Cathie Fidler, écrivain et blogueuse, n’aime pas l’expression » c’est pas mal » et vous explique pourquoi
Les Boomeuses que nous sommes ont peut-être appris à devenir plus modérées avec le temps, notamment sur des sujets à polémique, ce qui ne veut pas dire que nous sommes tièdes, loin de là.
Alors pourquoi diable sommes-nous si nombreuses à utiliser « c’est pas mal » , cette petite phrase passe-partout et fort ambiguë que personnellement, je rejette sans mollesse aucune ?
Ce que je préfère, c’est l’expression d’un vrai coup de cœur, accompagné de points d’exclamation et d’adjectifs comme : « génial ! », « magnifique ! », « merveilleux ! » voire « extra-ordinaire ! – mais pourquoi donc cette expression-là : « C’est pas mal » revient-elle si fréquemment chez d’autres ?
Il me semble l’entendre souvent dans la bouche de ceux qui, au contraire, sont très virulents quand il s’agit de parler de politique ou de sujets sensibles.
Curieusement, devant des tableaux, ou d’autres œuvres artistiques, ils n’ont que ces mots à émettre, comme s’ils ne voulaient pas se mouiller, ni surtout apparaître séduits.
Ce ne sont pas eux qui s’exclameront : « Ah mais j’adore ce que vous faites ! » ni même : « J’en reste sans voix ! »
Non, ils vous lanceront un lapidaire : « C’est pas mal… » Tout juste s’ils n’ajoutent pas « Continuez, mon brave… »
En bonne angliciste, je me dis parfois que c’est un understatement, une forme d’euphémisme que l’autre comprendra comme étant un compliment.
Mais la façon dont ces mots sont prononcés me laisse plutôt croire que ce n’est qu’un anglicisme mal digéré !
Au final – pardon : en définitive –, cela me semble être une manière de ne pas dire que l’on ne sait trop qu’en penser, si c’est du lard ou du cochon, ou si le fait de s’extasier ne va pas donner l’impression que l’on est niais.
Il n’y a rien de pire, semble-t-il, que d’exprimer son enthousiasme. Pour bon nombre de gens, il vaut bien mieux critiquer, mais sans le dire vraiment, avec délicatesse – et une jolie forme d’hypocrisie ?
Car au fond, en disant : « C’est pas mal », ils ne révèlent pas vraiment ce qu’ils pensent, ils ne prennent pas le risque de flatter ni, croient-ils, celui de blesser l’auteur de ce qu’ils ont sous les yeux.
Or c’est tout le contraire qui se produit. On reçoit : « C’est pas mal ton gâteau » très différemment de : « Pas maaal, ton gâteau ! »
N’est-ce pas ? Ou bien c’est le ton qui fait la chanson ?
Et que dire de « Bravo ! » ? Voilà un mot qui ne devrait poser aucune question de sens. Et pourtant…
Il y a une nette différence entre le « Bravo ! » que l’on lance à une troupe d’acteurs à la fin de leur spectacle, en l’accompagnant d’applaudissements et de trépignements de joie, et le : « Bravo, il est réussi ton gâteau ! »
Pourquoi ?
Il me semble que la seconde version implique souvent une forme d’étonnement. Comme si la personne qui le dit ne s’attendait pas à cela venant de vous. Comment, vous êtes « brave » au point d’avoir réussi cette performance ? Ça alors !
En fait, remarquons à quel point il est difficile de féliciter quelqu’un sans marquer ni condescendance, ni flatterie.
Sans doute vaut-il mieux dire, face à quelque chose que l’on apprécie : « Je suis touché(e) ; cela me parle ; cela me plaît ; je suis content(e) pour toi ; cela me fait plaisir que tu aies réussi cela ; je suis fier(e) d’être ton ami(e) ; il est fameux, ton gâteau ! » plutôt que (Grrr) : « C’est sympa ce que tu fais ! »
À bon entendeur salut : la première qui enverra un « pas mal » en commentaire, sera la dernière à être publiée. Na.
Bof.
[infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » »]Cathie Fidler est écrivain, auteur de romans et nouvelles. Découvrez son blog Gratitude[/infobox]