dans les expositions. « Je veux que les gens réagissent émotionnellement à mes photos, pas avec le cerveau ».

L’émotion emplit cette formidable rétrospective de l’oeuvre d’Elliott Erwitt, à voir absolument.

Elliott Erwitt
Musée Maillol
59/61 rue de Grenelle
75007 Paris
Jusqu’au 15 août 2023

A.Granat

 

 

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