Les humains, théâtre de la semaine

Les Humains avec Bernard Campan et Isabelle Gélinas au Théâtre de La Renaissance

par Arielle Granat

Les Humains, du dramaturge américain Stephan Karam, immense succès à Broadway récompensé par 4 Tony Awards, se joue au Théâtre de la Renaissance adapté et mis en scène par Ivan Calberac (La dégustation), avec Bernard Campan et Isabelle Gélinas en tête d’affiche. Une réunion de famille fantastique, dans tous les sens du terme, qui laisse le spectateur bouleversé.

Si le noyau familial reste un ressort traditionnel de l’univers théâtral, avec son lot habituel de secrets, non-dits, petits et grands bonheurs et autres frustrations, celui imaginé par Stephan Karam nous est livré dans un décor à deux niveaux, à l’image de la pièce, qui navigue avec subtilité entre farce et drame.

Ce décor, c’est celui d’un souplex, ces appartements en rez-de-chaussée dont le sous-sol est aménagé en « lieu de vie ». L’appartement que nous découvrons est celui dans lequel viennent d’emménager l’une des filles de la famille Lemonnier et son compagnon, qui invitent pour le dîner de Noël les parents Lemonnier, la grand-mère et la sœur aînée. Un sextuor dont le plaisir de jouer ensemble et sans fausses notes une partition émouvante et cinglante se ressent dès les premières minutes de la pièce.

Comme les failles qui transpercent les murs de cet appartement, septième « personnage » de la pièce, celles des personnages se dévoilent au fur et à mesure que le dîner de Noël – particulièrement arrosé ! – avance, sur fond d’effrayants bruits rythmant la dramaturgie de ces Humains. « On est à Paris ! » tente d’expliquer à ses parents ébahis leur fille, tandis que la grand-mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, scande un prémonitoire « on ne revient jamais en arrière ! On ne revient jamais en arrière ! ». Ambiance…

Stephen Karam avait situé sa pièce sur fond d’attentats du 11 novembre et de crise des sub-primes, pour brosser le portrait désenchanté d’une famille américaine moyenne. L’adaptation réalisée par Ivan Calderac pour le public français reste assez fidèle à l’esprit de l’auteur, entre traumatisme des attentats de novembre 2015 et désillusions, problèmes d’argent, de santé, de carrière, de couple… toutes générations confondues.

les humains-bernard campan , Isabelle Gélinas, théâtre de la Renaissance

Un duo qui fonctionne à merveille

Le duo Campan/Gélinas y fonctionne à merveille en couple de catholiques pratiquants empreints de tolérance, l’un apparemment engoncé dans son blazer gris perle et son nœud papillon d’intendant d’une école privée de Compiègne, bricoleur et amateur de paris hippiques (« comme tout le monde ! »), l’autre enrobée de bourrelets qu’elle tente de perdre avec des régimes Weight Watchers, aidant des réfugiés pakistanais et offrant à sa fille en guise de cadeau de Noël une kitschissime statuette de vierge Marie qui s’illumine (parce que « qui achète une bougie à 45 euros dans Le Marais ? »).

Du côté de leur progéniture, rien ne va plus. L’aînée (Astrid Ortmans), brillante avocate, est virée par ses associés, souffre d’un chagrin d’amour avec sa compagne et d’un mal qui ronge ses intestins, tandis que la benjamine (Mélanie Bernier), qui se rêvait danseuse, travaille comme serveuse et vit en couple avec un fils de bonne famille dépressif (François Nambot) qui reprend, à l’aube de la quarantaine, des études en sciences sociales. Cerise sur la bûche de Noël, la grand-mère (Michèle Simonnet) frappée par la maladie d’Alzheimer dont l’un des rares moments d’illumination est le chant traditionnel entonné par la famille chaque année pour l’occasion, façon fest noz, qui nous vaut une scène hilarante.

Naviguant d’un étage à l’autre, ces superbes comédiens nous emportent dans un tourbillon d’émotions et nous offrent une belle leçon d’humanité, tendre, drôle, émouvante et féroce. Les Humains est un miroir théâtral de nos vies, des vies plus fortes que tout, même si « on ne revient jamais en arrière ! ».

Les Humains
De Stephen Karan, adaptation et mise en scène, Ivan Calbérac
Avec Isabelle Gélinas, Bernard Campan, Mélanie Bernier
Astrid Ortmans, François Nambot et Michèle Simonnet

Théâtre de la Renaissance
20 boulevard Saint-Martin, Paris 10
Té. 01 42 08 18 50

 

 

 

 

 

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