Croisière sur le Rhin romantique. Difficile de résister aux charmes de la Lorelei et des paysages qui l’entourent : collines couvertes de vignes en terrasse et châteaux à profusion érigés sur les pentes. Sans négliger quelques perles muséales, lors d’escales à Rüdesheim et Mayence. Embarquement immédiat.
Prélude sur la Moselle.
Avant de glisser sur la rivière, nous grimpons à l’assaut de la citadelle de Cochem qui surplombe d’une centaine de mètres toute la vallée. Penaud, nous apprenons que cet imposant château de Reichsburg a été détruit sur ordre de Louis XIV en l’an 1689. Resté durant deux siècles en ruine, il a été rebâti dans un style néo-gothique par Louis Ravené, industriel prussien. La visite permet d’admirer un mobilier précieux : armoire du XVIe siècle dans la salle d’armes, assiettes en porcelaine de Delft exposées sur de vastes buffets, tandis que dans la cour, l’ancienne chapelle fournit à présent un cadre attrayant pour les mariages.
Navigation tranquille sur l’affluent du Rhin, agrémentée par le passage d’écluses, jusqu’à la confluence de Coblence. Au-delà, les coteaux verdoyants recouverts de vignes qui entourent le fleuve accueillent une bonne vingtaine de châteaux forts que l’on imagine chargés d’histoire. Chacun affiche une silhouette majestueuse et un style propre. Façades blanches et crénelées du château de Stolzenfels ; tours élevées des forteresses voisines de Katz et Maus qui semblent se surveiller comme le chat et la souris – d’où leur nom – mais qui assuraient surtout hier la protection du commerce fluvial.
La légende de la Lorelei
Les pentes se font plus abruptes au point que l’on se demande si les vignerons ne doivent pas s’encorder pour accéder aux terrasses les plus élevées. Le fleuve se resserre. Nous approchons de la statue de la Lorelei, symbole du Rhin romantique. Elle perpétue une légende qui a traversé les siècles et inspiré de nombreux artistes. Par sa beauté et son chant mélodieux, l’enchanteresse perchée sur son rocher envoûtait les bateliers. Nombre d’entre eux qui tentaient de s’approcher de la jeune fille, oubliaient de scruter écueils et tourbillons. Ils chaviraient et sombraient alors dans les flots.
Cette mise en garde symbolique contre le chant des sirènes ne nous détourne pas d’une autre musique originale, celle délivrée par les orgues de barbarie et autres instruments de musique mécaniques rassemblés au musée de Rüdesheim. La collection de Siegfried Wendel et son travail de restauration méritent le détour. D’une pièce à l’autre résonnent les sons étonnants venus d’un autre âge : gramophones à pavillon, boîtes à musique sous forme d’oiseaux chanteurs dans leur cage dorée, multiples orchestrions comportant pianos et violons. Magie de ces automates qui non seulement jouent tout seuls, mais animent de surcroît une pléiade de marionnettes donnant l’illusion d’une authentique symphonie.
Une croisière sur le Rhin qui imprime
Ainsi bercés, nous poursuivons notre voyage musical jusqu’à Mayence. La ville universitaire de 200 000 habitants cultive son riche passé. Le centre historique a été transformé en espace piétonnier tout autour de la cathédrale de grès rose du XIe siècle et de maisons à colombages.
Cependant, l’attraction première demeure le personnage de Gutenberg, né dans la cité vers 1400. Un musée très pédagogique rend un hommage mérité à l’inventeur de l’imprimerie moderne. À l’époque, bien des livres étaient écrits à la plume d’oie sur des parchemins.
Chaque exemplaire réclamait un travail d’un an, voire plus, aux copistes. Vers 1390, en même temps qu’apparurent les premiers moulins à papier, l’impression à l’aide de planches à bois commençait à diffuser. Mais elles étaient à usage unique. Le génie de Gutenberg fut d’allier deux inventions. Primo, l’utilisation une presse à vis autorisant une impression recto verso du papier. «Cette idée lui est sans doute venue, suggère notre guide, de la technique des anciens pressoirs à vin, nombreux dans la région». Secundo, la mise au point de caractères métalliques mobiles, réutilisables, fondus dans un moule à arçon. On versait dans le moule des lettres un alliage chauffé à 300° de plomb, d’étain et d’antimoine qui avait la propriété de refroidir rapidement. L’impression sortait enfin du Moyen Âge. « Gutenberg n’était pas seulement un inventeur, il se révéla aussi artiste de talent », assure notre accompagnatrice. Elle nous entraîne vers la salle coffre-fort du musée. Là sont exposés les premiers livres de Gutenberg, quelques bibles qui sont autant de véritables chefs d’œuvre composés entre 1452 et 1455. Les 1200 pages comportent chacune deux colonnes de 42 lignes. Surtout, le texte est rehaussé d’enluminures et de lettrines décorées.
D’autres imprimeurs prendront bientôt le relais et proposeront à leur tour jusqu’en 1500 toute une série d’incunables, comme le « Psautier de Mayence ». Reste que l’invention déterminante de Gutenberg a permis la vulgarisation des connaissances – celles du siècle des Lumières, en particulier – et l’accès aux livres du plus grand nombre. En attendant, la révolution contemporaine du numérique et l’ère de la digitalisation.
Texte et photos : Yves Hardy
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Infos pratiques
- Y aller. Croisière de 4 jours à partir de Strasbourg sur la Moselle et le Rhin à bord du « Douce France », bateau confortable (4 ancres) et à taille humaine (55 cabines). À partir de 570 €/personne, excursions en sus. Renseignements et réservation : CroisiEurope. Tél : 0 825 333 777
- À voir. Le musée des instruments de musique mécaniques à Rüdeshheim et le musée Gutenberg à Mayence.
- Guide. Allemagne (Petit Futé, 13,95 €).
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1 commentaire
Un joli billet – je connais bien ce coin de l’Allemagne, je suis née dans la vallée du Rhin. C’est une belle promenade à faire !