Dans un milieu très masculin, Germaine Cellier, créatrice de parfums reconnus pour de grandes maisons de luxe a su s’imposer en tant que nez féminin, grâce à sa personnalité détonante et ses créations avant-gardistes.
Son histoire est racontée dans une BD biopic écrite par Béatrice Égémar et illustrée par Sandrine Revel. Un magnifique roman graphique publié chez Nathan qui retrace sa vie, son œuvre et invite le lecteur à la découverte des coulisses de la création dans cet univers de la parfumerie, si secret. Une belle idée de cadeau pour Noël.
Qui est Germaine Cellier ?
Depuis son plus jeune âge, la petite Germaine découvre le monde à travers son odorat. À douze ans, lors d’une promenade sur une plage près de Marseille, elle cueille des œillets des sables et s’écrie « J’adore ! C’est… piquant ! poivré ! » ; elle partira ensuite à la quête de cette sensation…
Germaine Cellier (1909-1976) est une femme à la personnalité atypique, toujours élégante, mais on la remarque par sa gouaille. Déterminée, libre et chic, elle aimait fumer et boire du whisky. Elle traverse les milieux de la mode, côtoie les artistes, des peintres, la grande bourgeoisie et de nombreuses personnalités influentes ; sa vie mondaine lui tracera un chemin.
Son histoire
Germaine est née le 26 mars 1909 à Bordeaux, d’un père artiste un peu bohème et d’une mère courageuse mais drôle.
Elle sera ensuite pensionnaire avec sa cousine Catherine Mengelle de 2 ans sa cadette qui affiche un caractère indiscipliné.
La famille déménage à Argenteuil
À quinze ans, elle annonce vouloir créer des parfums. Elle s’inscrit à l’école Scientia, à Auteuil, et obtient en 1925 un diplôme d’aide chimiste. Elle s’émerveille de Paris et plonge dans l’univers du parfum. Toujours accompagnée de son intrépide cousine, elle commence à côtoyer des peintres, des poètes et baigne dans un univers artistique.
En 1930 Germaine intègre la société Roure (aujourd’hui Givaudan), basée à Argenteuil, qui conçoit des produits de synthèse pour la parfumerie. Elle contrôle la qualité, élabore des bases.
Alors que la guerre éclate, elle rencontre et s’unit au joueur de tennis Christian Boussus.
En 1943 Germaine sort beaucoup. C’est à cette période qu’elle fait la connaissance du couturier Robert Piguet qui la sollicite pour créer un parfum pour sa marque de mode…
Ses créations en parfumerie
Chaque création est un succès. Ses fragrances, destinées aux femmes libres et modernes de l’époque sont affranchies des codes classiques de la parfumerie française. Son audace révolutionne, un peu comme un chef extraordinaire, elle enchaine les réussites, très différentes les unes des autres. Intuitive et visionnaire, elle signe des créations qui naissent par évidence, comme un flash, elle a un don. Sûre d’elle, elle impose ses idées sans aucune hésitation ; ses sillages sont inattendus, presqu’insolents ; elle ose.
En 1944, elle imagine Bandit pour Robert Piguet : un sublime masculin-féminin, cuiré sauvage éclairé de violette. Il portera le nom d’un des chiens de Robert Piquet.
En 1946, Nina Ricci sollicite Germaine qui crée Cœur Joie : un beau fleuri poudré, léger et joyeux.
En 1947, Balmain pour accompagner la création de sa maison demande à Germaine de lui proposer un parfum. Ce sera Elysées 64-83, composé de fleurs et d’ambre gris, qui tient son nom du numéro de téléphone de la boutique.
Toujours en 1947, pour Balmain, Germaine crée Vent Vert : un parfum frais, vif et moderne, dans lequel le galbanum est surdosé.
Germaine impétueuse finira par claquer la porte et s’installer à Neuilly sur Seine. C’est là qu’elle concevra son chef d’œuvre, en 1948 : Fracas, le parfum de la femme fatale autour de l’entêtante note de tubéreuse.
En 1949, elle crée La Fuite des Heures pour Balenciaga, un chypré moins connu mais tellement merveilleux…
Puis en 1953, Jolie Madame pour Balmain, un chypré floral sophistiqué.
Et enfin en 1964 Monsieur Balmain, un concentré d’essence de Verveine.
Figure de la parfumerie d’après-guerre cette femme géniale, charismatique, rebelle et mystérieuse qui avait « la formule dans la tête » est pourtant restée dans l’ombre… Ses parfums ont séduit Outre-Atlantique et sont aujourd’hui encore portés par des célébrités.
Focus sur Fracas, Robert Piguet
Notes de tête : néroli, coriandre, jacinthe, bergamote, pêche.
Notes de cœur : tubéreuse, jasmin, rose, œillet, gardénia, jonquille, narcisse, muguet, iris, fleur d’oranger.Notes de fond : musc, vétiver, mousse de chêne, ambre, bois de santal.
Germaine Cellier – L’audace d’une parfumeuse de Béatrice Égémar et Sandrine Revel, BD format 19,5 cm x 26 cm 160 pages, 27€ aux éditions Nathan BD
Béatrice Égémar scénariste
Après des études de droit, de chant, et quelques années passées à travailler comme cadre, elle se consacre à l’éducation de ses quatre enfants et à l’écriture. Elle est l’autrice d’une trentaine d’ouvrages pour la jeunesse avec une prédilection pour les romans historiques. Elle est par ailleurs Designer olfactif et propose des causeries où à partir de ses livres sur le thème du parfum, elle évoque l’histoire de la parfumerie en France.
Sandrine Revel dessinatrice
Après des études aux Beaux-Arts de Bordeaux dans les années 90, Sandrine Revel publie son tout premier livre en 1996, et depuis, elle n’a jamais arrêté. Elle réalise une trentaine de BD, jeunesse, fiction, biographie, conte, documentaire…
Peintre et illustratrice, elle travaille pour la presse et expose ses toiles entre Paris et Bordeaux, mais reste, avant tout, créatrice de bande dessinée.
Géraldine Bourcier texte et photos
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