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Truffaut-Correspondance, de David Nathanson au Lucernaire, les mots-émotions

par Alain granat

Tout au long de sa prolifique et trop courte carrière, d’abord comme critique au sein des Cahiers du cinéma avant de devenir, avec son éternel rival Godard, le réalisateur emblématique de la Nouvelle Vague, François Truffaut n’aura cessé d’écrire lettres après lettres. Adressées tout aussi bien aux écrivains, acteurs et cinéastes qu’il admirait, qu’en réponse à ceux qui, pour de bonnes ou mauvaises raisons, le sollicitaient. De cette somme de plus de cinq cent lettres recueillies par Gilles Jacob et Claude de Givray dans le livre « Truffaut, correspondance », David Nathanson a imaginé un spectacle touchant et souvent drôle, qu’il reprend au Théâtre du Lucernaire.

 

Après son extraordinaire adaptation du roman « Le Nazi et le barbier » d’Edgar Hilsenrath et « D’autres vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère, le comédien et metteur en scène David Nathanson nous offre à nouveau un très beau moment de théâtre. D’un côté de la scène, une table basse, parsemée de magazines et documents, un petit fauteuil vintage avec à ses pieds des piles de Cahiers du cinéma, de livres…

De l’autre côté, une table en bois massif, creusée pour y loger un clavier de piano. David Nathanson, avec la complicité de l’excellent pianiste Antoine Ouvrard (en alternance avec Pierre Courriol), déroule avec délectation la plume souvent acerbe de Truffaut, alternant humour pétillant, colère, tendresse, émotion et réflexions politiques.

Les lettres choisies parmi l’intense correspondance produite par le cinéaste sont à la fois le reflet d’un homme entier, passionné, et celui d’une époque révolue. Au fil du spectacle, on y croise les figures de Simenon, Camus, Sartre, Henry Miller, Louis Malle, Godard évidemment, mais aussi Alain Souchon, un ministre de la culture (Alain Peyrefitte), un haut magistrat, un producteur minable venu lui proposer une panouille, une scénariste tentant de lui vendre un projet désastreux, une productrice insistant pour qu’il adapte à l’écran « Un amour de Swann », son père, ses filles et bien sûr ses muses-actrices et son mentor et père de substitution André Bazin.

Truffaut-correspondance, un spectacle qui parle de la vie

L’ensemble, aussi hétéroclite qu’il puisse paraître, est réjouissant, porté par le talent de David Nathanson, dialoguant avec son pianiste aux accents des plus célèbres mélodies des films de Truffaut. L’habileté de la mise en scène (co-réalisée par Judith d’Aleazzo et David Nathanson), l’ingéniosité d’un dispositif vidéo qui souligne discrètement chaque lecture, contribue à la fluidité du spectacle.

Bien sûr, « Truffaut-Correspondance » ravira les fans du cinéaste. Mais sa grande force est aussi d’éviter les références à outrance qui pourraient perdre le spectateur peu familier de son œuvre. Les lettres choisies ici parlent d’amitié, d’amour, de l’enfance, de littérature, de politique, de cinéma. Bref, de la vie.

Pour paraphraser ce qu’écrivait François Truffaut à propos de son film Le Dernier Métro, « Ce ne sera ni un film sur le théâtre, ni un film sur l’Occupation, mais une histoire d’amour et d’aventures ».
« Truffaut-Correspondance » n’est ni une pièce sur le réalisateur des 400 coups, ni sur le cinéma, mais une superbe déclaration d’amour à un homme empli de failles, de passions, et fou des mots.

 

Truffaut-Correspondance
Écrit et mis en scène par Judith D’Aleazzo et David Nathanson
Du mardi ai samedi 19 h , le dimanche 15h30, jusqu'au 10 novembre
Durée 1h15

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Billetterie : 01 45 44 57 34

 

Alain Granat

 

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