Voyager en Bohême occidentale, c’est s’évader à la fois dans l’espace et dans le temps, conjuguer harmonieusement le passé et le présent.
Ce que l’on connaît le plus souvent de la République tchèque est sa belle capitale, Prague. Courez-y, mais poussez plus loin à l’ouest, vers la Bohême occidentale où vous tomberez sous le charme de trois villes différentes et également captivantes : Pilsen, poumon économique de la région, Marienbad, fleuron romantique de la Mitteleuropa du XIXè siècle et Karlovy-Vary, sa grande sœur thermale, où l’on vient soigner son corps et éveiller une nostalgie rétro en admirant hôtels de luxe et châteaux.
Pilsen, capitale de la bière
Connue pour son or liquide, la bière, Pilsen où vivent 171 000 habitants est la porte d’entrée de la Bohême occidentale. Située à 90 km de Prague, au confluent de quatre rivières, elle a été désignée en 2015 (avec Mons en Belgique) capitale européenne de la culture. Non par hasard. Elle est le centre de nombreux évènements culturels : festival international de folklore, festival de la marionnette, exposition au musée de Pilsen autour de l’année 1918 qui marque l’indépendance de la Tchécoslovaquie, concerts en plein air en juillet et août, etc. On y trouve de nombreux centres d’intérêt et quelques incontournables à visiter :
La cathédrale Saint Barthélémy. Avec sa flèche de 102 mètres de haut, cet imposant édifice gothique domine la plus grande place de Pilsen. Si l ‘on a le courage de grimper les 301 marches du clocher, on admirera du sommet l’ensemble de la ville et un des plus beaux paysages de Bohême.
La grande synagogue.
Troisième plus grande synagogue au monde (après celles de Jérusalem et de Budapest) ce bâtiment de style néo-mauresque accueille également aujourd’hui des expositions et des concerts grâce à une excellente acoustique.
Le musée de la marionnette.
Les marionnettes constituent une longue tradition tchèque remontant au XVIIIè siècle. On en compte 1200 exposées sur trois étages. Une visite agréable à faire avec des enfants qui peuvent même jouer sur place avec certaines d’entre elles. Autrefois manipulées par des familles nomades, les marionnettes sont aujourd’hui les vedettes de spectacles de théâtre.
Les appartements d’Adolf Loos.
Cet architecte autrichien a conçu plusieurs appartements à Pilsen qui méritent le coup d’œil. Par son style dépouillé, Loos est un des grands précurseurs de l’architecture moderne, apprécié par Le Corbusier. Pour avoir une idée de son style, on peut voir l’appartement que Loos a signé pour le peintre Tristan Tzara (inventeur du Dadaïsme) sur la Butte Montmartre à Paris.
Le mémorial du Général Patton.
Un petit musée a été édifié en 2005 à l’occasion du 60ème anniversaire de la libération de la ville de Pilsen par les troupes du général américain George Patton le 6 mai 1945. C’est lui qui avait vaincu l’armée allemande à Pilsen et en Bohême méridionale, et non l’armée soviétique comme on le racontait en Tchécoslovaquie sous le régime communiste.
Les attractions destinées aux enfants.
En plus du musée des marionnettes, on trouve à Pilsen de quoi séduire les enfants : un jardin zoologique et botanique, un parc de dinosaures grandeur nature, un musée des sciences et un planétarium. Instructif et amusant.
La brasserie Pilsner Urquell.
La visite des caves de cette brasserie créée en 1842 est un must. On est impressionné par les immenses chaudrons de cuivre où cette bière de renommée mondiale est brassée. Le débit de l’usine d’embouteillage s’élève à 60 000 bouteilles par heure, soit 120 000 litres. Ici est brassée 50% de la consommation de bière de la République tchèque. On apprend tout sur sa fabrication, ses ingrédients : le houblon, l’eau issue de 1500 sources circulant en profondeur. Et la visite s’achève bien sûr par une dégustation de cette bière exportée dans plus de cinquante pays. Robe blonde et mousse persistante, elle laisse en bouche une douce amertume houblonnée.
Vous aimez la bière ? Vous l’adorerez (peut-être) sous forme de bain, à Chodovar, près d’une brasserie artisanale, sur la route de Marienbad. Préparé à base d’eau minérale, de bière brune, de levure et d’un mélange d’herbes, ce bain de vingt minutes est censé fluidifier la circulation sanguine et purifier la peau. En prime : une consommation de bière à volonté. Attention à ne pas boire la tasse…
Marienbad : luxe, calme et santé
Avec une architecture aristocratique aux façades délicatement colorées, des parterres fleuris aux nombreuses fontaines thermales, une colonnade sophistiquée, véritable dentelle de verre et d’acier, cette ville de 13 000 habitants devenue officiellement une ville thermale il y a deux cents ans, possède un charme suranné qui cache dans ses thermes les savoir-faire actuels les plus élaborés de la remise en forme et en santé.
L’ouverture de la saison thermale fêtée avec tambours et trompettes sous le soleil de mai est l’occasion pour certains de ses habitants de revêtir des costumes du XIXè siècle. Histoire de rappeler que les grands de ce monde venaient en ce temps y prendre les eaux. A commencer par le roi d’Angleterre Edouard VII dont la superbe cabine privée aux murs couverts de céramique, contient un curieux fauteuil muni d’un pèse-personne où le roi pouvait vérifier le poids qu’il venait perdre grâce aux soins thermaux. Il y est venu une dizaine de fois. Cette cabine jouxtant la chambre royale est toujours accessible aujourd’hui. On peut la réserver à l’hôtel Nove Lazne. A visiter dans cet hôtel, pardon, ce palace, même si l’on n’y descend pas, les somptueux bains romains aux élégantes colonnes de marbre polychrome datant de 1896.
Entre la fin du XVIIIè et le début du XXè siècle, on croisait également à Marienbad (en tchèque Marianske Lasne) l’Empereur autrichien François-Joseph, Tolstoï, Gogol, Dvorak, Chopin, Strauss, Mark Twain, Freud, Pierre de Coubertin… Goethe y avait sa maison sur les hauteurs de la ville, devenue un musée à visiter absolument. A plus de 70 ans, le romancier et poète y connut son dernier amour, platonique, la jeune Ulrike qui lui inspira son élégie de Marienbad. Avait-elle des yeux de jade, comme dans la chanson de Barbara ?
Aujourd’hui, Marienbad est fréquentée par une minorité de Tchèques (15% des curistes). On y croise surtout des Allemands et des Russes.
Que d’eaux, que d’eaux…
Quarante sources froides sourdent des profondeurs de la ville dont six sont utilisées pour les soins thermaux. Toutes sont riches en dioxyde de carbone et certaines contiennent du fer, du magnésium, du calcium… permettant de traiter affections digestives, allergies, anémie, problèmes urologiques, gynécologiques, circulatoires, respiratoires, suites de cancers.
Chaque hôtel contient un spa thermal et trois d’entre eux du groupe Danubius, sont reliés par un couloir souterrain où les curistes peuvent se rendre en peignoir de bain d’un endroit à l’autre en toutes saisons. Un confort très apprécié.
A essayer, même si l’on ne vient pas à Marienbad pour une cure de 7, 14 ou 21 jours : une séance d’oxygénothérapie. Vous êtes assise dans un fauteuil parmi sept autres curistes. Une employée du spa thermal vous introduit délicatement dans les narines un cathéter où pénètre peu à peu un air enrichi de 40 à 60 % d’oxygène, cela durant vingt minutes. Vous êtes peu à peu envahie jusqu’à la taille par une vapeur. Rien à craindre. Pendant ce temps, vous regardez un petit film projeté sur un écran qui raconte la naissance de la source Maria, à l’origine de votre traitement et du nom de la ville : Marianske Lazne signifie source de Maria. La séance terminée, vous vous sentez plus légère. Ce soin permet en effet de booster la circulation sanguine. Nombre de séances conseillé : au moins six pour se sentir prête à s’envoler.
Autre recommandation : munissez-vous d’un élégant gobelet de porcelaine à long bec d’où vous sirotez une eau thermale en vous promenant sous les colonnades. Marcher et boire (de l’eau thermale…), est le minimum que vous puissiez faire pour rester en bonne santé. Vous pourrez ensuite parcourir les chemins de la luxuriante forêt de pins qui entoure Marienbad. A faire : monter en télécabines au sommet qui domine la ville à plus de 600 mètres, déjeuner au restaurant de l’hôtel Rübezahl (excellent) et redescendre à pied par la forêt. Et comme l’effort creuse, en revenant en ville vous ne résisterez pas à vous offrir une gaufre. Cette spécialité du pays ronde, fine, légère, croustillante et immense (18 cm de diamètre…) est fourrée à la vanille ou au chocolat. Un délice !
Musique pour tous :
Au cœur d’un bassin situé à quelques pas de la colonnade se trouve une fontaine magique. On l’appelle la fontaine chantante. Dès l’ouverture de la saison thermale, fin avril, elle effectue toutes les heures impaires, un ballet aquatique durant sept minutes au rythme d’une musique classique. D’ailleurs, la musique est très présente à Marienbad : durant la saison thermale, l’orchestre symphonique de Bohême occidentale donne un concert au Casino de la ville tous les vendredi ; il se produit aussi régulièrement sous la colonnade. Fin juin a lieu un festival de jazz et en août un festival Chopin.
Karlovy-Vary : sources chaudes et cinéma
Alors que nous persistons à nommer Marienbad la ville de Marianske Lazne qui porte son nom tchèque depuis 1945, (la faute à Resnais et à Barbara !) plus personne ne parle aujourd’hui de Karlsbad, mais de Karlovy Vary. Comme sa petite soeur thermale, Karlovy-Vary a connu des sommets de notoriété au XIXème siècle grâce aux grands du monde d’alors venus y prendre les eaux : le tsar Pierre le Grand, l’impératrice Marie-Louise, l’empereur François Joseph, ainsi que les people de l’époque : Brahms, Wagner, Grieg, Casanova, Schiller, Goethe (encore lui…).
Avec ses façades rococo ou Art Nouveau s’alignant au long de la rivière Tepla, ses élégantes colonnades, ses hôtels de luxe, son théâtre néo-baroque, ses imposantes églises, catholique (Sainte Marie-Madeleine) et orthodoxe (Saint-Pierre et Saint-Paul) aux coupoles dorées, Kartlovy Vary reste à la hauteur de sa légende de la Belle époque.
Mais c’est aussi une ville moderne, vivante, la plus grande ville thermale de Tchéquie (50 000 habitants) et d’Europe centrale. Plus de 300 000 curistes par an fréquentent ses établissements thermaux ouverts toute l’année. Environ sept cents sources jaillissent ici des entrailles de la terre, mais quatorze sont utilisées pour les soins thermaux. Il s’agit de sources chaudes s’écoulant à raison de 2 000 litres par minute, allant de 42 à 73°C, plus une source froide. Ces eaux thermales riches en hydrogène, soufre, chlore, sodium… apaisent les affections gastriques, articulaires, cardiaques, respiratoires, neurologiques, oncologiques. A l’inverse de Marienbad, il existe ici, en plus des spas reliés aux hôtels, des thermes publics dont les techniques se situent au top niveau.
Aujourd’hui, la ville est fréquentée par les célébrités du moment, celles du cinéma, grâce au festival du film de Karlovy Vary qui se déroule durant la première quinzaine de juillet. 200 films y sont présentés chaque année dont le meilleur est récompensé par le Globe de cristal. Le fabuleux destin d’Amélie Poulain y a reçu la récompense suprême en 2001 et Jean Réno en 2016 pour l’ensemble de sa carrière. Ce n’est pas tout : des scènes de plusieurs films ont été tournées dans le Grandhotel Pupp 5* : la Môme avec Marion Cotillard et Casino Royale avec Daniel Craig.
Une source en plus…
Alors, après avoir, comme les curistes, fait les cent pas en buvant – avec précaution – une dose d’eau thermale chaude sous une des colonnades de la ville, faites-vous un peu de cinéma en vous offrant un repas gastronomique dans le beau restaurant de ce palace. Vous y croiserez peut-être Gérard Depardieu qui y a interprété le rôle d’un chef dans Vacances sur ordonnance. Ou bien, rendez-vous au café Elefant, l’équivalent du Flore ou des Deux magots au temps de Goethe, pour déguster une délicieuse pâtisserie et la liqueur du pays, la becherovka. On dit d’elle qu’elle est la énième source curative. Que peut soigner cette liqueur élaborée à partir d’une vingtaine d’herbes et d’épices et titrant 38° sinon le mal de vivre ?
Le charme de la ville opère dans chaque quartier grâce à ses parcs et jardins : le jardin japonais avec ses symboles yin et yang est propice à la méditation ; le jardin Smetana, de configuration classique proche des thermes d’Elisabeth est un haut lieu de détente ; de même que le jardin Dvorak.
Karlovy Vary et ses environs méritent plus qu’un détour. Quelques suggestions :
– allez visiter le musée de la cristallerie Moser. Ce fameux cristal de Bohême est le plus écologique qui soit car il ne contient pas de plomb au contraire de toutes les autres marques. Une invention de Ludwig Moser, un vert avant l’heure.
– prenez le funiculaire pour découvrir à partir du belvédère Diana, à 547 m, le superbe point de vue sur la ville ou allez-y à pied, bien chaussée, en suivant les chemins forestiers bien balisés de la forêt de Slavkov.
– si vous en avez le temps, poussez jusqu’au château de Becov à une vingtaine de kilomètres qui sert d’écrin à une somptueuse pièce médiévale, le reliquaire de Saint Maure, une merveille d’or, d’argent, de vermeil où sont serties quelques centaines de pierres précieuses représentant finement des scènes du Nouveau Testament.
– si vous préférez les châteaux, ils font florès dans la région. A visiter : le château fort de Loket où résidait le roi tchèque Charles IV, le château moyenâgeux de Cheb ou le château néo-classique de Kynzvart, résidence du prince de Metternich où sont exposés une collection d’objets hétéroclites : une épée de Louis XIV, le livre de prière de Marie Antoinette, le bureau et un fauteuil d’Alexandre Dumas… De précieux petits morceaux d’Histoire de France à l’autre bout de l’Europe.
Bon voyage !
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Y aller
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Pour plus d’informations, contactez l’office national tchèque du tourisme
18, rue Bonaparte – 75006 Paris
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Suzanne Kestenberg
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