Cette semaine, Dominique Mallié*, nous parle de sa (toute) petite maman.
Voilà avec ces fêtes, on a renoué le temps d’un repas ou plus avec La famille, au complet ou pas, et si on a la chance d’avoir nos parents, on a vécu une fois encore ce mélange des générations : nos parents, nos enfants, les enfants de nos enfants …. Je regardais ma mère dans cette joyeuse agitation festive et je me disais que la voir toujours souriante, bienveillante, plus petite que jamais, toute ridée avec sa mise en pli de la veille, belle et gracieuse, reste ce que j’ai de plus précieux… je la regardais donc et je pensais que quelque soit notre âge on reste la fille de ses parents, dans cette attention, cette histoire de vie qui est nôtre.
Elle est née à une époque où, en province, quand les filles allaient au bal, elles se dessinaient un trait derrière la jambe pour laisser croire qu’elles portaient des bas ; elles avaient vu ça sur les magazines qui trainaient dans les familles où elles avaient été employées. Elle est née à une époque où les choses faisaient sens, on se mariait parce qu’on voulait se lier à vie à un homme, faire des enfants, lui préparer la popote, coudre, rapiécer, faire les lessives… tout cet univers de la maison, pour ces jeunes filles modestes, c’était le rêve, elles s’étaient préparées à cela en faisant l’Ecole Ménagère, elles allaient devenir de bonnes épouses et de parfaites femmes d’intérieur. Elles découvraient peu à peu les appareils ménagers qui allaient grandement leur faciliter la vie. Avant le féminisme, qui n’a pas été une avancée dans tous les domaines car il a trop brouillé les cartes entre hommes et femmes, elles se fabriquaient dans l’ombre d’un mari, une vie douce dont l’éducation des enfants étaient le centre. A elles, l’affectif, au père l’autorité. Les rôles étaient distribués et chacun s’y conformait. Celles qui voulaient travailler, on les trouvait masculines.
Elles cousaient leurs robes elles-mêmes, se faisaient des mises-en-plis ou des permanentes et papotaient chez le coiffeur sous les casques chauffants. Elles y lisaient « NOUS DEUX » et « PARIS MATCH », et vivaient par procuration la vie des stars. L’après-midi, elles allaient boire le thé chez l’une ou l’autre, avec les petits accrochés à leurs jupes serrées, qu’elles mouchaient d’une main avec des carrés de tissus qu’elles glissaient ensuite dans leurs manches.
Elles portaient des cardigans et des robes en tweed au dessous des genoux et toujours des talons, toujours. Elles étaient élégantes et modestes, élégantes parce que modestes. C’était une sorte de bonheur au jour le jour et tout entier dans la consécration au foyer.
Je suis riche de son histoire de vie aujourd’hui, de son regard sur moi. Et pendant qu’elle tournoyait autour de nous, s’assurant que rien ne manquait, je revoyais mes années d’enfance, son inquiétude presque animale de savoir où j’étais, ses certitudes que je ferai mon chemin, ses encouragement à persévérer quand je formulais des doutes.
Voilà c’était ça aussi, ces fêtes de fin d’année, aussi et surtout, ce bel amour qui ne s’économise pas, qui se dit autrement que par les mots car on dit peu, chez mes parents, l’amour, mais on le montre dans toutes ces petites attentions si touchantes. Et comme d’habitude, je me suis dit qu’il fallait les voir plus souvent, tous les deux, qu’ils m’attendent et que chaque fois, ma présence est une fête qui résonnera longtemps après que nous nous soyons quittés…
[infobox bg= »redlight » color= »black » opacity= »on » subtitle= » Dominique Mallié, blogueuse nous livre chaque mercredi sa vision de cinquantenaire sur des sujets qui la touchent, l’émeuvent ou la font s’interroger sous la forme de chroniques au ton décapant. Elle tenait le blog «chic, j’ai cinquante ans » sur l’Express Styles avant de rejoindre Les Boomeuses. Prof de lettres, elle organise régulièrement des lectures de textes qu’elle écrit dans sa ville d’ Avignon. Passionnée d’art, elle court les expositions et nous fera également partager quelques-uns de ses coups de coeur pour les artistes. »][/infobox]
12 commentaires
Bonjour,
J’aime beaucoup vos articles et les sentiments que l’on trouve derrière les mots. Contente de vous trouver ici, je ne lisait pas l’express et donc je vous découvre. Avez-vous un blog ou un facebook public où l’on peut vous « retrouver » également ? De toute manière je vous retrouverai toujours « ici » avec grand plaisir.
J’ai un peu l’impression, là, du lecteur qui finit un roman et fonce chez le librairie acheter tout les livres du même auteur.
Bonne fin d’année à toute l’équipe et meilleurs voeux à tous pour 2016. Je ne vous suis pas depuis le début mais depuis déjà pas mal de mois et je vois ce webmagazine j’enrichir (-d’écriture bien sûr et j’espère pour vous aussi d’autre chose !) et c’est vraiment un régal.
Merci
Isabelle
Merci Isabelle pour vos sympathiques commentaires. On essaye en effet d’enrichir quotidiennement les Boomeuses, avec de nouvelles rubriques et des chroniqueuses talentueuses, comme Dominique Maillé qui nous donne sa vision de la femme de 50 ans, avec un joli ton. Ou comme Odile Bagot, gynécologue qui nous parlera de santé et forme. Une très belle fin d’année pour vous et vos proches et tous nos voeux pour 2016.
Merci Isabelle, j’essaye d’être au plus juste de ce que je ressens … et surtout dans le plaisir d’écrire, de partager , je crois que cela se sent . Rien ne peut se faire sans plaisir.
Des commentaires comme le vôtre me touchent et m’encouragent .
Belle soirée du » bout de l’an » à vous …
Dominique
Ton article est très émouvant et nous rappelle à tous, justement après cette période de parenthèse familiale, à quel point nous devons les chérir (et ne pas nous laisser gagner par cet agacement qui parfois nous emporte face à ces valeurs si différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui….Encore un article très réussi ! Bravo Dominique !
Oui, je ne sais pas pour quelle raison cette année, j’ai vêcu ce Noël comme ça, dans cette pensée et cette peur dans le même temps du » jamais plus » … peut être parce qu’elle l’a fait remarquer à plusieurs reprises , que c’était une grande joie de nous avoir et que peut être … tout cela est si fragile … BISES et bon nouvel an …
Très touchant cet article……
Merci car il nous rappelle pleins de merveilleux souvenirs……..
des souvenirs gravés dans nos cœurs………
oui, coco, c’est souvent le cas, une grande reconnaissance …. bon réveillon à vous , des bises
Voilà un vision bien idyllique du passé..que se passaient ils pour celles qui étaient dotées d’un mari alcoolique ,violent ,malade; ou empêché de travailler..Moi je me souviens de ma mère rinçant le linge (car les machines ne rinçaient pas en ces temps magiques)dans l’eau froide sur la terrasse …le chauffage central n’existait que chez les « riches » donc il fallait recharger le poêle le matin …Je me souviens de ma grand mère ,commerçante ,qui devait demande l’autorisation de son mari pour ouvrir un compte en banque (début des années 60) pour déposer l’argent qu’elle avait gagné ..Le féminisme nous a ouvert des tas de portes ,comme l’électro ménager :)..ne laissons pas nos filles retourner en arrière
Je pense qu’il faut surtout le lire comme un hommage tendre envers sa mère et non comme une idéalisation de cette époque.
Idyllique ? je ne sais pas …. ainsi que ma mère me le donne à voir et entendre.. Cela n’exclut pas les moments de grands malheurs en effet, pour elle également. Je crois que ma mère a un goût du bonheur et ça je lui dois et lui en suis reconnaissante .
je lisais il y a peu une interview d’Elisabeth Badinter, qui évoquait le féminisme et cette égalité que nous avons voulue, ces revendications qui ont été nôtres, celles de nos mères ( pas la mienne car élevée dans une petite ville de province et qui plus est italienne jusqu’à ses 21 ans) et s’interrogeait sur la disparition des grandes passions amoureuses qui demandent une différenciation nette des sexes … bref, c’est un autre débat. plus philosophique .
un beau réveillon à vous et merci pour votre commentaire
Une autre époque, une autre vie, qui ne peut plus nous convenir, mais qui nous fait ressentir une forme de nostalgie, malgré nous !
Nous sommes d’autant plus sensibles, nous les matchingpoints, que nous avons toutes les deux encore nos mères, très âgées, témoins de cette époque.
Bonne année
Oui, c’est clair que on est satisfaites que nos mères, militantes, que des femmes » de tête » comme on disait alors aient fait avancer les choses, dont nous bénéficions aujourd’hui….Je me rends compte aussi en la voyant vivre comme son monde s’est rétréci : peu de sorties, une vie essentiellement tournée vers l’espoir que demain sera comme aujourd’hui.
je vois bien autour de moi que les femmes ( et les hommes bien sûr) qui ont une vie intellectuelle riche continuent d’avoir cette curiosité , elle a toujours vêcu dans l’ombre de mon père comme je le dis dans cette chronique, mais heureuse de cela…
bonne année aussi et merci pour vos voeux
Dominique