GSTAAD

Gstaad : la fashion week des vaches

par Evelyne Dreyfus

On connaît Gstaad pour son palace, ses 5 hôtels 5*, ses chalets de luxe et sa Promenade où se croisent autant de langues que de logos de grandes maisons. Ce village suisse de 2 500 habitants -8 000 avec l’agglomération et le même nombre de vaches- . Et pas n’importe quelles vaches : des Simmental, blanches tachetées de brun clair, dont certaines, une fois par an, coiffent leurs plus belles couronnes de fleurs pour une sortie mondaine… devant les vitrines de Prada et de Cartier. Bienvenue à la désalpe (la descente des alpages) de Gstaad.

 

Gstaad, entre Rolex et sonailles

On l’oublie parfois, mais derrière ses façades impeccables et son image de station huppée, Gstaad reste profondément enracinée dans la tradition agricole. Certes, la Promenade déroule son tapis de luxe : LVMH, Chopard, Hermès, Patek Philippe et autres grandes griffes se répondent d’un trottoir à l’autre. Certes, le Gstaad Palace — vénérable palace 5 étoiles ouvert en 1913 — continue d’attirer têtes couronnées et stars hollywoodiennes. Mais en ce 6 septembre, la vraie star n’était pas en smoking ni en robe haute couture : elle portait, sous sa tiare fleurie, une sonnaille de 9 à 13 kilos autour du cou. Si elles sont anciennes ces cloches valent jusqu’à 25 000 francs suisses, soit l’équivalent d’un petit sac Hermès… ou d’une grosse vache.

Le parfum du foin et l’art de ralentir

Nous sommes dans l’Oberland bernois, l’une des plus belles régions de Suisse. À ceux qui objecteraient « trop cher pour moi », les habitués répondent : « pas si sûr ». Car il n’y a pas que des palaces et une fois sur place, impossible de regretter le voyage. Ici, l’air sent le foin fraîchement coupé, les montagnes ressemblent à des cartes postales grandeur nature, et rien ne semble dépareiller ce décor. Ajoutez à cela une organisation suisse — trains ponctuels, habitants serviables — et vous obtenez ce qu’on pourrait appeler « un luxe accessible ». Pas un luxe ostentatoire, mais celui, rare, d’une parenthèse où tout fonctionne. Le slogan de Gstaad résume bien l’esprit : Come up, slow down — monte et ralentis.

 

Quand les vaches prennent la Promenade

Début septembre, la désalpe — ou Züglete en dialecte bernois — met en scène ce contraste unique entre opulence internationale et traditions paysannes. De 10 h à 16 h, par vagues successives, des centaines de vaches descendent des alpages, encadrées par leurs propriétaires en tenue traditionnelle. Chacune arbore sa couronne de fleurs fraîches, confectionnée la veille, et sa lourde sonnaille. Les badauds, venus de toute la région et même de l’étranger, se pressent le long des trottoirs. Pour une fois, ce sont les humains qui regardent passer les vaches. Et le spectacle, sonore et majestueux, ne manque pas de piquant : imaginez un troupeau de paisibles ruminants passant, d’un pas placide, devant les vitrines very chic de Moncler, Hermès ou Vuitton.

 

desalpe gstaad

Les coulisses de la fête : poésie et patience

La veille, à Turbach, sur les hauteurs de Gstaad à 1 300 m, Johann von Grünigen et sa famille nous ont ouvert leurs portes. Dans leur ferme, c’est un atelier poétique : chacun s’affaire à tresser des couronnes de fleurs fraîches pour les 19 vaches du troupeau. Le lendemain, très tôt, Johann les regroupe à l’alpage, 400 m plus haut. Après une pause à la ferme pour les parer, la descente peut commencer : deux heures de marche alerte et fière, entourées de la famille, avant de rejoindre le cœur du village.

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Préparation des couronnes en famille

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Vache au départ de la ferme

Yodel, cors des Alpes et Menuhin

La désalpe de Gstaad n’est pas qu’un défilé bovin : c’est aussi une fête culturelle. À midi, dans la chapelle Saint-Nicolas du XVe siècle, un concert de musique classique se tient dans le cadre du Festival Menuhin. Entre deux passages de troupeaux, des groupes de yodlers et le son grave de joueurs de cors des Alpes donnent la réplique sonore aux cloches des vaches. Le yodel, pour mémoire, consiste à passer, en virtuoses, de la voix de poitrine à la voix de tête — une gymnastique vocale qui, en montagne, résonne comme un écho infini.

En dix ans d’existence, la désalpe de Gstaad a bâti sa réputation sans heurts. Ou presque. Une année, une vache entreprenante a poussé la porte d’une droguerie-parfumerie. Une autre fois, certaines ont cru reconnaître une congénère devant un abreuvoir… avant de découvrir qu’il s’agissait d’une très réaliste sculpture d’un bovin, offerte au village par Liza Todd, fille d’Elizabeth Taylor, grande habituée de Gstaad. Mais dans l’ensemble, discipline et sérénité dominent : une vraie leçon de savoir-vivre, même au beau milieu d’une foule compacte.

Luxe, calme et tradition

Derrière l’image de destination glamour, Gstaad et le Saanenland alentour abritent encore 350 fermes et près de 80 alpages où la vie suit son rythme, discret et exigeant. C’est ce double visage qui fait la singularité du lieu : ici, une vache parée de fleurs peut défiler devant Prada sans qu’aucun des deux mondes n’ait l’air déplacé. L’actrice britannique Julie Andrews, qui connaît bien la région, l’a résumé mieux que quiconque : « the last paradise in a crazy world ». Plus vrai que jamais, à l’heure où l’on cherche à ralentir et à retrouver des équilibres simples dans un monde qui, vu d’ici, parait si merveilleusement « normal ».

 

INFORMATIONS PRATIQUES POUR UN COURT SEJOUR ACCESSIBLE

Et si, contrairement aux idées reçues, vous pouviez vous offrir un court séjour dans cet univers privilégié ? Voici quelques idées de prix détaillés de voyage en train et d’hébergement :

Transport Paris à Gstaad :

Le prix moyen aller-retour en train est d’environ 187 à 230 € (prix indicatifs) selon la saison et la date de réservation.
Le trajet dure environ 7 heures, si l’on compte les correspondances toujours très pratiques à Lausanne, Berne ou Montreux. A partir de ces villes qu’on atteint en 4h de TGV Lyria, les correspondances en trains suisses aux vitres panoramiques sont déjà un rêve. Ils traversent les forêts, bordent les lacs, parcourent de petits villages

Hébergements avec prix indicatifs dans la région de Gstaad :

 

Evelyne Dreyfus

Photos@Eric Beracassat.

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