Les Téméraires, la « comédie historique » écrite par Julien Delpech et Alexandre Foulon plonge le spectateur au cœur de l’Affaire Dreyfus de manière très originale, à travers le personnage d’Emile Zola, que l’on qualifierait aujourd’hui de « lanceur d’alerte » et de celui du cinéaste Georges Méliès, qui réalisa sur ce sujet le premier « film politique » de l’histoire du cinéma.
Au cœur de la pièce, le sujet de l’antisémitisme, tristement d’actualité, y prend une résonance toute particulière.
Si vous pensez tout connaître de l’Affaire Dreyfus, détrompez-vous. Les Téméraires aborde le sujet avec habileté, retraçant ses grandes lignes en convoquant l’immense Emile Zola et le génial Georges Méliès, fabuleux créateur du cinéma. Si tout le monde connaît le rôle qu’a joué l’auteur de la saga des Rougon-Macquart dans le combat pour innocenter le capitaine Dreyfus avec son article « J’accuse ! » , le rôle de Méliès est resté plus confidentiel. Et pourtant…
Méliès, incroyable magicien créateur du « Voyage dans la lune », réalise en 1899 le premier film de plus de 10 minutes – un exploit technique à l’époque – consacré à l’Affaire Dreyfus. Le spectateur d’aujourd’hui ne peut imaginer la portée de ce film, réalisé peu après le procès de Rennes, 5 ans seulement après le début de l’Affaire. Procès qui juge Dreyfus coupable de trahison, mais avec des « circonstances atténuantes ». Résolument « Dreyfusard », la projection à Paris du film de Méliès provoquera bagarres entre spectateurs, avant d’être censuré par le gouvernement. Le public européen, puis américain, plébiscitera ce film militant, qui fera de « L’Affaire Dreyfus » de Méliès le précurseur des « actualités reconstituées » qui feront le succès du cinéma du début du XXème siècle.
De cette trame, admirablement mise en scène par Charlotte Matzneff la troupe des sept comédiens qui incarnent ces Téméraires, alternant près de trente rôles, sont tous admirables. En rôle-titre, Romain Lagarde en Zola, impressionne. Il est profondément l’écrivain et le pamphlétaire, touchant aussi dans sa « double-vie » conjugale, porté par son épouse Alexandrine (Sandrine Seubille). Stéphane Dauch, en Méliès et en Charpentier (éditeur de Zola), fait preuve d’une fantaisie à toute épreuve, à l’unisson avec l’ensemble de la troupe (Barbara Lamballais, Arnaud Allain , Armance Galpin, Thibault Sommain).
Les lumières de Moise Hill, la scénographie d’Antoine Milien et la musique de Mehdi Bourrayou contribuent à faire de ces Téméraires un spectacle riche en émotions.
Le mot de la fin revient à trois jeunes spectateurs, âgés d’une dizaine d’années et futurs fans de théâtre, s’adressant aux auteurs présents pour leur dédicacer le texte de la pièce : « C’était trop bien ! ».
On espère que le message passera en ces temps où «la bête immonde » semble renaître.
Les Téméraires
A la Comédie Bastille
Du mercredi au dimanche