Avec Une équipe formidable, Ivan Calbérac (auteur de La Dégustation, Glenn, la naissance d’un prodige, L’Etudiante et Monsieur Henri) s’amuse à disséquer une espèce jubilatoire : l’équipe qui n’en est pas une, formidable matière à comédie.
Calbérac nous plonge ici dans les coulisses d’un tournage de cinéma où rien ne va se dérouler comme prévu. Le lieu central de la pièce : une cantine gérée par un cuisinier qui a perdu le goût et l’odorat depuis le Covid, et livre des plats immangeables.
S’y croisent une directrice de production qui ne sait comment annoncer à son équipe qu’elle n’a plus un radis pour poursuivre le tournage, la star du film qui de son côté refuse de tourner une scène dénudée, un réalisateur un tantinet paranoïaque, son premier assistant qui ambitionne de prendre sa place, et enfin une maquilleuse amoureuse de ce dernier et prête à remplacer si besoin la star dans cette fameuse scène de sexe.
L’auteur et metteur en scène peut compter sur un casting irrésistible, qui joue crescendo au rythme des rires du public. Maud Baecker incarne avec finesse une maquilleuse touchante de naïveté et de spontanéité, Sophie de Fürst, en star fraîchement auréolée d’un César et qui tient à le faire savoir, masque subtilement ses fissures, tandis que Ludivine de Chastenet, en directrice de prod autoritaire, lance ses répliques avec délectation (s’adressant à Benoît Tachoires, qui incarne le cuisinier, après avoir recraché l’un de ses plats : « Je ne dis pas que c’est pas bon… Ni que c’est bon. Je dis que le monde n’est pas prêt, nous non plus d’ailleurs… »).
À leurs côtés, Thomas Sagols, en réalisateur, excelle dans l’exercice délicat d’avoir l’air toujours dépassé, Sébastien Pierre est un désopilant premier assistant prêt à toutes les bassesses, tandis que Benoît Tachoires, l’un des acteurs fétiches de Calbérac, réussit cette prouesse rare : faire rire sans ouvrir la bouche – et plus encore en l’ouvrant.
La mise en scène d’Ivan Calbérac, faussement simple, laisse croire à un chaos spontané. En réalité, tout semble réglé comme du papier à musique : un désordre savamment chorégraphié, où les collisions verbales sont d’une redoutable précision. On rit beaucoup – parfois malgré soi – retrouvant dans ces personnages nos propres travers, ceux qu’on préfère habituellement attribuer aux autres.
Une équipe formidable n’est pas seulement une comédie terriblement efficace : c’est aussi un miroir légèrement déformant, qui grossit juste assez les défauts pour qu’on puisse en rire. Et le pire, c’est qu’on s’y reconnaît, même si tout ça, c’est du cinéma !
Une équipe formidable Théâtre du Splendid 48 rue du Faubourg Saint-Martin 75010 Paris Jusqu'au 10 janvier Du mercredi au samedi à 21h, matinées le samedi à 16h30 et le dimanche à 15h.
A.Granat

