portrait juliette angeletti.Phi.1.618

Portrait de Juliette Angeletti, créatrice de la marque de maroquinerie Phi.1.618

par Arielle Granat

Juliette Angeletti est la dynamique et pétillante fondatrice de la jeune maison de haute maroquinerie Phi.1.618, qu’elle a lancée à 56 ans !

Ses ceintures, d’une élégance rare, habillent n’importe quelle tenue. Le jour de notre rencontre, elle porte une jolie robe d’été blanche, toute simple, mais la ceinture, de sa création, lui donne un look unique. Durant plus d’une heure, la charmante Juliette me raconte avec lucidité et un enthousiasme communicant sa nouvelle vie d’entrepreneur.

Portrait de Boomeuse

Avant tout, Juliette, pour vous, cela veut dire quoi être une Boomeuse ?

Juliette  Angelleti :  Pour moi, il n’y a pas de différence entre avant et après 50 ans, mais peut-être dans l’esprit des gens. Quand j’ai eu 50 ans, j’ai été conviée par la RH de l’entreprise dans laquelle je travaillais pour un entretien senior. On m’a dit alors j’espère que senior, ça ne vous pose pas un problème. J’ai répondu que pour moi, senior, ça voulait dire expertise, expérience et non vieux !

Non, pour moi la cinquantaine n’a pas du tout été un traumatisme.

Vous avez lancé en juillet 2019 votre marque Phi.1.618, racontez-nous pourquoi ?

J’ai quitté Prisma Media, la société où j’ai passé 18 ans en presse et en digital et où j’ai exercé 8 métiers différents. Le dernier étant éditrice digitale. Suite à une réorganisation stratégique, mon poste a été supprimé et j’ai quitté le groupe, en bon terme. En parallèle et avant même que la question de mon départ ne se pose, j’avais commencé pour mon plaisir un CAP de maroquinerie.

Pourquoi une marque de maroquinerie ?

J’avais acheté un trench vintage neuf, mais qui n’avait pas de ceinture. J’ai alors créé une ceinture qui a eu beaucoup de succès dès que je l’ai portée. Petit à petit, j’ai développé d’autres créations, toujours sur la base du nombre d’or. Devant le succès et l’intérêt de gens qui n’étaient pas forcément des amis ou de la famille, j’ai décidé de lancer la marque après avoir passé 8 mois en couveuse pour être accompagnée, ce qui m’a permis de gagner au moins 6 mois pour le développement. Un accompagnement bienveillant, mais qui demande beaucoup de challenges, ce que je voulais. J’aime bien aller vite et de façon efficace.

En fait, j’ai toujours créé, que cela soit matériellement, artisanalement ou intellectuellement. Jusqu’à la création de Phi, c’était visible surtout intellectuellement, puisque je travaillais dans le digital. Mais parallèlement, j’ai toujours fait du dessin, de la broderie japonaise, de la couture, je faisais tous mes vêtements.

Phi.1.618, c’est l’occasion de faire la bascule, de montrer la partie qui était immergée et de la rendre publique. Et j’adore le côté irréversible de la maroquinerie qui ne laisse pas le droit à l’erreur.

La spécificité de la marque ?

Il y en a trois.
La première, la création basée sur le nombre d’or, qui s’appelle Phi et dont la valeur est 1,618. C’est un nombre que l’on trouve dans la nature et c’est un Grec qui s ‘appelle Phidias qui l’a matérialisé pour la première fois dans le Parthénon. Ce nombre s’appelle Phi, en son hommage.

Toutes mes créations sont inspirées et dirigées par le nombre d’or.  Par exemple, mes ceintures se nouent comme un phi minuscule grec, j’ai un sac rond sur lequel j’ai piqué une étoile à 5 branches qui représente le pentagramme, qui respecte complètement le nombre d’or.

La deuxième, la fabrication réalisée dans deux ateliers d’artisans d’art en France.
Et enfin l’écoresponsabilité de la marque. Je source tous mes cuirs auprès des grandes maisons de luxe françaises, sur les stocks qu’on appelle dormants. Des stocks qui étaient auparavant détruits et qui sont maintenant revendus. Ce ne sont pas des chutes, mais bien des peaux entières, d’une qualité exceptionnelle. En revanche il y en a très peu par couleur.

C’est pour cela que je fais uniquement des séries limitées et que tous les sacs sont numérotées. Dans une peau je vais faire une dizaine de ceintures, une fois le stock de couleur terminée je change.

Vos projets ?

J’ai développé mon nouveau sac Phiori à la fois avec un maître origamiste et un maître plisseur. C’est un tote bag souple, un peu doudou, un peu moelleux. Jusqu’à présent je ne créais que des sacs rigides et structurés.

Je l’ai développé avec un plisseur car j’avais l’idée en tête, mais je n’avais pas la technique. Ce sera un sac un peu exceptionnel, qui se plie complètement pour voyager.

Je travaille aussi avec des créateurs pour concevoir des sacs exceptionnels, toujours sur la base du nombre d’or, mais destinés à des expositions, des musées.

Une boutique à Paris

Je viens d’ouvrir une boutique au 99 rue du Bac, où l’on trouvera toute la collection, mais aussi des couleurs qui ne sont pas sur le site. J’y expose aussi les prototypes que l’on peut précommander avec un prix préférentiel.

Peut-on parler de nouvelle vie ?

Ah oui, c’est vraiment une nouvelle vie, pour moi c’est ma troisième partie de vie !
Un première vie durant 3 ans comme juriste international (ma formation), puis je suis entrée dans la presse et le digital, ma deuxième vie, et là c’est mon troisième tome de vie.

Et ça fait quoi, cette nouvelle vie ?

C’est intense, très, très intense ! Mais comme pour tous les entrepreneurs, quand on crée son entreprise. C’est hyper intéressant parce que je rencontre plein de monde, c’est très porteur. Les entrepreneurs (de start-up) parlent facilement d’ascenseur émotionnel, c’est tout le temps ça. On a une hypersensibilité aux événements parce que c’est notre vie en fait. On travaille beaucoup, mais c’est toujours un travail très différent, ce n’est pas comme rester 8 heures dans un bureau, même si les tâches sont différentes, à être statique.

Ce matin, par exemple, j’ai fait du travail «intellectuel », si on peut dire. Cet après midi, je suis allée couper des produits à l’emporte-pièce, chercher du cuir et des boucleries dans tout Paris, et à pied parce que c’est ça qui me ressource aussi avec la création, puis ce soir je rencontre des étudiants que j’accompagne sur un programme de mode… C’est tellement divers que finalement ce n’est pas lourd, même si c’est lourd en terme d’horaires.

Aujourd’hui, avoir 50 ans, ça signifie quoi ?

Cela signifie que l’on a plus d’expérience que quelqu’un de 25 ans. J’ai exercé dans le marketing, la publicité, le digital, le droit, j’ai dirigé énormément de projets, si bien qu’aujourd’hui j’ai plus de connaissances et de compétences et que toute mon expérience d’avant me fait gagner beaucoup de temps.

On me dit souvent « en 2 ans tout ça ! » mais c’est aussi 20 ans d’expérience derrière.  Au contraire, je suis beaucoup plus armée aujourd’hui que je ne l’aurais été il y a 30 ans.

Après, il y a 30 ans, j’avais l’inconscience, mais moi j’ose tout ! Au pire, c’est non. Et on y retourne.

Avantages et inconvénients de la cinquantaine ?

Les avantages, je viens d’en parler, c’est l’expérience et la compétence qu’on a.

Je ne vois pas beaucoup d’inconvénients. Parce ma vie, même physique, en terme de dynamisme ça n’a pas d’influence, je ne me sens pas fatiguée. En revanche, dans le regard des autres, ça change. Quand on m’écoute au téléphone, on pense que j’ai 25/30 ans, et quand on me voit, je n’ai pas du tout cet âge-là ! Mais je pense que je dégage aussi la passion de quelqu’un d’une trentaine d’année. Je pense que l’âge c’est transparent, et c’est plutôt la compétence, la connaissance qui vont être prioritaires. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, on me dit «Ah c’est courageux de se lancer à 50 ans !». Non, j’ai décidé de le faire donc je me donne les moyens. Après, oui, il peut y avoir l’inquiétude de si cela ne fonctionnait pas, mais je ne l’ai pas ! Mais si cela ne fonctionnait pas financièrement, ce serait sûrement beaucoup plus dur de trouver un travail à 58 ans qu’à 35 ans. C’est ce qui peut faire la différence avec quelqu’un qui a 30 ans et qui crée sa boîte.

J’ai plus d’expérience, donc je peux aller plus vite avec un champ de compétences plus large, mais je ne peux pas trop me planter, parce que rebondir derrière c’est plus compliqué. Mais après, moi, je fais confiance. A un moment, il faut bien avancer et je n’ai que des indicateurs positifs.

Quelques une des créations de Phi.1.618 à découvrir sur le site ou à la boutique

phI.1.618

Phi.1.618
Boutique 99 rue du Bac
75007 PARis

 

 

Phiori avec un maître origamiste, en citant « Maître plieur origamiste ». En fait, j’ai travaillé à la fois avec un maître origamiste et un maître plisseur (deux maîtres différents donc et non pas un seul qui combinerait les deux savoir-faire).

Vous devriez aussi aimer

Laisser un commentaire