Vous voulez vous asseoir ?

par Les Boomeuses

RATP Vous voulez vous asseoir ? Moi, c’est cette petite phrase et le regard des autres qui m’a appris que » je faisais vieille ».
Je n’avais pas encore cinquante ans (j’en avais… quarante-neuf et demi ! Je me souviens que j’étais très précisément à six mois de mon cinquantième anniversaire !…) quand les gens ont commencé à me céder leur place dans le métro. Je n’ai pas compris tout de suite. Je n’étais ni enceinte, ni handicapée, ni blessée de la dernière guerre (il n’en restait déjà plus beaucoup, même à cette époque reculée…). J’étais mince, agile, plutôt en bonne santé, ne m’ habillais pas comme une chaisière.

J’avais bien le visage creusé et les cheveux poivre et sel, mais cela avait commencé très tôt (un peu après trente ans !) et lorsque j’en parlais, on me disait toujours : « T’es folle ! ça fait rien ; tu fais vachement  jeune ».

Pourtant, il a bien fallu que je comprenne ; la femme enceinte, l’infirme, le blessé de guerre, ce n’était pas possible… Il ne restait donc plus que la personne âgée.

C’était sûrement ça. J’étais consternée. À quarante-neuf ans, j’avais donc l’air d’une vieille dame ! À une époque où il était déjà banal d’entendre à longueur de journée que les gens « ne faisaient plus leur âge » et paraissaient   jeunes beaucoup plus longtemps, que m’arrivait-il ?
Je vous avoue que cela se passait… il y a un peu plus de vingt ans (!), puisque j’atteins mes soixante-dix balais dans quelques jours…
J’ai la chance d’avoir une santé plutôt bonne, d’être toujours mince et agile, même si mon visage est un peu plus creusé et mes cheveux un peu plus blancs ( mais encore très noirs par endroits, j’ai horreur des colorations). Et je ne m’habille toujours pas comme une chaisière  (même si j’ai toujours aimé la simplicité et le « classique, mais pas trop »).
Rien n’a changé ; mon seul problème avec mon âge (sans lequel je n’y penserais même pas !) demeure donc… le regard des autres dans les transports en commun, ou d’autres lieux publics.
Je n’ai jamais pu m’y faire !
Le plus pénible est de n’avoir jamais trouvé ce qu’il faudrait répondre à ces personnes qui, sans vous connaître et sans que vous leur ayez rien demandé, vous voyant debout alors qu’il y a des places assises libres  (j’aime voyager debout ! se mettent à vous parler (quand justement  personne ne se parle ; ça fait drôle…) pour vous montrer les places disponibles, et vous expliquer que cela sert à s’asseoir, qu’on est bien quand on est assis… J’ai tout essayé ; la colère, le calme apparent, la gentillesse, l’humour, l’indifférence feinte, rien à faire. Elles insistent, s’irritent (quand moi, je ne m’irrite pas !), bref, le prennent mal.
Parfois, même, d’autres voyageurs interviennent, se joignent à ces personnes, ajoutent leurs commentaires. Ça se passe comme ça une fois sur deux ou trois.
En dehors de ces difficultés avec d’autres usagers des transports ma foi, la vie est belle.
Le montant de ma retraite me suffit, j’ai des goûts simples, je chante, je marche, je bouquine, j’écoute de la musique…Quand je ne me balade pas, j’adore être chez moi… Et seule ! Par goût. Oui, j’aime aussi beaucoup la solitude !
Tout de même, si vous aviez une réponse à me conseiller à ces « Vous ne vous asseyez pas ? Pourquoi ? Y’ a des places ! Vous seriez bien assise ! Faut en profiter quand y’a des places ! Moi, je dis ça pour vous ! »?
J’en parle de temps en temps et on me répond l’air gêné : « c’est sûr que c’est pénible, mais vous me posez une colle… ». Un écoutant de SOS Amitiés (on peut les appeler pour autre chose que l’envie de se suicider ou des situations désespérées…) m’a déclaré il y a quelques années : « madame, si vous trouvez un jour comme réponse la petite phrase à la fois claire, gentille et ferme qui pourrait faire comprendre à ces gens qu’on ne leur demande qu’une seule chose, c’est qu’ils nous foutent la paix (sic), je suis preneur ! »
Anoukem

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3 commentaires

matchingpoints 30 janvier 2015 - 8h45

C’est finalement le regard des autres qui tue – votre post exprime si bien le décalage entre votre ressenti et ce fameux regard ! Alors que répondre ? Une idée : Vous dites que vous faites de la méditation qui exige la position debout ! Peut-être vous les épaterez… 🙂

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Christine zc 30 janvier 2015 - 18h32

Ben c’est plutôt gentil je trouve..Pourquoi ne pas voir cela comme une marque de respect ?
Pourquoi ne pas accepter qu’en effet on est vieille et qu’il y a 100 ans on aurait été morte ?Pourquoi ne pas s’émouvoir d’attendrir les autres ? C’est quand même plus chouette que de se faire bousculer ou insulter.Chaque âge a ses avantages et moi si on me proposait une place je dirais oui merci.Et quand mes jeunes clients ou employés s’enquièrent de mon état de fatigue après une journée de 12 heures ,je suis contente

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Anoukem 1 février 2015 - 9h13

Votre empathie, Matchingpoints, me touche vivement, et je vous remercie de la jolie réponse amusante, originale. J’ai envie de l’essayer une prochaine fois ! Je ne sais pas si l’on m’en proposera d’autres. Ce n’est pas facile, mais je voudrais bien. C’est un peu comme un jeu !
En revanche, je ne vois pas ce que peut avoir de respectueux ou d’émouvant le comportement( pour moi, seulement intrusif !) de parfaits inconnus qui se mettent dans un lieu public à vous dicter vos faits et gestes comme si vous étiez diminuée mentalement (je ne l’ai pas été pendant vingt ans et ne le suis toujours pas, conserve mon libre arbitre, sinon, je crois que cela se serait su ou se saurait…) parce que mon visage est marqué et que mes cheveux sont grisonnants. Ni en quoi devrait m’en consoler la pensée qu’il y a cent ans, je serais morte (pas sûr, en plus ! ma famille comptait en 1900 des centenaires qui travaillaient encore aux champs, ou presque !…) ou le rapport avec des proches ou des collègues de travail qui s’inquiètent gentiment de votre état de fatigue après plus de dix heures de boulot (quel que soit votre âge…). On lit tout de même aussi des choses bien surprenantes…

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