Lorsqu’on a publié en février, cet article d’humour de Cathie Fidler sur le danger de se mémériser en restant chez soi, on ne pensait pas que cet article concernerait un jour tout le monde. A relire de tout urgence en cette période si particulière.
Ce qui suit, est à l’intention des Boomeuses qui travaillent chez elles, pratiquent le télé travail, ou qui viennent juste de prendre une retraite méritée… Celles qui ont la chance de ne pas affronter chaque matin les affres des transports, quels qu’ils soient. Celles, aussi, dont les enfants ont (enfin) quitté le nid. Attention à la mémérisation !
La tentation est grande, pour elles, de se laisser aller à une petite grasse matinée, par exemple, non ? À «cocooner » (terme ravissant pour ne pas dire « traîner ») sous la couette plus longtemps que raisonnable. En semaine, et pas juste le week-end. À prendre un petit déj’ tardif, et à vaquer, très lentement à des activités aussi utiles que peu valorisantes – comme vider le lave-vaisselle ou mettre une machine à laver en route, avant d’attaquer les choses sérieuses…
Rien à redire, à ce sujet. Chacune fait comme elle le sent. Surtout en ces temps où l’accent est mis sur « le bien-être », le refus des contraintes, et le respect de son corps.
Pourtant, j’ai très envie de dire « ATTENTION ! » lorsque j’apprends que ces matinées-là se passent, pour certaines, en pyjama ou en robe de chambre jusqu’à midi passé.
Je sais : des pubs nous arrivent chaque jour par mail pour nous vanter les mérites de ces ravissantes tenues d’intérieur ; de ces pyjamas à capuche ornée d’oreilles de chat, ou dont la fourrure synthétique évoque celle d’une brebis ; de ces combinaisons douillettes qui intègrent des chaussons ultra-doux ; de ces hoodies à porter dedans davantage que dehors ; de ces caleçons molletonnés à piquer à son chéri ; de ces ponchos hyper-chauds dans lesquels se lover tout en étendant le linge… le tout, en négligeant de faire sa toilette et son lit.
Alors là, je redis non ! Ou plus exactement « Mèfi » comme on le crie à Nice afin de prévenir quelqu’un du danger. La ligne est plus que fine entre confort et mémérisation. Elle est aussi ténue qu’une toile d’araignée. Un fil soyeux de trop, et on bascule dans le piège de la charentaise !
Le danger de la mémérisation
Et là, je me rappelle ce que me disait ma maman, qui fut la dignité et l’élégance incarnées, jusqu’à un âge plus qu’avancé : « Les pantoufles ? Pas question, sauf la nuit entre le lit et la salle de bains. La robe de chambre ? Si tu es vraiment malade, avec une fièvre de cheval. Le lit pas fait ? À la rigueur, si tu n’en as plus la force et qu’une ambulance t’attend pour t’emmener à l’hôpital. Le reste du temps, ma fille, tu te lèves, tu te laves, tu te coiffes, tu te maquilles, et tu t’habilles, avant d’effectuer toute activité domestique (ou autre). Question de dignité. Imagine, si le facteur venait à sonner ? »
Le lit pas fait ? À la rigueur, si tu n’en as plus la force et qu’une ambulance t’attend pour t’emmener à l’hôpital
Alors, même si le facteur est devenu une factrice, et même si le livreur de colis ne daigne plus monter dans les étages, je l’écoute et respecte son injonction. Ce n’est pas parce que je suis devenue (contre toute attente) une grand-mère gâteuse que je dois me comporter en mémé.
Et si vous, vous rajoutez à ce laisser-aller la phrase : « Non, je n’ai pas ouvert mon ordi depuis quelques jours », prenez garde, vous n’êtes pas loin de la maison de retraite. Je sais, il y en a de très bien. Mais moi, je préfère attendre encore un peu. Le temps de m’habituer à mes nouvelles pantoufles.
Cathie Fidler
Cathie Fidler est écrivain, auteur de romans et nouvelles. Découvrez son blog Gratitude
Photo de Lisa Fotios