L’automne est une promesse. Ses jours se parent d’or, ses nuits s’alanguissent. De l’aube nue au bain du soir, chaque parfum devient un instant et dépose son heure : le bonheur d’un réveil, la sensualité d’un soupir, le croquant d’un souvenir.
Dix moments d’une journée d’automne, dix parfums de maisons indépendantes que nous avons choisis pour se rappeler que sentir, c’est une manière d’habiter le monde et de ralentir le temps.
Dix parfums d’automne de l’aube à la nuit
4 h — La nuit encore sur les lèvres
Avant le jour, tout est encore suspendu à l’aube. Onedui, composé par Leslie Gauthier (Symrise) sous l’impulsion de Thiphaine Cogez Cousseau, la créatrice de Brume Orpin, s’ouvre sur des facettes boisées et amandées, mêlée à la pêche blanche, juteuse et diaphane. Un accord de frésia et de ciste d’Espagne enveloppe l’air de moiteur. L’ambroxan et l’ambre boisé ferment la boucle : un fond soyeux d’une pureté moderne. C’est un parfum d’apesanteur, une valse au bal de la nuit, une ode au moment fragile où la conscience s’éveille, mais où le rêve demeure. Où l’on se met à sa fenêtre pour se sentir vivant quand l’aube paraît, avant de se lover à nouveau dans les draps à la recherche de son danseur.
ONEDUI, Brume Orpin · Eau de parfum (flacon rechargeable) : 80 ml, 195 €.
7 h — Un matin de peau nue
Le jour se lève et glisse dans la chambre comme une main sur la peau. Rose Blaze, signé Jordi Fernández (Givaudan), capture cet instant où la volupté s’invite sans mots, une confidence murmurée, un secret d’alcôve. La bergamote pétille, la pêche veloutée caresse, la baie rose apporte son éclat vif et épicé. Puis la rose absolue s’élève, pulpeuse, sensuelle, mordante, adoucie par un beurre d’iris au poudré délicat. En fond, le santal, la fève tonka et le benjoin prolongent la chaleur du réveil, un peu animale, comme une fourrure dans laquelle on aime être nue. C’est une rose qui brûle au cœur, un souffle de passion, une confidence olfactive, à demi dite, à demi rêvée, un soupir. Pour celles qui préfèrent ne pas choisir entre le désir et le jour.
D’ORSAY, Rose Blaze, Collection : Les Philtres d’amour .Extrait de parfum (36 % de concentration) : 50 ml, 180 €
9 h — À l’heure du café qui fume encore
La rue s’anime, les tasses tintent, la vapeur du café s’élève dans la lumière encore timide et rougissante. Vanille Caviar, imaginée par Alexandra Carlin (Symrise), unit le brut et le velours, l’amertume et la caresse. Le bourgeon de cassis apporte une verdeur fruitée, la cardamome un éclat d’épice fraîche, le calamus une vibration boisée. Puis le cœur s’assombrit : caviar de vanille, fève de cacao, osmanthus — une gourmandise sèche, sensuelle, sans sucre. La vanille de Madagascar s’y déploie lentement, épaissie de baume du Pérou et de ciste labdanum : une matière noire, brillante, traversée de chaleur qui s’installe, feutrée, comme un souffle sur une tasse encore brûlante d’un café crème. Le monde est à vous.
BDK Parfums, Vanille Caviar. Eau de parfum : 100 ml, 205 €.
11 h — Dans le vent doux des rues éveillées
La ville s’ouvre, le vent tiédit, les feuilles tourbillonnent. Magic Moment composé par Emna Doghri saisit cette seconde suspendue, celle où la porte se referme derrière soi et où les rues vous aspirent déjà. Le parfum s’épanouit sur un miel onctueux et l’éclat lacté de la noix de coco, qui enveloppent la peau d’une délicatesse blonde, presque voluptueuse — promesse d’un matin réconfortant. Au cœur, la fleur d’oranger éclaire, vibre, allume le macadam d’un rayonnement charnel, tandis que le jasmin sambac y ajoute sa chaleur narcotique. Puis la vanille et l’ambre s’enlacent, moelleux, caressants. C’est une senteur d’air suave et de pas légers, celle d’une passante, sourire au vent, ni tout à fait la même ni tout à fait une autre, qui traverse le monde avec l’élégance des amazones.
Maison Maïssa, Magic Moment· Eau de parfum : 50 ml, 130 €.
13 h — À la table du jour lumineux
Le midi éclate, gorgé de soleil, l’été indien est sacré roi. Sicily, créé par Nathalie Lorson (dsm-Firmenich), se déploie comme un tissu chauffé à blanc qui sèche sur une terrasse de Palerme. Les aldéhydes ouvrent sur une clarté fusante, la fleur d’oranger ajoute son miel doré, la bergamote de Calabre fait exploser la fraîcheur des citronniers. Puis le chèvrefeuille et le jasmin s’embrasent tandis que la jacinthe y glisse une note humide, presque saline, souvenir du rivage. Le bois de santal et l’héliotrope prolongent l’effleurement, ourlés d’un musc blanc. Tout ici chante la plénitude et la joie d’un ailleurs si proche : la Sicile, féline, sensuelle, indomptée.
Dolce & Gabbana, Sicily (Re-Edition). Eau de parfum : 100 ml, 355 €.
15 h — Au creux des heures alanguies
L’après-midi s’étire, silencieux, comme une méditation en clair-obscur. Sous la main d’Hugo Lambert, Rêve d’Ossian — né en 1900 — s’inspire du mythe d’Ossian, barde celte célébré au XIXᵉ siècle, dont la mélancolie influença Napoléon, Schubert et Ingres. Il évoque la torpeur des forêts anciennes et la lente respiration du monde. L’encens s’élève, grave et transparent, mêlé au pin maritime. Puis viennent la cannelle, le benjoin, l’élémí, la fève tonka et le bois de gaïac : un cœur vibrant, profond telle une prière. La myrrhe et les baumes referment le sillage, prolongeant la lande. Un parfum pénétrant comme un songe, peuplé de fées, de lune, d’âmes errantes et de silence. Rien de religieux ici : plutôt une rencontre avec notre sacré intime.
Oriza L. Legrand, Rêve d’Ossian· Eau de parfum : 50 ml 150 €.
17 h — Dans la vapeur tendre du thé
Les heures s’adoucissent, tout semble exquis, sucré, prêt à se laisser déguster. Crush, imaginé par Olivier Cresp, fondateur d’Akro aux côtés de sa fille Anaïs et nez visionnaire à l’origine d’Angel de Mugler, est une friandise d’enfance, un murmure des jours heureux, ceux des macarons à la rose croqués devant les vitrines des pâtisseries de Paris. Les amandes s’y fondent au litchi, veloutées, presque lactées. Puis une rose fraîche se glisse au cœur, soulignée d’une praline qui fond comme un aveu sur la langue. Le musc blanc et la vanille s’étirent en fond, cotonneux ; la vapeur du thé fume encore, l’ombre d’un geste tendre se déplie. Ce gourmand, symphoniquement composé, nous emporte loin : il rouvre en nous une joie muette, où l’éveil du désir, le trouble léger et le coup de cœur se respirent autant qu’ils se ressentent. Un parfum addictif, qui porte bien son nom, empreint de lenteur heureuse et de ce temps retrouvé — l’enfance.
Akro. Crush · Extrait de parfum : 30 ml, 95 €.
19 h — À l’or des verres levés
L’air se teinte de cuivre et de rires. Dans le halo d’un bar, Bonsoir Téo, imaginé par Patrice Revillard (Maelstrom), s’ouvre sur une promesse d’allégresse. Le rhum ambré flamboie d’abord, suave et liquide, un feu calme qui réchauffe sans brûler. Puis vient le cuir, souple, patiné, caressant comme une veste portée depuis longtemps, suivi de la fève de cacao, sombre et tendre. L’iris, discret, poudré, y dépose sa lumière douce, tandis que l’ambre et le cèdre ancrent le sillage dans une chaleur d’épaule. Le musc achève ce geste, mêlant la peau au monde. On y sent la conversation, la complicité, les verres qui s’entrechoquent et les regards qui s’attardent. Un parfum pour celles qui n’attendent pas minuit pour allumer le feu.
Téo Cabanel Bonsoir Téo. Eau de parfum : 30 ml ,75 €.
21 h – Au bain tiède du soir revenu
Le jour s’éteint, la vapeur monte, et la peau s’abandonne à la douceur des choses. Bulle de Rose, imaginé par Serge de Oliveira (Robertet), sent la mousse et la pureté heureuse du soir. La bergamote éclate d’abord, cristalline, mêlée à l’élémi et au cassis qui pétillent comme des bulles d’eau. Puis le cœur s’attendrit : une rose absolue de Turquie, savonneuse et suave, s’enlace à un accord vert de tomate, végétal et rafraîchissant, qui évoque la tige coupée. Le tout repose sur un fond de cypriol, de patchouli, de santal et d’ambroxan — une base boisée et cotonneuse qui respire la chaleur du linge propre. C’est le parfum du geste lent, d’un corps lavé du jour, d’une intimité retrouvée. La tendresse n’est-elle pas la plus belle des nudités ?
Les Parfums de Rosine, Bulle de Rose · Eau de parfum : 50 ml, 112 €.
23 h — Au seuil discret de la nuit
Le monde s’apaise, la lampe s’étiole, lente et lourde. Notte Rossa, signé Emna Doghri (Floralys), s’inspire des zelliges roses de Shiraz — mosaïques perses qui gardent la clarté jusque dans la nuit. L’ouverture mêle amande, noix de coco, cassis, caramel et une pointe d’anis étoilé : une moelleuse volupté, lumineuse, qui calme. Puis le cœur s’arrondit de pistache, de violette, de cèdre et de carotte, un poudré vert, onctueux et rassurant, d’une élégance rare. Enfin, l’iris, l’ambrette, les muscs blancs et l’ambre gris diffusent un souffle intime, presque charnel, d’une lenteur hypnotique. C’est un parfum d’abandon et celui qu’on garde pour soi, dans le secret de mille et une nuits.
Maison Cataliya, Notte Rossa · Extrait de parfum : 10 ml, 39 €.
Anne Bourgeois
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