VAlérie Trieweiler interview livre c'est pour une amie

Rencontre avec Valérie Trierweiler et Constance Vergara pour
« C’est pour une amie », le guide feel-good à l’usage des quinquas

par Anne Bourgeois

Ruptures amoureuses, licenciements, petits kilos en plus, ménopause invalidante… La cinquantaine traîne souvent une réputation en dents de scie. Avec leur ouvrage C’est pour une amie : manuel à l’usage des quinquas, paru le 10 octobre aux éditions Les Arènes Valérie Trierweiler et Constance Vergara racontent ce nouvel âge, loin des bigoudis et des aigreurs d’estomac.

Rencontre avec deux boomeuses au top de leur forme qui signent un vrai guide feel-good pour les femmes qui en ont assez des injonctions du « sois belle et tais-toi ». Des femmes à qui on demande leur âge sans que cela soit un gros mot.

Pourquoi ce livre ? Qu’est-ce qui rend ce sujet sur les quinquas si essentiel aujourd’hui ?

Valérie Trierweiler : Tout a commencé par des discussions entre amies. Constance et moi nous connaissons depuis vingt-cinq ans, et nous avons traversé de nombreuses étapes ensemble. Moi je clos la cinquantaine, et Constance la démarre, donc j’ai expérimenté certaines choses un peu avant elle. En partageant nos histoires, celles de nos amies, on a réalisé qu’il y avait un sujet important. Beaucoup de femmes pensent que la cinquantaine est synonyme de renoncements, alors que, pour nous, c’est le contraire ! Nous vivons ce moment comme une renaissance, une période où l’on peut rire de soi et se réinventer. On voulait éviter les discours plaintifs et trop sérieux et aborder le sujet avec autodérision.

Constance Vergara : Exactement, nous avons toutes grandi avec cette idée qu’à cinquante ans, les femmes deviennent invisibles. Dans la réalité, c’est souvent une période de renouveau avec une dimension très positive. Ce qu’on voulait, c’était offrir un message d’espoir. On a eu nos épreuves, des moments durs, mais on a appris à rebondir, à rire de soi. À cinquante ans, la vie ne s’arrête pas ! Elle peut même commencer sous un jour nouveau, avec des envies de liberté et de projets personnels. Nous voulions battre en brèche les clichés.

Le titre Pour une amie ? Est-ce un clin d’œil ? Qu’est-ce que cela représente pour vous en termes de sororité ?

Constance Vergara : C’est un clin d’œil à un moment où l’on achète un livre ou un produit un peu intime et qu’on prétexte « c’est pour une amie » parce qu’on n’ose pas toujours admettre qu’il nous concerne. Cela crée un sentiment de complicité avec les lectrices, comme si on discutait entre amies. À 50 ans, l’amitié devient un pilier essentiel. Nos amies, ce sont nos alliées. On a souvent moins de temps à cet âge pour se faire de nouveaux amis, mais on redécouvre la force de celles qui sont là depuis toujours, la sororité trouve tout son sens. Une de nos amies m’a confié que le chapitre sur l’amitié l’avait particulièrement touchée. Sa mère est malade, et récemment, une de ses amies lui a proposé de l’accompagner à l’hôpital en dehors de Paris. Ce soutien l’a « sauvée », selon ses propres mots.

Valérie Trierweiler : L’amitié est cruciale. Quand on redevient célibataire, nos amies deviennent presque une deuxième famille. Cette solidarité féminine est essentielle, surtout quand on traverse des épreuves comme la maladie, où être entourée de douceur et de confiance vaut tout l’amour du monde. C’est une belle découverte à 50 ans. C’est aussi amusant de voir que ce titre plaît aussi aux hommes ! Certains nous ont dit qu’ils allaient l’acheter pour eux-mêmes, pour mieux comprendre les femmes, mais qu’ils diraient que c’est « pour une amie ». Comme ce chauffeur de taxi, qui m’a reconnue et m’a dit : « Je vais acheter le livre pour moi, pas pour ma femme, parce que j’ai envie de mieux comprendre les femmes de mon âge. » C’est une belle surprise !

VAlérie Trieweiler interview livre c'est pour une amie

Vous évoquez cette idée de liberté retrouvée à 50 ans comme d’une « adolescence tardive ». En quoi consiste-t-elle ?

Valérie Trierweiler : La cinquantaine ressemble à une deuxième adolescence parce que les enfants quittent souvent le foyer, et on retrouve une forme de liberté que l’on n’avait plus connue depuis longtemps, nous ne sommes plus cantonnées à notre rôle de mère. À cinquante ans, on est libres de sortir quand on veut, de ne rendre de comptes à absolument personne. Cette femme « fantôme » dont on parle souvent, invisible parce qu’elle ne procrée plus, ce n’est pas notre réalité. Nous sommes là, bien présentes, à vivre pleinement notre vie. C’est comme un sablier qui s’inverse : on sent le temps qui passe, et on a envie de croquer cette décennie à pleines dents.

Constance Vergara : La cinquantaine, c’est aussi le moment où on peut dire non sans culpabilité. Non à certaines attentes, non à des relations toxiques, non aux pressions sociales. Il y a quelques mois, une amie m’a dit : « J’ai toujours voulu apprendre la sculpture, mais je n’ai jamais eu le temps. » Aujourd’hui, elle s’y met, parce qu’elle réalise qu’il n’est jamais trop tard. C’est cette liberté d’oser faire ce qu’on aime qui est si précieuse.

Vous parlez aussi de la « ménopause sociale » dans le chapitre Merci patron ! De quoi s’agit-il ?

Valérie Trierweiler : La ménopause sociale, c’est cette mise à l’écart que les femmes subissent souvent dans le monde professionnel à partir d’un certain âge. Dans certains milieux, on reste actives, mais pour beaucoup, il y a une forme d’invisibilité. Alors même que nous avons plus d’expérience, nous n’avons plus d’enfants en bas âge qui nécessitent notre présence constante, et nous sommes pleinement investies. Ce n’est pas uniquement un enjeu pour les femmes, d’ailleurs. Le marché du travail exclut souvent les seniors dès 45 ans. C’est un vrai problème, et la rupture est encore plus nette à 55 ans.

Constance Vergara : Ça peut être le début d’une dégringolade, une sorte de château de cartes qui s’effondre si l’on ne fait rien pour aller vers l’extérieur. C’est pourquoi nous encourageons les femmes à rebondir, à oser explorer de nouvelles voies. On parle du « slashing », cette tendance à multiplier les activités professionnelles. C’est un choix de vie pour certaines, une nécessité pour d’autres. Moi-même, par exemple, j’ai cumulé plusieurs activités : journaliste, formatrice, consultante… C’est devenu une façon de donner du sens à sa vie et de ne plus se sentir enfermée dans une seule voie.

Vous évoquez aussi les injonctions dont on se libère à la cinquantaine. Lesquelles, en particulier ?

Constance Vergara : On n’a plus cette charge mentale des femmes qui travaillent en élevant de jeunes enfants. Nous avons élevé trois garçons chacune, et nous avons toutes deux mené une belle carrière. Cette pression, on ne la ressent plus, et cela nous libère. Aujourd’hui, on a enfin du temps pour nous. Et on n’a plus à se conformer à certaines attentes.

Valérie Trierweiler : Entre 30 et 40 ans, on est davantage sous pression ; il faut trouver un mari, le garder, faire des enfants et réussir sa carrière. À 50 ans, on peut enfin redécouvrir ce qu’on aime, ce qu’on a mis de côté pour d’autres priorités. C’est une période jubilatoire où l’on peut vraiment se consacrer à soi, sans injonctions extérieures.

La révolution MeToo a-t-elle changé les relations hommes-femmes ?

Valérie Trierweiler : Certains hommes sont un peu plus prudents. Ils vont demander : « Est-ce que j’ai le droit de vous offrir un verre ? » Il y a cette question du « droit » qui revient, de peur d’être mal interprétée. Ils marchent un peu sur des œufs ! Notre génération a transmis l’idée d’égalité à nos fils, qui la trouvent évidente. Quand en on parle avec eux, ils disent : « C’est un non-sujet. Pour nous, l’égalité hommes-femmes est naturelle. » Cela montre que les mentalités évoluent. Même si les clichés ont la vie dure ! mon fils m’a demandé si j’avais vérifié la pression de mes pneus avant de prendre la route. Et je n’y avais même pas pensé, car j’avais toujours eu quelqu’un pour s’en occuper. C’est un peu ça, le patriarcat que l’on a accepté sans même y penser

Constance Vergara : Totalement. J’ai moi-même vécu du harcèlement dans une rédaction, mais à l’époque, on n’avait pas encore ce cadre de MeToo pour s’exprimer. Aujourd’hui, les femmes ont plus de voix, et cela incite certains hommes à rester à leur place. Nous remercions la nouvelle génération, car elle fait un travail de fond que nous n’avons pas pu faire à l’époque.

Vous avez consacré un chapitre « Fichez-nous la paix » aux pressions esthétiques. Quelle est votre vision de ces injonctions de minceur et de jeunesse ?

Constance Vergara : le chapitre s’appelle « Fichez-nous la paix » pour une raison ! Nous en avons assez des injonctions autour de la minceur et de la jeunesse éternelle. À cinquante ans, on veut vivre en paix avec notre corps, qu’on choisisse la médecine esthétique ou qu’on garde nos rides.

Valérie Trierweiler : Nous avons reçu des messages de femmes qui pensaient qu’on encourageait la prise de poids. Ce n’est pas du tout ça ! Ce que nous disons, c’est qu’il faut se détacher de cette obsession de la minceur à tout prix. À cet âge, nous voulons pouvoir être nous-mêmes, sans jugement. Une amie a gardé ses rides qu’elle voit comme les traces de son vécu, une autre a fait quelques retouches. Ce qui importe, c’est que cela soit un choix libre, sans pression. On veut que les femmes se libèrent des injonctions de la minceur et de la jeunesse. À la cinquantaine, on peut être belles et séduisantes, et l’essentiel est d’être bien dans sa peau.

Le discours autour de la ménopause se libère enfin. En parler ouvertement, c’est aussi revendiquer le droit à un corps qui vieillit sans honte ?

Constance Vergara : La ménopause est une étape inévitable pour toutes les femmes, mais elle n’est pas synonyme de souffrance. Pour certaines, elle peut même être un soulagement, car on n’a plus les mêmes contraintes. Dans le livre, on parle aussi de la « revanche de l’orque » : dans le monde animal, une fois ménopausée, l’orque devient la cheffe de sa tribu. On s’est identifiées à cela.

Valérie Trierweiler : Oui, à 50 ans, on gère tout ça depuis des années. Certes, les bouffées de chaleur et les nuits perturbées sont bien réelles, mais on s’adapte ! On en plaisante même : « on ouvre une fenêtre » ! La ménopause est souvent perçue comme une perte, mais nous voulons montrer que c’est un moment de transformation et de leadership. Elle libère des pressions liées à la maternité, et permet de se concentrer sur soi et ses projets.

La cinquantaine peut aussi être une période de bouleversements amoureux. Quel est votre rapport aux relations de couple à cet âge ?

Valérie Trierweiler : La différence, c’est que l’on ne cherche plus à tout prix à construire une vie commune. On ne va pas rencontrer quelqu’un en se disant : « Ce sera le père de mes enfants, ou mon futur mari. » Cela rend les relations plus légères ; avec l’expérience, on attend moins des hommes. Nous n’avons plus besoin qu’ils remplissent toutes nos attentes. Une amie célibataire nous disait qu’elle n’accepterait jamais qu’un homme lui dise de changer quelque chose pour lui plaire. À cet âge, on connaît notre valeur et on refuse de la remettre en question pour quelqu’un d’autre.

Constance Vergara : Et nous revendiquons le droit au célibat d’un choix plutôt qu’un état imposé. Les hommes de notre génération sont parfois un peu déstabilisés par cette indépendance. Beaucoup craignent de mal faire, surtout depuis MeToo, et ils hésitent à s’impliquer. Cela peut créer des tensions, mais aussi des relations plus respectueuses, où chacun est libre de ses choix.

Donc, pas de routines compliquées, comme celles de nos adolescentes avec leurs cinq ou six produits différents ?

Constance Vergara : Pas du tout ! je suis un peu comme Valérie… je ne collectionne pas les crèmes, mais surtout parce que ça représente un budget important. Et je n’ai pas le temps ! On est dans une vie active, tout va vite.

Un dernier mot pour les femmes qui entrent dans la cinquantaine ?

Valérie Trierweiler : Ne laissez personne vous dire que c’est la fin. La cinquantaine est une période de renaissance. Prenez des risques, amusez-vous, vivez pour vous. C’est un moment pour oser ce qu’on n’a pas eu l’audace de faire plus jeune. Moi, qui n’ai plus mes enfants à la maison, je n’ai plus de comptes à rendre à personne, ni à un mari qui attend certaines choses. Les rôles étaient encore assez genrés pour notre génération, mais aujourd’hui, c’est une charge en moins.

Constance Vergara : « Pour nous, le mot “culpabilité” n’existe plus. » Elle n’a plus de raison d’être à notre âge. Et surtout, entourez-vous d’amies et savourez chaque instant. À cinquante ans, il ne s’agit plus de suivre des règles, mais de se créer les nôtres, d’apprécier cette nouvelle liberté.

 

Anne Bourgeois
photo©Audoin Desforges

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